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Langues étrangères au Maroc : Messieurs les Anglais, tirez les premiers !




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Langues étrangères au Maroc : Messieurs les Anglais, tirez les premiers !

Quand les Anglais font quelque chose, ils le font bien, complètement et sérieusement. Ayant quitté l’Union européenne, ils se sentent libérés des liens de l’Entente cordiale et attaquent. Tout récemment, au Maroc, le British Council a mené (ou fait mener) une étude « indépendante » qui « démontre que l’écrasante majorité des jeunes Marocains considère l'anglais comme étant une langue vitale pour leur avenir et pour celui du pays ». Les Anglais tirent les premiers !


Depuis des années, les dirigeants marocains sirotent leur thé en œuvrant à répondre à la question de savoir laquelle des deux langues étrangères que sont l’anglais et le français serait plus utile pour nos chères têtes brunes. Et finalement, c’est le français qui l’emporta. Le gouvernement et les officiels ont pris leur décision, mais…


… Mais les jeunes (et moins jeunes Marocains) ne l’entendent pas de cette oreille. Eux, ils ont une préférence pour l’anglais, langue réputée plus facile et surtout, avant tout, plus utile. On s‘en doutait, on le pensait bien, bien qu’aucune étude ne le confirmât. C’est aujourd’hui chose faite… car les sujets de sa Gracieuse Majesté s’en sont gracieusement occupé, menant une étude qu’ils disent indépendante (parce qu’on n’en sait pas grand-chose) sur 1.200 jeunes.


Et qu’apporte cette étude commandée par le très officiel et gouvernemental British Council ? Des chiffres et des lettres.


Les chiffres : 74% des sondés pensent que le passage à l'anglais profitera aux ambitions du Maroc en tant que pôle international d’affaires et de tourisme, 65% considèrent l'anglais comme langue très importante (contre 62% pour l'arabe), tandis qu’à peine 47% jugent le français comme langue importante. Sur l’utilité des deux langues, 40% préfèrent l’anglais, contre 10% pour le français.


Les lettres :  « Les jeunes sont beaucoup plus enclins à recommander l'apprentissage de l'anglais à la place de l'arabe ou du français, car c’est la langue des sciences, des affaires, de l'internet et de l'avenir ». « L’écrasante majorité des jeunes marocains considère l'anglais comme étant une langue vitale pour leur avenir et pour celui du pays ».


Et voilà, comment en deux phrases appuyées par quelques chiffres, les Anglais s’incrustent dans notre réalité linguistique, attirent les jeunes qui savent que l’anglais est aujourd’hui et depuis fort longtemps plus porteur que les autres langues, et prennent même le contrepoids des pouvoirs publics marocains, qui restent attachés à la langue de Bossuet, l’inventeur de l’expression de la « Perfide Albion ».


Les Britanniques se montrent donc agressifs, voire intrusifs. Ils prennent le pouls d’une population, l’analysent, et agissent. Ils n’ont nul besoin d’effort marketing car ils savent que leur langue est celle de… à peu près tout ! Et ils le rappellent dans leur sondage, concluant par une recommandation qu’ils prêtent aux jeunes, consistant à considérer « l'anglais comme une langue internationale, mais aussi comme la langue des sciences, des affaires, de l'internet et de l'avenir », et assénant que « plus des deux tiers des jeunes Marocains sont convaincus que, dans les 5 prochaines années, l'anglais parviendra à remplacer le français comme première langue étrangère au Maroc ».


Tout cela a l’air bien inoffensif, mais tout cela est d’une violence inouïe. Les Anglais sont réputés pour leur volontarisme, leur activisme, enrobés du fameux flegme britannique. Ils sont très gentiment en train de bouter le français hors du Maroc, et travaillent à en convaincre une population qui ne demande qu’à l’être.


Pendant ce temps-là, les Français continuent d’ériger des barrières pour l’accès à leurs lycées, persistent à donner un caractère élitiste à leurs écoles et à leur enseignement, et insistent pour augmenter d’année en année les frais d’écolage, à la grande fureur des parents, qui la transmettent à leurs enfants, qui se mettent à l’anglais.


La francophonie est en souffrance depuis plusieurs années, par la seule grâce de l’universalité et de la relative aisance de l’apprentissage de l’anglais. Les responsables de la francophonie en France et ailleurs semblent mener la mauvaise politique. Dommage pour cette belle langue…


Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com



Lundi 3 Mai 2021