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La nouvelle attitude espagnole, "La base la moins productive pour l'avenir"


D’aucuns prétendent que le Maroc est ainsi assailli parce qu’il aurait changé son orientation politique et stratégique, ainsi que son modus operandi dans le traitement de certaines questions diplomatiques. Il n’en est rien. Le Maroc a effectivement changé mais pas dans le sens souhaité par ses détracteurs.



Par Naim Kamal

La nouvelle attitude espagnole, "La base la moins productive pour l'avenir"
Si on n’était pas dans le registre du très sérieux, on aurait dit qu’on a assisté vendredi en milieu d’après-midi à un échange intense d’amabilités entre Rabat et Madrid comme rarement dans leur histoire partagée.

Le coup d’envoi de cet échange est venu du Palais royal qui, dans un communiqué, faisait état d’un message au Roi Mohammed VI. Son expéditeur, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, y « reconnaît l’importance de la question du Sahara pour le Maroc » et précise qu’à ce titre, « l’Espagne considère l’initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend » du Sahara.

Il était temps
Sur le même tempo, le ministère des Affaires étrangères marocain indiquait dans un communiqué que « le Royaume du Maroc apprécie hautement les positions positives et les engagements constructifs de l’Espagne au sujet de la question du Sahara Marocain, contenus dans le message.»

Il annonce la visite prochaine du chef de la diplomatie espagnoleJosé Manuel Albares et évoque une visite programmée pour plus tard de Pedro Sanchez qui, à son tour, affirmait dans un point de presse, sans reprendre textuellement le contenu du message adressé au Roi Mohammed VI, « l’engagement du gouvernement de son pays à garantir « la souveraineté et l’intégrité territoriale » du Maroc. Son ministre des Affaires étrangères ne sera pas en reste. Depuis Barcelone, il a précisé qu’ «aujourd’hui nous entamons une nouvelle phase des relations avec le Maroc et clôturons définitivement une crise avec un partenaire stratégique ».

On pourrait dire qu’il aura fallu une année de crise pour enfin entendre cette ‘’harmonie’’, n’eut été qu’on a eu en réalité besoin de près d’un demi-siècle pour arriver à un respect partiel des accords de Madrid de novembre 1975, imparfaits il est vrai, mais que le cours de l’histoire s’est chargé de corriger.

Si Rabat en avait pour sa part respecté à la lettre les clauses, on ne peut dire autant de Madrid. Mais l’heure n’est pas aux réminiscences et aux récriminations. Il faudrait plutôt se réjouir de ce que le royaume d’Espagne ait enfin considéré qu’il était temps de substituer au langage du passé celui de l’avenir.

Encore un effort…
Il est n’est, certes, pas anodin que le Premier ministre espagnol souligne dans son message au Roi que « l’Espagne agira avec la transparence absolue qui correspond à un grand ami et allié [et] tiendra toujours ses engagements et sa parole ». Sans nul doute c’est un bon point de départ en espérant que Rabat n’aura pas l’occasion de le lui rappeler, mais ne s’en privera pas le cas échéant. Et pour paraphraser Pedro Sanchez, la nouvelle attitude espagnole, en deçà d’une reconnaissance franche et sans fioritures de la marocanité du Sahara, est « la base la » moins improductive pour se lancer dans la reconstruction de relations entre les deux pays sur des fondements rénovés. Mais un effort reste à faire.

Pour expliquer ces évolutions, on peut disserter longuement sur les bouleversements géopolitiques que vit le monde, relevés par ailleurs par le Roi Mohammed VI lorsque dans son discours à l’occasion du 20 août 2021, il a spécifié que « quelques pays, notamment des pays européens[…] ne veulent pas admettre que les règles du jeu ont changé ».

Mais concrètement ces évolutions sont dues essentiellement à une action de longue haleine et à une modification des paradigmes diplomatiques marocainssans pour autant induire un « changement d’orientation politique et stratégique.» 

Très tôt après son accession au trône, le Roi Mohammed VI a rangé au placard la diplomatie de rupture pour s’ouvrir sur tous les partenariats possibles :

En direction des puissances, indépendamment de leur positionnement sur l’échiquier international, mais en fonction de ce qu’elles peuvent apporter au Maroc dans le cadre, selon la formule consacrée, d’une coopération mutuellement fructueuse.

Et en direction des pays du continent africain couronné par un retour remarqué à l’Union Africaine.

Ruptures et continuité
Dans l’esprit comme dans la lettre de la diplomatie royale, cette « rupture avec la rupture » ne signifiait ni mollesse ni concession sur les fondamentaux. Reposant sur deux leviers - la coopération Sud-Sud et la détermination, face aux pays du Nord, dans le respect de la souveraineté nationale - elle a déployé de manière égale la coopération, le dialogue et la fermeté.

Cette orientation on la retrouve clairement déclinée dans les discours fondateurs d’Abidjan en 2014 (‘’L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique’’) et de Ryad en 2016 où le Souverain a lancé cette question stridente : ‘’Que veulent-ils de nous ?’’ Sans manquer de souligner que « le Maroc est libre dans ses décisions et ses choix et n’est la chasse gardée d’aucun pays», tout en restant, dans un équilibre subtile, « fidèle à ses engagements à l’égard de ses partenaires ».

Quand au cours de l’année écoulée, Rabat avait ouvert de front deux crises avec Berlin et Madrid, nombre d’observateurs marocains ont été traversés par le doute. Le Maroc a –t-il les moyens de sa politique ? Certains, sur l’autre rive de la méditerranée avait appelé, non sans outrecuide néocoloniale, à la « remettre à sa place.

On avait juste oublié qu’une longue crise similaire avait été ouverte avec Paris en 2014, avec les résultats que l’on sait, ou encore que le Roi n’avait pas hésité à ordonner la suspension en 2013 des manœuvres militaires Africain Lion quand sous Barak Obama la représentation américaine à l’ONU avait été tentée de faire adopter une résolution peu amicale à l’égard du Maroc.

Et s’il y a un constat à faire à ce stade, c’est que les attitudes de Rabat réussissent à la politique extérieure du Maroc, exécutée par un appareil diplomatique rénové qu’il s’agisse de ses hommes et ou de sa façon de penser et de travailler. Outre les issues de ces multiples crises, en témoignent l’ouverture de consulats de pays importants dans les villes du Sahara, la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur ces provinces et le dernier glissement vertueux que vient d’opérer la position espagnole.

Ce changement significatif représente l’aboutissement d’un dialogue que le Souverain a « suivi personnellement et directement », affirmant en même temps maintenir « résolument le cap […] de renforcer la foi et l’engagement déterminé des Marocains à défendre sans relâche la Patrie et ses intérêts supérieurs. »    

Rédigé par Naim Kamal sur Quid 


Dimanche 20 Mars 2022