Une approche essentielle pour comprendre les inégalités multiples
Le rapport s’appuie sur le concept d’intersectionnalité, théorisé par la juriste afro-américaine Kimberlé Crenshaw à la fin des années 1980. Il désigne la manière dont plusieurs facteurs de discrimination (race, genre, handicap, statut socio-économique, orientation sexuelle, etc.) s’entrelacent pour produire des réalités spécifiques souvent ignorées des cadres juridiques classiques.
Contrairement à une simple addition de discriminations, l’intersectionnalité permet de révéler des formes d’injustice uniques, nécessitant des réponses politiques et institutionnelles sur-mesure.
Une reconnaissance importante pour la société civile marocaine
Ce rapport revêt une portée particulière pour le Maroc, puisque deux organisations nationales y sont citées comme sources contributrices : l’Institut Prometheus pour la Démocratie et les Droits Humains (IPDDH) et le Conseil Civil de Lutte contre toutes les Formes de Discrimination (CCLD).
Leur contribution, saluée à deux reprises dans le document, insiste sur :
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La nécessité de collecter des données ventilées et intersectionnelles ;
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L’urgence d’intégrer ces discriminations croisées dans l’élaboration des politiques publiques inclusives.
Dans un communiqué commun, les deux structures marocaines se sont félicitées de cette reconnaissance internationale, qu’elles considèrent comme une validation de leur engagement en faveur de la justice raciale et de l’égalité réelle.
Des exemples concrets à travers le monde
Le rapport d’Ashwini K.P. illustre les conséquences concrètes de l’intersectionnalité mal prise en compte :
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Au Brésil, les enfants afro-descendants subissent un double désavantage en raison de leur âge et de leur origine raciale.
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Dans les pays du Golfe, le système de kafala est dénoncé pour son caractère oppressif envers les travailleuses migrantes, souvent victimes de violences liées à leur genre, leur statut et leur origine.
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En Europe, les communautés roms restent marginalisées, notamment les femmes et les personnes âgées.
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Le rapport évoque également la situation des femmes et filles palestiniennes, soumises à une triple discrimination : genre, religion et origine géographique, dans un contexte d’occupation militaire.
Vers un changement de paradigme
Face à ces constats, la Rapporteuse spéciale appelle à dépasser les approches mono-factorielles. Elle recommande :
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L’adoption de mesures spécifiques dans l’éducation, l’emploi et la représentation politique ;
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Une meilleure prise en compte des expériences vécues par les victimes ;
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La collecte de données complètes et désagrégées, indispensable pour mesurer l’ampleur des discriminations croisées.
Ashwini K.P. insiste sur la nécessité de repenser les politiques de lutte contre le racisme, en inscrivant pleinement l’intersectionnalité dans les réponses nationales et internationales.
Un combat global porté aussi par le Maroc
La reconnaissance des contributions de l’IPDDH et du CCLD témoigne du rôle croissant de la société civile marocaine dans les débats mondiaux sur l’égalité. Il s’agit désormais de traduire cette visibilité en actions concrètes, capables de démanteler les structures héritées du colonialisme, de l’esclavage, du patriarcat et de l’exclusion systémique, pour tendre vers une société plus juste et inclusive.