Au Maroc, les lois ne manquent pas. Les textes sont là, bien écrits, souvent inspirés des meilleures pratiques internationales. Pourtant, dans la rue, dans les transports, dans les marchés ou les cafés, le sentiment dominant reste celui-ci : "La loi existe, mais elle ne s’applique pas."
C’est ce que confirme l’étude du Centre Marocain pour la Citoyenneté (CMC), publiée en mai 2025. Plus de 98 % des sondés jugent les efforts de l’État insuffisants ou inexistants pour faire respecter le civisme. Et quand la loi devient invisible ou arbitraire, le comportement citoyen se dégrade inévitablement.
C’est ce que confirme l’étude du Centre Marocain pour la Citoyenneté (CMC), publiée en mai 2025. Plus de 98 % des sondés jugent les efforts de l’État insuffisants ou inexistants pour faire respecter le civisme. Et quand la loi devient invisible ou arbitraire, le comportement citoyen se dégrade inévitablement.
Le civisme sans la sanction : une illusion sociale
Respecter les files, ne pas fumer dans les lieux publics, céder sa place à une personne âgée, ramasser ses déchets… Tous ces gestes, aussi simples soient-ils, n’ont de valeur que si leur non-respect est désapprouvé, voire sanctionné.
Or au Maroc, l’incivilité reste presque toujours impunie. Insulter un agent, jeter un sac plastique par la fenêtre, klaxonner à tout va ou occuper illégalement l’espace public... tout se fait à découvert, sans gêne ni crainte.
Cette tolérance crée un effet d’entraînement : “Si lui le fait sans problème, pourquoi pas moi ?”. C’est ainsi que l’espace public se dégrade non pas par méchanceté, mais par effet cumulatif d’exemptions banales.
Or au Maroc, l’incivilité reste presque toujours impunie. Insulter un agent, jeter un sac plastique par la fenêtre, klaxonner à tout va ou occuper illégalement l’espace public... tout se fait à découvert, sans gêne ni crainte.
Cette tolérance crée un effet d’entraînement : “Si lui le fait sans problème, pourquoi pas moi ?”. C’est ainsi que l’espace public se dégrade non pas par méchanceté, mais par effet cumulatif d’exemptions banales.
Une application de la loi à géométrie variable
L’un des points les plus sensibles du rapport est la perception d’une justice inégale selon le statut social. Lorsqu’un agent verbalise un vendeur de rue mais ignore un commerçant protégé ; lorsqu’un contrevenant est relâché “parce qu’il connaît quelqu’un” ; lorsqu’un conducteur se croit au-dessus du code de la route… le message est clair : la loi n’est pas la même pour tous.
Cette inégalité dans l’application produit le contraire de la citoyenneté : un sentiment d’injustice, de fatalité et de retrait. Pourquoi s’impliquer si le voisin s’en sort toujours ? Pourquoi respecter la loi si le clientélisme prime ?
Cette inégalité dans l’application produit le contraire de la citoyenneté : un sentiment d’injustice, de fatalité et de retrait. Pourquoi s’impliquer si le voisin s’en sort toujours ? Pourquoi respecter la loi si le clientélisme prime ?
Des autorités locales désengagées ou dépassées
Le rapport souligne aussi le rôle défaillant des communes et des autorités de proximité. Dans de nombreuses villes, la police administrative est absente, ou sans moyens. Peu ou pas d’agents pour surveiller les abus, pas de brigade dédiée à la propreté, à la circulation piétonne, au bruit ou à l’occupation du domaine public.
Et quand un citoyen alerte ou proteste, il est souvent accueilli par l’indifférence, l’ironie ou l’impuissance. L’idée même d’un civisme encadré est alors abandonnée au profit d’un “chacun pour soi”.
Et quand un citoyen alerte ou proteste, il est souvent accueilli par l’indifférence, l’ironie ou l’impuissance. L’idée même d’un civisme encadré est alors abandonnée au profit d’un “chacun pour soi”.
L’effet corrosif de l’impunité sur la conscience citoyenne
Quand l’État se montre faible sur les incivilités, il affaiblit aussi sa légitimité. Le citoyen n’a plus peur de transgresser, mais surtout il ne croit plus que l’ordre commun est une affaire sérieuse.
Cela engendre une démobilisation générale : baisse de la participation citoyenne, rejet de l’autorité, désintérêt pour les affaires publiques. Le civisme devient un effort individuel inutile, presque ridicule. Pourquoi se battre pour un espace propre si personne n’est là pour le protéger ?
Cela engendre une démobilisation générale : baisse de la participation citoyenne, rejet de l’autorité, désintérêt pour les affaires publiques. Le civisme devient un effort individuel inutile, presque ridicule. Pourquoi se battre pour un espace propre si personne n’est là pour le protéger ?
Des lois à faire vivre, pas à exposer
Le Maroc a pourtant voté de nombreuses lois utiles à la vie collective, comme l’interdiction de fumer dans les lieux fermés, l’obligation de respecter les passages piétons, les règles d’urbanisme et d’occupation du domaine public, les sanctions pour les nuisances sonores, ainsi que la régulation des comportements commerciaux abusifs.
Mais ces textes restent souvent théoriques, faute de mise en œuvre. Pire : certains citoyens ignorent jusqu’à leur existence. La loi, au lieu d’être un repère, devient un objet lointain, flottant, sans prise sur la réalité.
Mais ces textes restent souvent théoriques, faute de mise en œuvre. Pire : certains citoyens ignorent jusqu’à leur existence. La loi, au lieu d’être un repère, devient un objet lointain, flottant, sans prise sur la réalité.
Ce qu’il faudrait : trois leviers pour une loi efficace
Le rapport du CMC recommande de réactiver la force de la loi autour de trois axes : la clarté, en mieux communiquant sur les règles, les droits et les devoirs car une loi ignorée est une loi inutile ; la proximité, en renforçant les brigades locales avec des agents identifiables, formés et présents sur le terrain, capables d’expliquer avant de sanctionner ; et la cohérence, en appliquant les règles à tous sans exception car le civisme commence quand l’injustice s’arrête.
Une culture de la reddition de comptes
Au-delà des amendes, il s’agit de créer une culture du respect mutuel fondée sur la responsabilisation cela suppose d’associer les citoyens à la veille civique par des applications de signalement, des commissions de quartier, et la publication de statistiques mensuelles sur les infractions et les sanctions l’État, loin de faire peur, doit inspirer le respect par sa cohérence, sa rigueur, et sa pédagogie.
La citoyenneté sans justice est un slogan creux
Un pays sans application de la loi n’est pas libre : il est désorganisé. Un pays où l’on peut tout faire sans risque devient un espace de survie, pas de coexistence. Si l’on veut que les Marocains retrouvent le goût du civisme, il faut leur donner des raisons d’y croire.
La loi doit redevenir un repère, pas une blague. Un outil de régulation, pas un slogan politique. Une promesse partagée, pas une menace intermittente.
Et surtout : elle doit s’appliquer à tous. Sans quoi, elle n’est plus qu’un silence complice.
La loi doit redevenir un repère, pas une blague. Un outil de régulation, pas un slogan politique. Une promesse partagée, pas une menace intermittente.
Et surtout : elle doit s’appliquer à tous. Sans quoi, elle n’est plus qu’un silence complice.
Dossier complet dans IMAG de LODJ
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