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La souveraineté énergétique et alimentaire, un lointain souvenir ?


Il semblerait que l’on doive s’inquiéter, oui. Nous ne sommes plus seulement face à un manque de communication du gouvernement, nous sommes confrontés à ce qui semble être un trouble de la (pré)vision, aggravé par un robuste déficit de cohésion. Lorsque l’on entend les ministres s’exprimer, nous n’avons pas le sentiment qu’il s’agisse d’une équipe cohérente avec une perspective clairvoyante, déployant des politiques pertinentes.



Par Aziz Boucetta

La souveraineté énergétique et alimentaire, un lointain souvenir ?
Suite à l’accélération de l’actualité et aux mutations actuelles, la question mérite d’être posée : Faut-il s’inquiéter face à un gouvernement qui semble progressivement dépassé par les événements ? Comment relancer l’économie et éviter une crise sociale ? De quelle manière le gouvernement envisage-t-il de prémunir le royaume contre les incertitudes dans l’approvisionnement des produits essentiels ? Comment ce gouvernement affrontera-t-il ces défis, tout en mettant en œuvre le modèle de développement ?...

Il semblerait que l’on doive s’inquiéter, oui. Nous ne sommes plus seulement face à un manque de communication du gouvernement, nous sommes confrontés à ce qui semble être un trouble de la (pré)vision, aggravé par un robuste déficit de cohésion. Lorsque l’on entend les ministres s’exprimer, nous n’avons pas le sentiment qu’il s’agisse d’une équipe cohérente avec une perspective clairvoyante, déployant des politiques pertinentes.

Prenons un exemple, les réserves stratégiques. En octobre dernier, 24 heures après la nomination du gouvernement par le roi Mohammed VI, celui-ci adressait aux nouveaux élus un discours où il disait, en substance, ceci :
« Afin de consolider la sécurité stratégique du pays, nous appelons à la création d’un dispositif national intégré ayant pour objet la réserve stratégique de produits de première nécessité, notamment alimentaires, sanitaires et énergétiques et à la mise à jour continue des besoins nationaux en la matière ».

Un discours royal est soigneusement préparé et il n’est donc pas fortuit que le chef de l’Etat ait commencé son adresse au parlement et au gouvernement, tous deux nouvellement installés, par la question de la « souveraineté » et de la réserve stratégique, premier volet de développement, selon le roi. Les mois passent, une sécheresse accable le royaume et une guerre menace son approvisionnement énergétique et céréalier.

Interrogé sur la question, le porte-parole du gouvernement Mustapha Baitas répond la semaine dernière que le gouvernement travaille sur la question de la réserve évoquée par le roi mais vu les tensions et l’inflation, « ce stock stratégique prendra encore un peu de temps ». Quant à la ministre de la Transition énergétique, Leila Benali, elle ne s’est pas présentée au parlement pour répondre directement aux questions des élus, et indirectement aux questionnements des électeurs.

Mustapha Baitas
dit aussi que le stock de réserves céréalières est de 5 mois, mais ne donne pas de chiffres sur la réserve en produits énergétiques, avec des prix à la pompe qui explosent les records et les inquiétudes. Or, nous avons un chef de gouvernement ex-pétrolier… bien évidemment, et contrairement à ce qui se dit déjà ici et là, il n’est aucunement coupable de l’envolée des cours, mais il est responsable d’imprévoyance ! Comment et pourquoi n’a-t-il ni vu ni prévu pour le gouvernement aujourd’hui ce qu’il entrevoyait et prévoyait dans ses affaires jadis ? Il arrivait souvent à Saâdeddine Elotmani de parler de Covid en médecin, mais Aziz Akhannouch n’évoque pas la crise énergétique en pétrolier.

Qui, mieux que M. Akhannouch, pourrait expliquer les ressorts, les dessous et le devenir des cours du pétrole ? Qui, plus que lui, a le pouvoir d’anticipation pour constituer des stocks et des réserves stratégiques qui, dit-on aujourd’hui, sont dramatiquement évalués entre 30 et 45 jours ? Qui, autre que lui, devrait répondre aux interrogations de plus en plus assourdissantes des mortels sur les cours de leurs carburants  et à leurs angoisses sur leur mobilité de plus en plus onéreuse ? Et pour quelle raison le parlement ne le convoque-t-il pas pour s’exprimer et s’expliquer ?

Les déclarations de M. Baitas sont très préoccupantes
, pour le « encore un peu de temps » que prendrait la mise en place d’un stock stratégique et aussi pour le fait qu’il ne précise pas l’état de ce stock. La souveraineté énergétique et alimentaire appelée de ses vœux par le roi et attendue par la population semble devenir un lointain souvenir…

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panora Post


Mardi 12 Avril 2022