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La crise du cacao 2025 : pourquoi les prix du chocolat explosent avant les fêtes


Rédigé par Salma Chmanti Houari le Mardi 25 Novembre 2025

Fin novembre 2025. Alors que les vitrines se préparent pour les fêtes et que les rayons chocolats commencent habituellement à fleurir de coffrets, une autre réalité s’impose cette année : les prix du cacao atteignent un niveau historique, et le Maroc, grand importateur, n’échappe pas à la tempête.

Entre les chocolateries artisanales qui sonnent l’alarme, les industriels qui parlent d’un “choc structurel” et les consommateurs qui revoient leurs achats, la crise du cacao 2025 s’impose comme l’un des dossiers de consommation les plus marquants du moment.

Comment en est-on arrivé là ? Et comment les Marocains s’adaptent-ils face à ce produit devenu presque… de luxe ?



Une crise mondiale sans précédent : petite graine, gros séisme

La crise du cacao 2025 : pourquoi les prix du chocolat explosent avant les fêtes
Depuis le début de 2024, et plus encore en 2025, les marchés mondiaux du cacao connaissent une envolée qui dépasse tout ce que le secteur avait anticipé.

Les raisons ? Un cocktail explosif :

1. Des récoltes catastrophiques en Afrique de l’Ouest. 70 % du cacao mondial provient du Ghana et de la Côte d’Ivoire. Or, ces deux pays font face à : un El Niño puissant, qui a réduit les pluies cruciales pour les fèves, des maladies du cacaoyer en expansion, et une appauvrissement des sols après des années d’exploitation intensive.

Résultat : les rendements chutent, parfois de 40 %, une baisse monstrueuse pour un marché aussi dépendant.

2. Une demande qui, elle, continue de grimper. En parallèle, la consommation mondiale de chocolat n’a jamais été aussi haute :

- montée du chocolat premium,
- montée de la consommation en Chine et en Inde,
- multiplication des produits protéinés à base de cacao.

Bref, l’offre s’effondre, la demande grimpe : l’équation parfaite pour une crise.

3. Une spéculation intense des marchés. Les traders se sont engouffrés dans la pénurie, poussant le prix de la tonne de cacao à des sommets historiques parfois plus cher que le café ou le cuivre, un événement rarissime.

Le Maroc face au choc : industries sous tension, artisans inquiets

Le Maroc ne produit pas de cacao, il dépend donc entièrement de l’importation. Et cela change tout.

1. Les chocolateries industrielles tirent la sonnette d’alarme :

Certaines grandes marques marocaines parlent déjà de :

- réduire le grammage des tablettes,
- augmenter les prix avant les fêtes,
- revoir certaines gammes trop coûteuses,
- ou remplacer le cacao pur par plus de beurre de cacao voire d’autres matières grasses végétales.

Autrement dit : le chocolat de 2025 n’aura pas exactement le goût de celui de 2023.

2. Les artisans : “On ne veut pas sacrifier la qualité”.

Les chocolatiers premium (Casablanca, Rabat, Marrakech, Tanger) vivent un dilemme : - rester sur du chocolat 70–85 % haut de gamme. - ou monter leurs prix de 15 à 30 % pour survivre. La majorité refuse de renoncer à la qualité, ce qui pousse certains à lancer des éditions limitées, sur précommande, pour éviter le gaspillage.

3. Le consommateur marocain adapte sa façon d’acheter.

L’effet est visible dans les grandes surfaces :

- les tablettes bas de gamme restent accessibles, mais perdent en qualité,
- les marques premium deviennent un achat “occasionnel”,
- les confiseries chocolatées voient leurs prix grimper discrètement de 1 à 3 dirhams.

Pour beaucoup : “Le chocolat devient presque un petit luxe, pas un achat du quotidien.”

Les fêtes de fin d’année : les coffrets seront différents en 2025

Le timing est terrible : novembre-décembre représente 40 % des ventes annuelles de chocolat.

Résultat ?

1. Des coffrets plus petits : Plutôt que d’augmenter les prix, beaucoup d’enseignes réduisent le contenu. On parle de -10 % à -20 % de quantité sur les assortiments.

2. Une montée en force des chocolats locaux :

Les chocolatiers marocains voient dans cette crise une opportunité :

- créer des truffes marocaines revisitées,
- utiliser des saveurs locales (orange, amlou, sésame noir, eau de fleur d’oranger),
- miser sur le storytelling artisanal.

Cela séduit une partie des consommateurs, qui préfèrent un produit plus cher mais plus authentique.

3. Les cadeaux “sans chocolat” en hausse. Certains magasins observent déjà un glissement : on offre plus de paniers gourmands sans cacao (thés, biscuits, fruits secs), ou des produits “better-for-you” qui collent à la tendance 2025.

Quelles alternatives pour les Marocains ? La créativité comme réponse.

Face à l’augmentation, certains adoptent de nouveaux réflexes.

1. Le chocolat en poudre remplace les tablettes. Moins impacté par la flambée des prix, le cacao en poudre (notamment les mélanges) devient un substitut plus accessible.

2. Le “cacao marocain” ? Pas encore, mais une piste Des startups agroalimentaires marocaines réfléchissent à :

- développer du caroube amélioré,
- explorer le céréale-cacao,
- ou populariser les chocolats sans cacao.

La caroube marocaine, très présente dans la tradition, pourrait devenir le “café d’orge” du chocolat.

3. L’achat malin : promotions, choix de marques, formats Les Marocains sont de plus en plus attentifs à :

- comparer les prix par gramme,
- acheter au souk certains produits chocolatiers importés en vrac,
- choisir les marques qui ont moins augmenté, profiter des promos de fin de saison.

Les consommateurs deviennent plus stratégiques; une tendance déjà amorcée depuis la flambée des prix alimentaires.

Une crise passagère… ou un tournant définitif ?

Les experts estiment que 2025 ne sera pas un accident, mais probablement une transition vers une nouvelle normalité :

- le cacao deviendra plus rare,
- donc plus cher,
- donc plus “premium”.

Les chocolatiers marocains pourraient être forcés de :

- reformuler leurs recettes,
- investir dans des partenariats durables avec des producteurs,
- ou développer des gammes plus petites mais plus qualitatives.

Le Maroc entre ainsi dans une nouvelle ère : celle d’un chocolat rare, réfléchi, choisi.

Un produit symbolique qui révèle une époque.

La crise du cacao 2025 est plus qu’un problème de sucrerie. Elle raconte :

1-notre dépendance aux chaînes d’approvisionnement mondiales,
2-la fragilité climatique de certaines cultures,
3-et la montée d’une consommation plus sélective.

Et paradoxalement, alors que le chocolat devient plus cher, il redevient aussi plus précieux, presque un rituel. Les Marocains achèteront peut-être moins mais mieux. Un signe des temps.




Mardi 25 Novembre 2025