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L’esprit ou la lettre, l’article 47 plus que jamais d’actualité




par Aziz Boucetta

 L’esprit ou la lettre, l’article 47 plus que jamais d’actualité

Il est l’un des articles les plus importants de la constitution 2011, le 47, et il constitue l’une des plus grandes avancées démocratiques du royaume, car il contraint le chef de l’Etat à choisir le chef du gouvernement au sein du parti arrivé premier aux élections législatives. Mais une démocratie fonctionne avec des démocrates et force est de constater que, de ce point de vue, ce n’est pas gagné.
 

En effet, une démocratie exige trois éléments fondamentaux et incontournables : des lois, des partis et des électeurs. Si la constitution propose des dispositions avant-gardistes, les partis ne sont pas encore au niveau attendu et souhaité et les électeurs boudent encore en masse les bureaux de vote. Cela a donné, entre autres réactions, l’établissement d’un nouveau quotient électoral, car il n’est ni normal ni sain qu’un parti puisse conduire aux destinées de ce pays avec 10% du corps électoral…
 

Quant aux partis, ils n’ont gardé de l'article 47 de la constitution  que sa lettre, pas son esprit. Et de fait, ils rivalisent de moyens, financiers ou autres, tous plus discutables les uns que les autres, généralement condamnables, pour conquérir cette fameuse place. Les chefs de partis piaffent d’impatience d’y être, de siéger à la tête du gouvernement, même s’ils n’en ont pas nécessairement l’envergure et la vision.
 

Alors revenons à cet article 47, et voici ce qu’il dit en son alinéa 1 : « Le Roi nomme le chef du gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la chambre des représentants, et au vu de leurs résultats ». Pour qu’il fasse sens, et surtout sa proposition « au vu de leurs résultats », cet article, puisqu’il concerne le Roi, doit être combiné à cette autre proposition, de l’article 42 cette fois : « le Roi (…), veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la protection du choix démocratique… ». Le chef de l’Etat a donc un pouvoir d’appréciation, qu’il a déjà utilisé le 15 mars 2017, en décidant de mettre fin aux fonctions de chef de gouvernement (désigné), Abdelilah Benkirane et en nommant à sa place le numéro 2 du PJD, en l’occurrence Saâdeddine Elotmani.
 

Le communiqué  pubié ce jour-là par le Cabinet royal disait ceci : « SM le Roi a opté pour cette haute décision, parmi toutes les autres options que lui accordent la lettre et l’esprit de la constitution ». L’article 42, donc, et le pouvoir d’appréciation du chef de l’Etat. Nommer donc le numéro 2 du 1er parti ou le numéro 1 du second, ou du troisième, est chose possible et légitime.

Ce 8 septembre au soir, ou le lendemain au plus tard, nous connaîtrons le nom du parti arrivé en tête des législatives. Au vu des joutes actuelles entre formations politiques et des très fragiles équilibres prévisibles à l’annonce des résultats, seuls quatre partis, au plus, pourraient dépasser les 60 députés, et aucun ne pourrait être « hégémonique », quotient électoral oblige… Il serait plus qu’attendu que les chefs de partis fassent montre d’une logique, voire même d’un respect à l’égard des électeurs. En effet, comment s’allier à un parti arrivé premier mais qui est aujourd’hui vilipendé par tous les autres, en l’occurrence et possiblement le RNI, attaqué de toutes parts, bien plus virulemment que ne l’avait pu être le PJD en 2011 et 2016 ? Comment s’allier à quelqu’un qu’on a si puissamment attaqué en campagne électorale ? Peut-on légitimement et moralement briguer une si haute fonction nationale que celle de chef du gouvernement sans se soumettre au suffrage universel national, législatif ?
 

Le Roi, donc, fera-t-il une lecture de la lettre de la constitution, en nommant le cas échéant un leader arrivé premier avec son parti mais contesté par la classe politique et/ou par la population, au risque d’aller vers un autre blocage que le Maroc ne saurait se permettre ou, à l’inverse, choisira-t-il de se référer à l’esprit de cette même constitution pour désigner à la présidence du gouvernement ce chef (ou membre) d’un parti classé second ou troisième, mais capable de réunir une majorité homogène et cohérente ?
 

Réponse en fin de semaine prochaine…
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com



Vendredi 3 Septembre 2021