Dans les couloirs de nombreux établissements hospitaliers marocains, un paradoxe persiste : les machines sont sophistiquées, les logiciels sont puissants, mais l’information ne circule pas. À l’heure où l’intelligence artificielle s’invite dans les blocs opératoires et les consultations, l’enjeu fondamental de l’interopérabilité reste, lui, sous-médiatisé. Et pourtant, il conditionne tout.
Le mythe de l’hôpital digitalisé
Depuis quelques années, l’expression « hôpital digitalisé » est sur toutes les lèvres. Dossiers médicaux électroniques, télémédecine, objets connectés… Tout semble indiquer que la révolution est en marche. Mais derrière la vitrine technologique, une réalité s’impose : les systèmes ne dialoguent pas. Les logiciels de gestion des patients, de radiologie, de pharmacie ou de laboratoire fonctionnent souvent en silos, sans langage commun, empêchant la création d’un véritable « dossier patient unique ».
Le constat n’est pas propre au Maroc, mais il y est aggravé par la fragmentation des acteurs privés et publics, la faiblesse des standards nationaux et l'absence de référentiel partagé.
Pourquoi l’interopérabilité change tout
Imaginez un patient diabétique, suivi dans un centre de santé de quartier, puis transféré aux urgences d’un hôpital régional, et enfin orienté vers un spécialiste en clinique privée. À chaque étape, ses données doivent être redonnées, ressaisies, voire réinterprétées. L’interopérabilité permettrait de centraliser toutes ces informations dans un environnement sécurisé, accessible aux différents soignants, en temps réel.
C’est la clé de voûte d’une médecine moderne : plus rapide, plus sûre, et plus humaine. Elle réduit les erreurs médicales, évite les redondances, améliore la coordination et fluidifie le parcours de soin. Autrement dit, sans interopérabilité, pas de transformation digitale réelle.
Des initiatives encore timides
Au Maroc, quelques projets pilotes émergent. Le Ministère de la Santé développe une plateforme nationale de santé numérique avec une ambition affichée : créer un identifiant unique du patient et un socle de données médicales interopérables. Certaines cliniques privées ont également investi dans des systèmes plus ouverts, inspirés des modèles nord-américains ou scandinaves.
Mais l’effort reste disparate, faute d’un cadre législatif contraignant et d’un écosystème industriel structuré. L’absence d’un « langage commun » entre les plateformes freine les bonnes volontés.
L’IA, une opportunité… ou un miroir aux alouettes ?
Les conférences du DTAIH 2025 ont mis en lumière le rôle que pourrait jouer l’intelligence artificielle dans la prédiction, la décision clinique ou le suivi à distance. Mais sans données fiables, propres et bien structurées, les algorithmes ne peuvent rien. L’IA a besoin d’un terrain de jeu cohérent. En d’autres termes, interconnecter les systèmes de santé est le préalable indispensable à toute IA utile.
La clé : volonté politique, standardisation et coopération
Pour réussir ce virage, trois leviers doivent être activés : une volonté politique affirmée, une normalisation technique rapide (HL7, FHIR…), et une vraie coopération public-privé. Le Maroc a les compétences, les start-ups et les ingénieurs. Il manque une orchestration.
L’interopérabilité ne fait pas rêver. Elle ne brille pas comme une application mobile ou un robot chirurgical. Mais c’est elle qui transforme en profondeur le système de santé. Une réforme silencieuse, mais stratégique.
FOCUS : Le dossier patient unique, mode d’emploi
Qu’est-ce que c’est ?
Un ensemble de données centralisées, accessibles aux professionnels autorisés (diagnostics, imagerie, médicaments, historique médical).
Pourquoi c’est utile ?
Moins d’erreurs, moins de duplications, meilleure coordination des soins, réduction des coûts.
Qu’est-ce qui bloque ?
Incompatibilité des logiciels, peur pour la confidentialité, absence de cadre réglementaire clair.
Qu’est-ce que c’est ?
Un ensemble de données centralisées, accessibles aux professionnels autorisés (diagnostics, imagerie, médicaments, historique médical).
Pourquoi c’est utile ?
Moins d’erreurs, moins de duplications, meilleure coordination des soins, réduction des coûts.
Qu’est-ce qui bloque ?
Incompatibilité des logiciels, peur pour la confidentialité, absence de cadre réglementaire clair.
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