Réseaux sociaux : l’éthique, rempart essentiel face aux dérives numériques
À l’ère du numérique omniprésent, les réseaux sociaux se sont imposés comme un espace incontournable d’échange et de communication. Cependant, cette révolution technologique s’accompagne de dérives inquiétantes : désinformation, propagation de rumeurs, atteintes aux valeurs sociétales… Face à ces défis, Mohamed Abdennabaoui, premier président de la Cour de cassation et président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, a lancé un appel vibrant lors d’une rencontre organisée dimanche à Rabat : la justice ne peut, à elle seule, endiguer les abus liés aux réseaux sociaux.
Cette déclaration, lourde de sens, met en lumière les limites structurelles et fonctionnelles de l’appareil judiciaire face à la déferlante numérique. Si la justice peut réagir aux dérapages les plus graves, elle ne peut agir sur tous les fronts. La solution passe, selon Abdennabaoui, par une approche globale intégrant non seulement les sanctions judiciaires, mais aussi une sensibilisation éthique et morale des citoyens.
Les réseaux sociaux, ces plateformes qui connectent des milliards d’individus à travers le monde, sont devenus un double tranchant. D’un côté, ils permettent une diffusion rapide de l’information et favorisent la liberté d’expression. De l’autre, ils sont le théâtre de multiples dérives : propagation de fausses nouvelles, discours haineux, cyberharcèlement, ou encore atteintes à la vie privée.
Ces excès ne sont pas sans conséquence. Ils fragilisent les fondements même de la société en érodant la confiance des citoyens dans les institutions et en exacerbant les tensions sociales. Le rôle de la justice dans ce contexte est crucial, mais il est également limité. La régulation judiciaire intervient souvent à posteriori, une fois que le mal est fait. Or, dans un monde où une rumeur peut faire le tour du globe en quelques minutes, il est impératif de prévenir plutôt que de guérir.
C’est ici que l’éthique entre en jeu. Selon Abdennabaoui, la justice doit être soutenue par des efforts de sensibilisation et d’éducation. Les oulémas, figures d’autorité morale et religieuse, ont un rôle clé à jouer dans ce domaine. Leur mission : promouvoir un usage responsable des réseaux sociaux en inculquant des valeurs de respect, de vérité et de bienveillance.
La déclaration de Mohamed Abdennabaoui traduit une réalité incontournable : aucune institution, aussi puissante soit-elle, ne peut à elle seule contenir les dérives des réseaux sociaux. La lutte contre ces abus exige une mobilisation collective, impliquant plusieurs acteurs :
- Le système judiciaire : Il doit continuer à sanctionner fermement les comportements illégaux, tels que la diffamation, l’incitation à la haine ou encore la diffusion de fausses informations.
- Les institutions éducatives : L’éducation aux médias doit devenir une priorité. Les citoyens, dès leur plus jeune âge, doivent être formés à distinguer le vrai du faux et à utiliser les réseaux sociaux de manière responsable.
- Les oulémas et les leaders d’opinion : En tant que figures d’autorité morale, ils ont la capacité de sensibiliser les citoyens à l’importance de l’éthique dans l’espace numérique.
- Les plateformes numériques : Ces dernières ont une responsabilité majeure. Elles doivent mettre en place des mécanismes efficaces pour détecter et supprimer les contenus nuisibles, tout en garantissant la liberté d’expression.
Le défi des réseaux sociaux est avant tout un défi de société. Il ne s’agit pas seulement de réguler un outil technologique, mais de repenser notre rapport à l’information, à la vérité et à l’autre. Abdennabaoui a raison de souligner que l’éthique doit être le premier rempart contre les abus. Une société qui privilégie la responsabilité individuelle et collective pourra mieux résister aux dérives du numérique.
Cependant, cette responsabilité ne peut s’exercer pleinement sans un cadre juridique clair et adapté. Les lois actuelles, souvent conçues à une époque pré-numérique, peinent à répondre aux réalités des réseaux sociaux. Il est donc urgent de moderniser les cadres législatifs pour mieux encadrer ces plateformes tout en respectant les libertés fondamentales.
Enfin, la sensibilisation reste la clé. En inculquant des valeurs de respect et de responsabilité dès le plus jeune âge, nous pouvons espérer construire une culture numérique saine et durable. Cette démarche, bien qu’ambitieuse, est essentielle pour garantir que les réseaux sociaux restent un outil d’émancipation plutôt qu’un vecteur de division.
Les propos de Mohamed Abdennabaoui résonnent comme un appel à l’action. Face aux dérives des réseaux sociaux, la justice ne peut agir seule. Elle a besoin d’être épaulée par des efforts collectifs impliquant les institutions éducatives, les figures d’autorité morale, les plateformes numériques, et surtout, les citoyens eux-mêmes.
Dans ce combat, l’éthique joue un rôle central. Elle est le ciment d’une société numérique équilibrée, où la liberté d’expression s’accompagne de responsabilité. À l’ère du tout numérique, il est temps de bâtir un véritable pacte social autour des réseaux sociaux, où chacun, à son niveau, contribue à un usage respectueux et constructif de ces outils puissants.



