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L’olympe en deuil


Rédigé par Salma Chaoui le Vendredi 30 Décembre 2022

O Rei. Le Roi. Pelé le Roi du football et sans aucun doute le plus grand Dieu de l’olympe du football est décédé ce 29 décembre 2022. Onze jours après la fin de la meilleure coupe du monde organisée sur terre, au Qatar.



Par Rachid Boufous

L’olympe en deuil
En 1970 au Mexique l’équipe du Maroc fut la première équipe africaine et arabe à se qualifier dans une coupe du monde que remporta justement Pelé. Ce fut la dernière à laquelle participa la star brésilienne. 

En 2022, le Maroc fut la première équipe africaine et arabe à arriver en demi-finale d’une coupe du monde, 52 ans après le dernier sacre de Pelé. Un demi-siècle. 

Le Dieu Pelé aura un bon mot pour l’équipe du Maroc, qu’il tint à féliciter à partir de son lit d’hôpital, pour avoir réalisé un tel exploit.
Dans les esprits et dans les cœurs, le numéro 10 brésilien restera dans les mémoires et dans les cœurs. Dans la mémoire de ceux qui ont vécu ses exploits. Dans les cœurs de ceux, qui comme moi, avaient entendu parler de ses prouesses et collectionné ses posters dans leurs chambres, à une époque où les télévisions étaient rares. Pelé a suscité des millions de vocations pour le football, mais où seuls quelques milliers d’élus, purent réellement faire carrière sur les pelouses des stades, à travers le globe.

Pelé incarne ce football des débuts, puriste, sincère, humble et pauvre. Un football fait par des moines-soldats, qui finissaient petitement leurs vies, malgré leur gloire passée.

C’était avant que le ballon rond n’attire des satrapes et des margoulins, qui y introduisirent l’argent, pourrissant l’âme de ce sport, pourtant transformé en art suprême par Pelé et porté au firmament par celui-ci.
Andy Warhol avait dit en 1977 : « Pelé est l’un des rares à contredire ma théorie : au lieu de quinze minutes de célébrité, il aura quinze siècles ». Le précurseur du du pop-art n’avait pas tort…

Un gamin venu du Brésil, issu un improbable village, Tres Coraçoes, une petite ville du Minas Gerais, où l’introduction de l’électricité bouleversa la vie des gens, à telle enseigne que son père lui donna le prénom de l’inventeur de la fée électricité, Edison à sa naissance le 23 octobre 1940. 

Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé, remporta avec l’équipe du Brésil sa première coupe du monde en 1958. Vingt-huit ans seulement après l’arrivée massive de ce sport, au Brésil en 1930. Si le football fut l’apanage des familles anglaises aristocratiques au milieu du 19ème siècle, avant d’être popularisé par la plèbe des bas-fonds ouvriers au début du 20e le siècle, c’est en Amérique latine et plus précisément au Brésil, en Argentine, en Uruguay, au Chili, en Bolivie et au Mexique que ce jeu connut ses heures de gloires. 

Des stades comme celui du Maracana à Rio de Janeiro, véritables Colisée immense des temps modernes, où des dizaines de milliers de gens s’agglutinaient été comme hiver pour contempler des rencontres homériques opposant les nouveaux gladiateurs, courant derrière un petit ballon rond. C’était à celui qui serait capable d’atteindre le champs opposé et de marquer un but, et par la même occasion, aplatir à même le sol, le gardien de la vertu adverse…

Les sud-américains étaient connus pour pratiquer un jeu technique, des passes fabuleuses, et ne pas être des brutes épaisses sur les pelouses, comme les européens, moins doués, mais cherchant le contact physique, eux qui sortaient de deux guerres mondiales successives et meurtrières. 

On raconte que le 25 décembre 1914, quelques mois après le début de la première guerre mondiale, il y eut une trêve à Noël et des soldats anglais et allemands auraient joué au football dans un No Man's Land en Belgique. Un mythe sans doute. Mais cela démontre à quel point le foot deviendra par la suite le champs où on règle les conflits politiques, loin de la guerre.

Pelé vint à point nommé pour hisser son pays, au firmament des nations du monde. Il contribuera certainement beaucoup à faire connaître Brésil, une ancien territoire-plantation détenu par quelques familles d’origine portugaise qui asservissaient des millions d’esclaves ramenés d’Afrique quelques siècles plutôt…

Mais pelé ne put jamais faire carrière en dehors de son pays. Les offres des plus grands clubs européens, Real Madrid ou Milan AC, affluent pour l’attirer. Mais le président président Jânio Quadros décrèta que Pelé était « trésor national non exportable ». Il rejoindra après la fin de sa carrière le prestigieux club des Cosmos de New-York contribuer ainsi à lancer le football chez les yankees ils dénomment ce sport chez eux le « soccer », le terme de football étant réservé à une espèce de rugby avec casques, ultra violent et populaire chez les cowboys…

A ce jour encore, Pelé demeure le seul joueur à avoir gagné trois Coupes du monde, en 1958, 1962 et 1970. Un vrai mythe vivant que même des très grandes stars comme Cruyff, Platini, Maradona, Zidane, Messi, Cristiano Ronaldo ou Mbappé n’arriveront peut-être jamais à faire oublier.

Pelé fera de la politique aussi dans son pays, après un palmarès en or avec 1283 buts inscrits en 1 366 matchs et vingt ans de carrière, record qui continue de défier, depuis les années 1970, le football devenu sophistiqué.

Pelé accepta en 1995, le ministère des sports proposé par le nouveau président Fernando Henrique Cardoso. Premier noir de son pays à diriger un ministère, il y demeura trois ans, parvenant à faire voter avant son départ une loi à son nom qui, selon ses dires, a « affranchi tous les footballeurs brésiliens de l’esclavage ».

Il expliquait au Monde, en janvier 2012 : « Avant mon arrivée, le joueur était la propriété absolue du club : il n’était pas libre de son transfert, même à la fin de son contrat. Et quand certains clubs n’avaient plus d’argent, ils allaient voir la banque en lui disant : “Je te donne mon joueur.” »

 

Pelé n’eut peut-être qu’un seul successeur, Diego Armando Maradona, argentin de son état, numéro 10 comme le Roi brésilien. Deux sud-américains une fois encore. Mais les deux stars sont aux antipodes.

D’un côté un Maradona séduisant, écorché vif, à la vie dissolue, cocaïnomane, admirateur du Che, de Castro et de Chavez. De l’autre, un Pelé très «cul de fer», comme on dit au Brésil, c’est-à-dire bon élève, studieux, appliqué, mais un brin ennuyeux, conservateur et conformiste, cultivant ses liens avec l’élite des puissants, depuis les généraux de la dictature jusqu’à la FIFA.

On leur reprochait leurs accointances avec les dictatures militaires de leurs pays. Pelé a posé avec le dictateur brésilien Emilio Garrastazu Médici en 1970 et Maradona avec le dictateur argentin Jorge Rafael Videla en 1979. Et pourtant, c’est Pelé qu’on continue d’appeler l’ami de la dictature. On ne se refait pas…

Deux très fortes personnalités aussi : « Les gens me demandent tout le temps : “Quand est-ce que va naître un nouveau Pelé ?” Jamais ! Mon père et ma mère ont fermé l’usine », avait déclaré un Pelé condescendant, pour couper court à toute question d’héritage, avant d’ajouter en parlant de lui-même à la 3eme personne du singulier : « Pelé, c’est le plus grand nom connu dans le monde. » 

De son côté, Maradona, n’était pas en reste, déclara : « Pelé est un esclave. Il a vendu son cœur à la FIFA. Pelé aime plus l’argent que dormir ».

Les deux stars finiront par faire la paix des braves et devinrent amis jusqu’au décès de Maradona, le 25 novembre 2020. Le Roi Pelé dira alors : «J’ai perdu un grand ami. Un jour, j’espère que nous pourrons jouer au ballon ensemble au ciel. »

Aujourd’hui l’olympe du football est en deuil. Le Dieu Pelé a quitté la terre pour aller retrouver les autres dieux du football, très haut parmi les étoiles, dont un certain Larbi Ben Mbarek, un très grand joueur marocain, que Pelé considérait comme le vrai Dieu du football.

À jamais Pelé sera « O Rei. » :  Le Roi…

Rédigé par Rachid Boufous




Vendredi 30 Décembre 2022