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La radio au Maroc : Un média qui refuse de mourir

Entre fidélité massive et défi générationnel


Rédigé par La rédaction le Samedi 27 Septembre 2025

Un média qui refuse de mourir : À l’heure où les réseaux sociaux dictent l’agenda de l’opinion publique et où les plateformes de streaming façonnent nos habitudes sonores, les chiffres de la vague 53 de Radiométrie Maroc viennent rappeler une évidence : la radio au Maroc reste un média de masse. Avec 14,9 millions d’auditeurs hebdomadaires, elle conserve une place centrale dans le quotidien de millions de Marocains. Mais derrière ces statistiques rassurantes, une question s’impose : la radio a-t-elle encore un avenir dans un paysage médiatique bouleversé par le numérique ?



La force de l’habitude : un rituel sonore

La radio au Maroc : Un média qui refuse de mourir
En semaine, 53,08 % de la population âgée de 11 ans et plus écoute la radio. Cela représente près de 15 millions de personnes. Le week-end, l’audience descend légèrement à 49,43 %, mais reste à un niveau massif : 14 millions d’oreilles. Mieux encore, chaque auditeur reste branché en moyenne 2h54 par jour en semaine et 2h55 le week-end.

Ces chiffres révèlent une chose : la radio est moins un média de zapping qu’un compagnon quotidien. Elle accompagne les trajets du matin (6h-10h), l’après-midi de travail (14h-17h) et même les moments de détente (10h-12h). En clair, la radio ne se consomme pas par fragments comme TikTok ou Instagram, mais comme un fil sonore continu, un environnement familier.

Un public fidèle… mais vieillissant

Le profil dominant est révélateur : la tranche 45-54 ans affiche une pénétration de 56,03 %, soit plus que la moyenne nationale. Cela signifie que la radio reste le média de prédilection des générations nées avant la révolution numérique. Elle leur offre un mélange de proximité, de confiance et de constance, là où l’univers digital est perçu comme plus fragmenté et volatil.

Ce constat pose un défi majeur : comment attirer et retenir les jeunes publics ? Car si les moins de 35 ans ne désertent pas totalement la radio, ils lui préfèrent souvent le streaming musical, les podcasts à la demande et les contenus courts diffusés sur les réseaux sociaux.

Les bastions régionaux de l’audio

Certaines villes affichent des taux d’écoute supérieurs à la moyenne nationale : Tanger (57,16 %), Fès (56,37 %) et Oujda (56,30 %). Ces chiffres traduisent probablement deux réalités :

Une fidélité culturelle à la radio comme vecteur d’information et de divertissement.

Une transition numérique moins rapide que dans les grands pôles comme Casablanca ou Rabat, où les usages hybrides (radio + streaming + podcasts) dominent.

La radio reste donc un média de proximité qui épouse les spécificités régionales.

Le classement des stations : entre religion et divertissement

Le palmarès des stations est éloquent. En tête, Radio Mohammed VI du Saint Coran avec 5,03 millions d’auditeurs quotidiens (17,8 %). Ce succès montre que la dimension spirituelle conserve un poids majeur dans la consommation médiatique marocaine. La radio religieuse incarne une valeur de confiance et de régularité.

Derrière, les généralistes et musicales se partagent le marché :
  • Med Radio (12,45 %) mise sur la proximité avec ses talk-shows interactifs.
  • Hit Radio (12,25 %) séduit les jeunes par sa programmation musicale contemporaine.
  • MFM (10,55 %) conserve une base fidèle.
  • Medi1 (10,32 %) et Al Idaâ Al Wataniya (10,10 %) maintiennent leur rôle historique.
 
Cette diversité prouve que la radio continue d’offrir un écosystème pluriel, capable de répondre à des besoins différents : spiritualité, information, divertissement.

Les atouts d’un média sous-estimé

À charge contre les discours alarmistes, plusieurs arguments plaident en faveur de la résilience de la radio:

- Accessibilité universelle : gratuite, simple, disponible partout, même dans les zones à faible connexion Internet.
- Instantanéité : la radio reste imbattable dans la diffusion en temps réel (actualités, alertes, événements sportifs).
- Intimité sonore : la voix crée un lien émotionnel fort que les réseaux sociaux peinent à reproduire.
- Puissance publicitaire : malgré la baisse relative des investissements, la radio conserve une forte capacité de ciblage par région, langue et tranche horaire.

Les limites d’un modèle en déclin relatif

Mais à décharge, il serait naïf de croire que la radio traverse ce moment sans turbulences. Ses faiblesses sont réelles :
  • Vieillissement du public : le cœur d’audience reste les 45-54 ans, ce qui annonce une érosion si la relève n’est pas assurée.
  • Programmation linéaire : face à l’ère du contenu à la demande, l’écoute imposée devient un frein.
  • Concurrence du digital : YouTube, Spotify, TikTok captent l’attention et les budgets publicitaires.
  • Monétisation fragile : les annonceurs privilégient le digital, plus mesurable et segmenté.

Le tournant numérique : survivre ou disparaître

L’avenir de la radio dépendra de sa capacité à hybrider ses formats. Plusieurs pistes se dessinent :

- Transformer chaque émission en podcast réécoutable.
- Multiplier les interactions via WhatsApp, Instagram Live ou TikTok.
- Créer des expériences transmédias : un programme radio qui vit en vidéo, en capsules sociales, en playlists.
- Miser sur la localisation : accentuer la proximité en proposant des contenus ancrés dans la vie quotidienne des régions.

Les stations qui réussiront ce virage numérique pourraient non seulement survivre, mais aussi renouveler leur public. Celles qui resteront cantonnées à une diffusion FM risquent en revanche la marginalisation.

Un avenir à deux vitesses

En regardant à l’horizon 2030, deux scénarios se dessinent :

- Convergence réussie : la radio devient un acteur hybride, transformant chaque programme en produit multi-plateformes, capable de séduire aussi bien les quinquas fidèles que les digital natives.

- Déclin relatif : si la transition numérique est manquée, la radio pourrait rester cantonnée à des niches : religieux, information locale, accompagnement routier.

La radio, entre héritage et renouveau

La vague 53 de Radiométrie Maroc révèle une vérité paradoxale : la radio est encore puissante, mais vulnérable. Puissante, parce qu’elle touche près de 15 millions de Marocains, un chiffre que peu de médias peuvent revendiquer. Vulnérable, parce qu’elle doit désormais convaincre une génération qui vit dans un univers sonore et visuel éclaté.

Le défi est immense : comment réinventer un média centenaire dans un monde dominé par la vidéo courte, l’algorithme et le streaming ? La réponse appartient aux stations elles-mêmes, à leur créativité et à leur audace numérique.

Car une chose est sûre : tant que les Marocains auront besoin d’une voix familière pour les accompagner dans leurs trajets, leurs travaux ou leurs silences, la radio ne mourra pas. Mais survivre ne suffira pas. Il faudra se réinventer pour rester centrale dans la vie médiatique du pays.

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