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Le Défi de la Rentabilité des EEP sous le PLF 2025

Analyse, 5 questions de l'opposition et 5 questions de la majorité


Rédigé par le Mercredi 23 Octobre 2024

Le Projet de Loi de Finances 2025 met en lumière la transformation des Établissements et Entreprises Publics (EEP) du Maroc. Entre soutien de l'État et restructurations, ces entités sont appelées à jouer un rôle clé dans la relance économique du pays, tout en faisant face à la pression croissante de rentabilité et de rationalisation des ressources.



Des réformes nécessaires, mais insuffisantes pour les besoins structurels

Le Défi de la Rentabilité des EEP sous le PLF 2025
Le Projet de Loi de Finances (PLF) 2025, tel qu'il est présenté dans l'article initial, met en avant une transformation des Établissements et Entreprises Publics (EEP) qui s’inscrit dans une dynamique de rationalisation et de rentabilité accrue. Cependant, en prenant une posture critique et en tenant compte des enjeux réels, il est nécessaire de nuancer ces ambitions affichées, qui semblent en décalage avec les défis structurels des EEP au Maroc.

Le PLF 2025 souligne la réforme en cours des EEP, avec un objectif clair de réduction des déficits et d’amélioration de la rentabilité. L’État met en avant des chiffres prometteurs, notamment la réduction des déficits d'exploitation à 12,2 milliards de dirhams en 2024, contre 21,7 milliards en 2023. Cependant, cet effort de rationalisation, bien qu’important, reste insuffisant face à la profondeur des dysfonctionnements structurels au sein de nombreux EEP.

Les réformes proposées semblent principalement répondre à une logique de réduction des déficits à court terme, sans réellement s’attaquer aux causes profondes de ces pertes. La gestion des EEP déficitaires ne peut se limiter à une simple réduction des coûts. Il est impératif de revoir en profondeur les processus de gestion, les mécanismes de gouvernance et les stratégies d’investissement pour permettre à ces établissements de jouer pleinement leur rôle dans le développement économique et social du pays.

Le PLF met en avant la stabilité du chiffre d’affaires global des EEP, qui atteint 332 milliards de dirhams, en 2023. Toutefois, cette performance repose en grande partie sur des secteurs traditionnels tels que l'énergie, les mines, l'eau et l'environnement, qui représentent 44 % du chiffre d'affaires des EEP. Cette concentration dans quelques secteurs pose des questions quant à la diversification de l’économie marocaine.

La dépendance aux secteurs de l'énergie et des infrastructures, bien qu’importants, ne peut à elle seule garantir la résilience des EEP. Le contexte énergétique mondial évolue rapidement, avec une volatilité croissante des prix et une transition mondiale vers des énergies renouvelables. Le Maroc devra diversifier davantage les secteurs porteurs pour ne pas rester vulnérable aux fluctuations internationales. Il est ainsi crucial que le PLF 2025 ne se limite pas à soutenir ces secteurs traditionnels, mais qu'il favorise des investissements dans des industries émergentes comme la technologie, les énergies vertes, ou encore l'économie numérique.

Le PLF présente une augmentation des investissements des EEP, qui devraient atteindre 81 milliards de dirhams en 2024, en hausse par rapport aux 76 milliards de 2023. Bien que ces chiffres semblent refléter un engagement fort de l’État pour soutenir les entreprises publiques, il est légitime de s'interroger sur l'efficacité de ces investissements. Ces montants massifs ne garantissent pas nécessairement une amélioration des performances des EEP.

Une évaluation plus rigoureuse de l’efficacité des projets financés est nécessaire pour s'assurer que ces investissements produisent des retombées économiques réelles. La question n’est pas seulement de savoir combien est investi, mais aussi comment ces fonds sont gérés. Une plus grande transparence dans la gestion des projets, ainsi que des mécanismes de suivi et d'évaluation, doivent être mis en place pour éviter que les fonds publics ne soient dilapidés dans des projets inefficaces ou non prioritaires.

Le PLF mentionne la dissolution de 81 établissements publics en 2023, présentée comme une preuve de l’engagement du gouvernement à réorganiser le secteur des EEP. Si la liquidation des entreprises non rentables peut sembler justifiée d’un point de vue budgétaire, elle ne résout pas le problème fondamental de la gouvernance des EEP. Une solution durable ne passe pas uniquement par la suppression des entités défaillantes, mais par une réforme en profondeur de la gestion des établissements publics en activité.

De plus, cette stratégie de liquidation ne doit pas occulter l’importance de maintenir des EEP dans certains secteurs jugés stratégiques pour l’économie et le développement social du pays. Il est impératif que ces réformes soient accompagnées d’une réflexion sur la manière de restructurer les EEP pour les rendre plus compétitifs et mieux alignés sur les objectifs de développement national.

Si le PLF 2025 présente des initiatives louables pour la transformation des EEP, notamment à travers une meilleure gestion des déficits et des investissements accrus, ces mesures risquent de ne pas suffire face aux enjeux de diversification économique, de gouvernance et d'efficacité. Les réformes proposées doivent aller au-delà d'une logique purement budgétaire et intégrer une vision à long terme pour permettre aux EEP marocains de jouer un rôle véritablement moteur dans le développement du pays. Le Maroc ne peut se contenter de réformes superficielles, mais doit embrasser une transformation profonde pour assurer la rentabilité, la transparence et la pérennité de ces établissements.

Si j'étais parlementaire de l'opposition, j'aurai posé ces 5 questions à Madame la Ministre des finances

  1. Madame la Ministre, le PLF 2025 met l’accent sur la réduction des déficits des EEP à court terme, mais ne pensez-vous pas qu’il faille s'attaquer aux dysfonctionnements structurels de ces établissements pour garantir une réforme durable et éviter que ces déficits ne réapparaissent ?
  2. Malgré une augmentation des investissements des EEP à 81 milliards de dirhams, comment justifiez-vous l’absence de mesures concrètes pour évaluer l’efficacité de ces investissements et s’assurer qu'ils aboutissent à des résultats économiques réels ?
  3. Le chiffre d’affaires des EEP repose principalement sur les secteurs traditionnels de l’énergie et des mines. Pourquoi le PLF 2025 ne propose-t-il pas une stratégie plus ambitieuse de diversification vers des secteurs émergents comme les énergies vertes ou l’économie numérique ?
  4. La dissolution de 81 établissements publics en 2023 est perçue comme une avancée, mais ne pensez-vous pas que cette stratégie masque le manque de réformes profondes dans la gouvernance des EEP restants ?
  5. Le PLF 2025 met en avant la rentabilité des EEP, mais comment le gouvernement compte-t-il concilier la rationalisation des dépenses et la nécessité de maintenir des EEP dans des secteurs jugés stratégiques pour le développement social et économique du Maroc ?

Si j'étais parlementaire de la majorité, j'aurai posé ces 5 questions à Madame la Ministre des finances

  1. Madame la Ministre, avec une réduction des déficits d’exploitation des EEP à 12,2 milliards de dirhams, comment ces réformes permettront-elles d'assurer la pérennité financière des EEP tout en maintenant leur rôle dans le développement économique du pays ?
  2. Les investissements des EEP atteindront 81 milliards de dirhams en 2024. Quelles sont les mesures de suivi et de transparence prévues pour garantir que ces investissements produisent des retombées économiques durables et évitent le gaspillage des fonds publics ?
  3. Face à la dépendance des EEP aux secteurs traditionnels de l’énergie et des mines, quelles initiatives sont prévues pour stimuler la diversification et développer des secteurs porteurs comme les technologies vertes et l'économie numérique ?
  4. Le PLF 2025 présente la dissolution de 81 EEP comme une avancée. Comment le gouvernement compte-t-il restructurer les établissements restants pour les rendre plus compétitifs et mieux alignés sur les objectifs de développement national ?
  5. Quelles mesures le PLF 2025 prévoit-il pour améliorer la gouvernance des EEP, afin de garantir une transparence accrue dans la gestion des fonds et des projets, et d’assurer une meilleure rentabilité à long terme ?

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Mamoune ACHARKI
Journaliste junior passionné par l'écriture, la communication, les relations internationales et la... En savoir plus sur cet auteur
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