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L’intelligence artificielle dans le domaine de la santé au Maroc : une continuité scientifique et sociétale


Par Az-Eddine Bennani

Je tiens tout d’abord à remercier Pr. Amal Bourquia pour la présentation inspirante, le 18 septembre, de son ouvrage *Le Médecin à l’Ère de l’Intelligence Artificielle – Médecine du futur*.

Suite aux échanges nourris qui ont suivi cette rencontre, en présence d’un public varié — médecins, juristes, étudiants, ingénieurs et passionnés — dans l’espace AI HUB à Rabat, j’ai décidé d’écrire cet article.

Mon objectif est de rappeler que l’usage du numérique dans le domaine de la santé ne date pas d’hier, et que les attentes actuelles vis-à-vis de l’IA ne sont que la suite logique du progrès scientifique et technologique,
amorcé par l’informatique et les TIC, et qui prend désormais la forme de solutions intelligentes.



Dès les années 1980, l’informatisation hospitalière a transformé la gestion des dossiers médicaux et des parcours de soins.

L’intelligence artificielle dans le domaine de la santé au Maroc : une continuité scientifique et sociétale
Dans les années 2000, j’ai mené plusieurs recherches et études au Maroc et en Europe démontrant que les infirmiers marocains acceptaient les technologies lorsqu’elles facilitaient leur travail et amélioraient la qualité des soins.

Les médecins gériatres percevaient l’usage des TIC comme un moyen d’améliorer la prise en charge des seniors, à condition que la confiance et la sécurité soient garanties.
Les patients diabétiques, dans l’étude exploratoire que j’ai conduite à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, se montraient favorables aux dispositifs connectés de suivi si ces derniers renforçaient leur autonomie.

Ces résultats illustrent que la e-santé et la télémédecine existaient déjà comme réalité scientifique et clinique bien avant l’essor actuel de l’IA.

L’intelligence artificielle appliquée à la santé n’est pas une rupture soudaine, mais une accélération d’un mouvement entamé depuis plusieurs décennies.

Les mêmes questions demeurent : comment instaurer la confiance entre soignants, patients et technologies ?
Comment protéger les données médicales sensibles dans un cadre de souveraineté numérique ?
Comment intégrer les solutions numériques sans altérer la relation humaine médecin–patient ?

L’IA apporte de nouveaux outils, mais elle s’inscrit dans une trajectoire continue : de l’informatique hospitalière à la télémédecine, puis aux objets connectés en santé.

Le Maroc, confronté à des défis en santé publique — maladies chroniques, disparités territoriales, ressources limitées — peut tirer un grand bénéfice de l’IA.

Elle peut contribuer au diagnostic assisté, par l’aide à la détection précoce des cancers et maladies cardiovasculaires.
Elle peut renforcer la télémédecine, en réduisant les écarts d’accès entre zones urbaines et rurales.
Les objets connectés et wearables offrent la possibilité d’un suivi à domicile des patients diabétiques ou hypertendus.

Enfin, le Big Data et l’IA prédictive ouvrent la voie à l’anticipation des épidémies et à l’appui à la décision publique.

Dans mon ouvrage *L’intelligence artificielle au Maroc – Souveraineté, inclusion et transformation systémique*, j’ai défendu la nécessité d’une approche systémique pour l’IA santé.

Cela suppose de développer un cloud marocain de données de santé sécurisé, de fédérer hôpitaux, startups, universités et pouvoirs publics dans des clusters IA santé,
de former les professionnels à de nouvelles compétences numériques et éthiques, et d’étendre cette dynamique dans une logique de coopération Sud–Sud avec l’Afrique.

L’IA dans la santé n’est pas une révolution importée, mais l’aboutissement d’une histoire continue du numérique médical.

Depuis l’informatique hospitalière jusqu’aux objets connectés, chaque étape a préparé le terrain.
Les études que j’ai menées au Maroc et à l’international démontrent cette continuité : l’intelligence artificielle incarne une nouvelle phase de cette trajectoire,
celle d’un Maroc qui peut choisir de bâtir une santé augmentée par l’IA, souveraine, inclusive et centrée sur le patient.

Par Az-Eddine Bennani
 

Vendredi 19 Septembre 2025



Rédigé par La rédaction le Vendredi 19 Septembre 2025