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Le Maghreb islamisto-militariste selon Ghannouchi


Rédigé par le Lundi 1 Mars 2021

Les Islamistes de Tunisie et d’Algérie voient en un Maghreb amputé du Maroc et de la Mauritanie un tremplin pour régénérer leur idéologie de plus en plus réprouvée par les peuples de la région. Leur projet, voué à l’échec, aurait toutefois servi à donner une nouvelle dimension à l’axe Rabat-Nouakchott.



Rachid Ghannouchi (Ennahda) et Abderrazak Mokri (MSP), l'alliance des chyatas pour un islamo-militarisme
Rachid Ghannouchi (Ennahda) et Abderrazak Mokri (MSP), l'alliance des chyatas pour un islamo-militarisme

Rachid Ghanouchi, président contesté du parlement de Tunisie et leader du mouvement islamiste Ennahda, a créé le buzz, le 23 février, en lançant l’idée, sur la radio « Diwan fm », d’un Maghreb à trois, Tunisie, Algérie et Lybie.


Le tollé médiatique suscité par l’exclusion du Maroc et de la Mauritanie de son projet semble indiquer que c’était là, justement l’objectif visé. Les islamistes tunisiens sont actuellement en confrontation directe avec le président Kaïs Saïd.

Machiavel de pacotille

Ghannouchi, longtemps qualifié de Machiavel des islamistes du monde arabe, avant qu’il ne se révèle être un piètre homme d’Etat, aurait donc cherché à détourner l’attention de la grave crise politique en Tunisie dans laquelle lui et son parti son impliqués.

Tout dans la déclaration du leader islamiste tunisien à l’aura en déclin concernant son projet de Maghreb uni montre qu’il n’était pas sérieux. Les trois pays traversent de graves crises sécuritaires, politiques et économiques.

Ces derniers peuvent, au mieux dans le contexte actuel, coopérer pour sécuriser leurs frontières communes, à travers lesquelles s’infiltrent les terroristes jihadistes.


Le bal des chyatas

Quand Ghannouchi en arrive même à évoquer la création d’une monnaie unique commune à ces trois pays, alors que leurs économies n’ont rien de commun, on se rend compte qu’il ne s’agit que de populisme pur jus.

Tout ce que cherche à faire le vieux briscard, à l’aura en déclin, est de flatter les sentiments des Tunisiens, Algériens et Libyens, mais surtout jeter un clin d’œil aux caporaux qui tyrannisent le pays voisin et avec qui les islamistes d’Ennahda ont amélioré leurs relations.

Comme plus on est de fous, plus on rit, Abderrazak Mokri, président du parti islamiste algérien Mouvement de la société pour la paix (MSP), s’est joint au spectacle, en déclarant à des médias de son pays, le 27 février, qu’il soutenait l’idée de Ghannouchi d’un Maghreb sans Maroc, ni Mauritanie.

Pour mieux situer le profil du gaillard, il suffit juste de rappeler qu’il avait également soutenu l’idée d’un cinquième mandat de Bouteflika à la tête de l’Algérie. Nos chers voisins de l’Est appellent vulgairement ce genre d’énergumène les « chyatas ».

Discorde islamiste

Donc, pour promouvoir l’idée d’un Maghreb uni à trois sur cinq, nous voilà avec deux islamistes, un Tunisien et un Algérien, qui estiment que le troisième, le Marocain, les a trahis parce qu’il a signé l’accord de reprise des relations avec Israël.

Le Pjd ne s’est toujours pas officiellement prononcé au sujet de ces déclarations, mais à en croire certaines rumeurs, la pilule est très mal passée.

On aurait pu croire que l’islamiste tunisien pouvait comprendre la position de son collègue marocain à propos de l’intégrité territoriale du royaume. Les Islamistes sont, théoriquement, contre les séparatismes.

Ghannouchi avait, toutefois, besoin de montrer patte blanche aux caporaux d’Alger pour s’en faire des alliés dans son bras de fer avec Kaïs Saïd.

Nul besoin de souligner l’hypocrisie des islamistes maghrébins, qui est une seconde nature chez eux. Aucun de leurs partis n’ose critiquer les relations entre la Turquie du sultan des Frères musulmans Erdogan et Israël.

Front anti-stabilité

Les pays du Maghreb, comme les cinq doigts d'une main
Les pays du Maghreb, comme les cinq doigts d'une main
Il est assez amusant de constater que les deux pays exclus par Ghannouchi de son cauchemar d’un Maghreb islamisto-militariste sont les seuls politiquement stables dans la région.

Depuis son accès au pouvoir, en août 2019, Mohamed Ould Ghazouani a donné une nouvelle orientation à la politique de son pays et sécurisé les frontières avec l’Algérie, d’où s’infiltraient les bandes de trafiquants polisariens.

Quant au Maroc, il s’apprête à dire adieu aux islamistes au gouvernement et tourner la page d’une décennie perdue. Il a, par ailleurs, nettoyé le passage frontalier de Guergarat des parasites polisariens et leur a rendu la zone tampon invivable.

Le royaume a également réalisé l’immense succès diplomatique de la reconnaissance par les Etats-Unis de la marocanité du Sahara. Le pays ne s’en porte que mieux et le sentiment de fierté est bon pour le moral des citoyens.

Le chemin des Almoravides

Pris ensemble, le Maroc et la Mauritanie constituent le berceau de l’empire almoravide, le premier dans l’Histoire à avoir tenté l’unification du Maghreb sous sa bannière. On imagine Youssef Ibn Tachfine éclater de rire dans l’au-delà en entendant Ghannouchi parler d’un Maghreb sans Maroc ni Mauritanie.

Comble de la bêtise géopolitique des islamistes tunisiens et algériens, de tous les pays maghrébins, les seuls qui entretiennent un flux important et permanent d’échanges commerciaux licites avec l’Afrique subsaharienne sont le Maroc et la Mauritanie.

D’ailleurs, la motivation première de la brillante manœuvre des Forces Armées Royales à Guergarat consistait justement à sécuriser ce corridor d’importance stratégique pour les échanges avec le reste du continent.

La Tunisie n’est frontalière qu’avec l’Algérie et la Libye. Or, les frontières Sud de ces deux pays sont infestées de bandes terroristes jihadistes et ne connaissent que le transit de trafics illicites en tout genre, des narcotiques aux êtres humains. Le Maghreb à trois imaginé par Ghannouchi serait, de fait, coupé du reste de l’Afrique.

Allô Nouakchott ? Ici, Rabat. La caravane chargée de marchandises a traversé Guergarat en toute sécurité et continue son chemin vers les marchés africains. « Bessaha » les droits de douane. À l’Est, ils radotent.

Par Ahmed NAJI




Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Lundi 1 Mars 2021