L'ODJ Média

La destruction créatrice : « De la politique de l’offre à la politique d’innovation : passer du rattrapage à la frontière technologique »


Rédigé par le Lundi 20 Octobre 2025



La destruction créatrice : « De la politique de l’offre à la politique d’innovation : passer du rattrapage à la frontière technologique »

Le modèle marocain s’est longtemps appuyé sur une politique de l’offre : améliorer l’accès à l’énergie, aux infrastructures, aux zones industrielles. C’est nécessaire, mais insuffisant. Si nous voulons naviguer dans le nouveau monde (IA, biotechnologie, matériaux avancés, mobilité durable), il faut évoluer vers une politique d’innovation — une gouvernance systémique de l’effort technologique.
 

Casser le plafond du “rattrapage”
 
Le rattrapage (imiter, adapter) a ses limites. Au-delà d’un certain seuil, la compétitivité exige d’atteindre ou de s’approcher de la frontière technologique — c’est là que la valeur est captée, non dans la copie. Pour cela, plusieurs leviers doivent être reformulés :
ARPA-Maroc (Agence de recherche à mission)

Instaurer une structure à la mode américaine, indépendante, avec des budgets pluriannuels confiés à des “missions” (énergies, santé, agriculture durable, villes intelligentes). Elle finance des projets à haut impact avec tolérance au risque — pas des programmes standardisés “spot”.

Cette ARPA pourrait cofinancer des consortiums privés-publics, et définir des appels d’offres technologiques exigeants (défi pro type “ville zéro carbone”).
 

Doctorants-industrie : pont ou trésor inexploité

Encourager (et subventionner) les thèses CIFRE (cofinancées université / entreprise). Pour toute thèse soutenue, imposer ou inciter à un prototype ou publication industrielle.

Créer des “écoles doctorales connectées industrie” où le doctorant passe 30-50 % du temps dans une startup ou une usine.
 

Marchés publics innovants

Actuellement le Maroc achète souvent des produits ou services existants. Introduire des marchés d’innovation : l’État (et les collectivités) peuvent lancer des appels à prototypes (phase 1) puis industrialisation (phase 2) pour des solutions technologiques (IA, gestion de l’eau, mobilité).

Par exemple, une ville pourrait commander un prototype local de gestion énergétique intelligente (smart grid) ou d’optimisation de trafic urbain.
 

Infrastructures numériques & données ouvertes

Pour que l’innovation se diffuse, il faut des “substrats” : infrastructures cloud souverain, accès haut débit partout, jeux de données publiques ouvertes (transport, santé, urbanisme). Ces ressources permettent aux startups et chercheurs de bâtir sans barrière d’entrée.
 

Effets transformateurs anticipés

Montée en gamme : au lieu de n’être que fournisseurs intermédiaires, des entreprises marocaines pourraient devenir co-développeurs, voire leaders de modules ou sous-systèmes avancés (EV, drones, capteurs).

Effet multiplicateur sur l’emploi qualifié : plus de métiers R&D, mais aussi service, maintenance, UX, certification.

Résilience accrue : dans un monde volatil (supply chain instable, montée des coûts), avoir une capacité nationale d’innover localement est un amortisseur stratégique.

Cette politique d’innovation ne remplacera pas la politique de l’offre — elle la complète. Mais elle impose un virage mental : l’État ne se contente pas d’équiper, il devient architecte de la trajectoire technologique.
 

Article de LECO BUSNESS de cette semaine





Lundi 20 Octobre 2025