La Place casablancaise semble avoir retrouvé un souffle que beaucoup pensaient perdu. Après plusieurs années de calme relatif, les introductions en Bourse se succèdent, insufflant une énergie nouvelle à un marché longtemps considéré comme prudent. Selon l’expert des marchés financiers Farid Mezouar, cette dynamique résulte de plusieurs facteurs : sorties des fonds de private equity, appétit renouvelé des investisseurs et croissance soutenue des entreprises candidates à la cotation.
Depuis 2020, sept sociétés ont rejoint la cote, et 2025 continue sur cette lancée avec l’arrivée de Vicenne et les IPO attendues de Cash Plus et SGTM. Mezouar souligne le rôle clé des fonds d’investissement : « Il me semble que le principal catalyseur des IPO récentes est la sortie de fonds de private equity comme Mediterranea Capital ». La Bourse offre à ces investisseurs une porte de sortie idéale, grâce à des valorisations souvent attractives. Les entreprises introduites affichent une croissance solide et ont besoin de fonds propres pour financer leur développement, malgré la concurrence persistante de la dette bancaire ou privée.
L’année 2025 pourrait bien constituer un point d’inflexion. Sans retrouver l’effervescence de 2007-2008, le rythme des IPO s’accélère légèrement, avec un potentiel de trois nouvelles introductions. La hausse des cours depuis 2023 renforce cette dynamique, tout comme la visibilité médiatique offerte par la cotation, bénéfique aux sociétés comme Vicenne ou CMGP. Cash Plus et SGTM profitent d’un moment favorable, malgré une nervosité encore palpable chez certains investisseurs. Mezouar note que « la Bourse de Casablanca affiche toujours des ratios de valorisation assez élevés », avec un multiple de bénéfices estimé autour de 21 selon certaines analyses d’experts — chiffre à considérer comme indicatif plutôt que officiel.
Cash Plus se distingue par sa politique de distribution de dividendes ambitieuse, avec un pay-out moyen annoncé de 85 % pour la période 2025–2030. Mezouar précise : « Cette générosité n’est pas conjoncturelle ». Il s’agit d’une projection basée sur le modèle économique de l’entreprise, majoritairement fondé sur un réseau de franchisés, qui limite les besoins en investissement récurrent.
La dynamique générale du marché est tangible. Le MASI a progressé d’environ 4 % au troisième trimestre, et la capitalisation totale dépasse désormais les 1 000 milliards de dirhams, chiffres confirmés par les rapports officiels. Le rôle des investisseurs particuliers se renforce : au deuxième trimestre, les personnes physiques marocaines ont représenté 27,9 % des échanges, un niveau inédit depuis 2017. L’augmentation de capital de TGCC, ayant attiré un nombre estimé de plus de 82 000 souscripteurs, illustre cet engouement, même si le chiffre exact reste à confirmer officiellement.
Le marché conserve toutefois ses contrastes sectoriels. Les investisseurs naviguent entre stratégies top-down et bottom-up, souvent influencés par le trading à court terme. Certaines industries, comme la chimie, traversent des phases transitoires, tandis que d’autres bénéficient d’un contexte porteur. Mezouar suggère également une simplification de la classification sectorielle, par exemple via une fusion des segments immobilier et hôtellerie.
Les institutionnels, en particulier les OPCVM, jouent un rôle déterminant, concentrant 43 % de la capitalisation flottante et 37 % des volumes échangés, apportant stabilité et liquidité. Pour la fin d’année, l’expert reste prudent face à la volatilité traditionnelle, mais se montre optimiste pour 2026 : la croissance potentielle du MASI pourrait atteindre des deux chiffres, portée par le Mondial 2030 (impact économique estimé à 1,7 %, chiffre à considérer comme une projection) et d’autres projets structurants dans les infrastructures, le dessalement et l’électricité. La prévision de croissance du PIB marocain pour 2026 est autour de 4,6 %, selon les estimations des experts et institutions économiques.
Dans ce contexte, la Bourse de Casablanca s’affirme comme un marché en renouveau, combinant dynamisme, opportunités pour les investisseurs et prudence raisonnée face aux incertitudes sectorielles et économiques.