Le modèle marocain s’est longtemps appuyé sur une politique de l’offre : améliorer l’accès à l’énergie, aux infrastructures, aux zones industrielles. C’est nécessaire, mais insuffisant. Si nous voulons naviguer dans le nouveau monde (IA, biotechnologie, matériaux avancés, mobilité durable), il faut évoluer vers une politique d’innovation — une gouvernance systémique de l’effort technologique.
Instaurer une structure à la mode américaine, indépendante, avec des budgets pluriannuels confiés à des “missions” (énergies, santé, agriculture durable, villes intelligentes). Elle finance des projets à haut impact avec tolérance au risque — pas des programmes standardisés “spot”.
Cette ARPA pourrait cofinancer des consortiums privés-publics, et définir des appels d’offres technologiques exigeants (défi pro type “ville zéro carbone”).
Encourager (et subventionner) les thèses CIFRE (cofinancées université / entreprise). Pour toute thèse soutenue, imposer ou inciter à un prototype ou publication industrielle.
Créer des “écoles doctorales connectées industrie” où le doctorant passe 30-50 % du temps dans une startup ou une usine.
Actuellement le Maroc achète souvent des produits ou services existants. Introduire des marchés d’innovation : l’État (et les collectivités) peuvent lancer des appels à prototypes (phase 1) puis industrialisation (phase 2) pour des solutions technologiques (IA, gestion de l’eau, mobilité).
Par exemple, une ville pourrait commander un prototype local de gestion énergétique intelligente (smart grid) ou d’optimisation de trafic urbain.
Pour que l’innovation se diffuse, il faut des “substrats” : infrastructures cloud souverain, accès haut débit partout, jeux de données publiques ouvertes (transport, santé, urbanisme). Ces ressources permettent aux startups et chercheurs de bâtir sans barrière d’entrée.
Effets transformateurs anticipés
Montée en gamme : au lieu de n’être que fournisseurs intermédiaires, des entreprises marocaines pourraient devenir co-développeurs, voire leaders de modules ou sous-systèmes avancés (EV, drones, capteurs).
Effet multiplicateur sur l’emploi qualifié : plus de métiers R&D, mais aussi service, maintenance, UX, certification.
Cette politique d’innovation ne remplacera pas la politique de l’offre — elle la complète. Mais elle impose un virage mental : l’État ne se contente pas d’équiper, il devient architecte de la trajectoire technologique.