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L’inévitable ascension de BYD et la leçon de Carlos Ghosn


Rédigé par le Mercredi 24 Septembre 2025

Le secteur automobile mondial est à un tournant. Alors que l’Occident débat encore de la vitesse de transition vers l’électrique et de la survie des moteurs thermiques, la Chine impose déjà un tempo que nul ne peut ignorer. Parmi ses champions, BYD (Build Your Dreams) se distingue par une croissance fulgurante et une stratégie qui fait figure d’école. Carlos Ghosn, fin connaisseur de cette industrie qu’il a dirigée au plus haut niveau, met les mots sur une évidence : ceux qui fuient la concurrence s’exposent à disparaître, tandis que ceux qui acceptent de s’adapter survivront.



BYD et la nouvelle loi de Darwin industrielle

L’inévitable ascension de BYD et la leçon de Carlos Ghosn
Cette remarque, simple en apparence, décrit une transformation profonde. Pendant des décennies, les constructeurs chinois ont été considérés comme des outsiders, accusés de copier, de bricoler ou de produire « au rabais ». Aujourd’hui, ce jugement semble désuet. En l’espace de vingt ans, la Chine a bâti un écosystème complet : ingénierie, batteries, infrastructures de recharge, design et distribution. Là où d’autres s’éparpillent entre visions contradictoires, Pékin a choisi la ligne droite : investir massivement dans la mobilité électrique, jusqu’à devenir la première puissance mondiale dans ce domaine.

BYD n’est pas une simple success story entrepreneuriale, mais l’incarnation d’une stratégie nationale. Soutenu par un État stratège, le groupe s’est imposé comme l’un des rares constructeurs capables de maîtriser toute la chaîne de valeur : des batteries au véhicule complet, en passant par le logiciel embarqué. C’est précisément cette intégration verticale qui lui permet d’offrir des prix agressifs sans sacrifier la qualité.

Cette approche contraste avec les constructeurs traditionnels, notamment en Europe, encore prisonniers de chaînes d’approvisionnement dispersées et coûteuses. Le modèle chinois bouscule la donne : en rendant l’électrique accessible à une classe moyenne mondiale, il accélère une transition que beaucoup en Occident auraient voulu étaler sur plusieurs décennies.

Carlos Ghosn : s’adapter ou disparaître, la leçon chinoise

L’inévitable ascension de BYD et la leçon de Carlos Ghosn
Face à cette montée en puissance, certains acteurs choisissent la fuite. Quitter le marché chinois ou réduire leur exposition à la concurrence locale est une tentation réelle. Mais, comme le rappelle Carlos Ghosn, cette stratégie est vouée à l’échec. Car la Chine n’est plus seulement un marché : elle est devenue le cœur battant de l’innovation automobile mondiale.

Renoncer à y être présent, c’est se condamner à l’obsolescence. Car les standards fixés à Shenzhen ou Shanghai seront demain ceux du monde entier. Les entreprises qui se retirent ratent non seulement la manne d’un marché colossal, mais aussi le laboratoire technologique qui définit les règles du jeu. L’argument ne vaut pas seulement pour les multinationales occidentales, mais aussi pour les constructeurs émergents qui devront choisir entre s’aligner ou périr.

Ce qui se joue aujourd’hui ressemble à une sélection naturelle. Les constructeurs qui s’accrochent aux certitudes d’hier risquent d’être balayés. Ceux qui réinventent leur modèle, en s’ouvrant aux nouvelles technologies, aux partenariats stratégiques et à l’agilité industrielle, ont une chance de survivre. Mais cette chance se paie cher : elle exige d’abandonner le confort des positions acquises et d’affronter une concurrence frontale, là où elle est la plus rude.

Toyota, longtemps cité comme modèle de résilience et d’efficacité, en est l’illustration paradoxale. Le géant japonais, malgré son aura, doit affronter la critique : avoir trop tardé à miser sur le tout-électrique. La leçon est claire : même les plus grands peuvent trébucher lorsqu’ils sous-estiment la vitesse d’un changement de paradigme.

Pour un pays comme le Maroc, dont l’industrie automobile est devenue un pilier économique, ces bouleversements mondiaux ne sont pas abstraits. Nos usines, nos chaînes de production et nos accords commerciaux sont directement concernés. L’arrivée massive de constructeurs chinois dans les salons marocains, comme on le voit à l’Auto Expo 2025, annonce une recomposition du paysage. Le consommateur marocain, de plus en plus exigeant et connecté aux tendances mondiales, ne se satisfera pas longtemps de modèles dépassés ou surévalués.

La question est donc double : nos industries locales sauront-elles se greffer sur cette dynamique ou resteront-elles de simples sous-traitants ? Et nos décideurs politiques auront-ils le courage de poser les conditions d’une véritable souveraineté industrielle, plutôt que de subir les flux venus d’ailleurs ?

En définitive, l’analyse de Carlos Ghosn n’est pas un simple commentaire sur l’automobile, mais une parabole sur le monde économique contemporain. Fuir la concurrence, c’est disparaître. S’y confronter, c’est souffrir, mais peut-être survivre. La Chine, avec BYD en tête de file, ne fait que rappeler cette loi élémentaire du capitalisme. L’électrique n’est plus une option : c’est un champ de bataille. Et sur ce champ, seuls les plus adaptatifs, pas forcément les plus anciens ni les plus riches, écriront l’avenir.

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Mohamed Ait Bellahcen
Un ingénieur passionné par la technique, mordu de mécanique et avide d'une liberté que seuls l'auto... En savoir plus sur cet auteur
Mercredi 24 Septembre 2025