123ᵉ mondial : quand le Maroc travaille trop pour vivre
Le classement repose sur plusieurs critères très concrets : durée réelle des journées, heures hebdomadaires, temps de transport, qualité du sommeil et ressenti général des salariés. Sur presque tous ces points, le Maroc accuse un décalage entre le cadre légal 44 heures par semaine et la pratique. Dans les grandes villes, les heures supplémentaires non déclarées, les embouteillages chroniques et la fatigue qui s’accumule transforment les journées en marathons, bien loin des standards internationaux.
À l’échelle mondiale, l’Europe caracole en tête, menée par la Suisse, la France et le Luxembourg. Derrière, l’Asie et certains pays du Golfe affichent des progrès notables, avec l’Arabie saoudite (25ᵉ) et le Qatar (26ᵉ). De l’autre côté du tableau, l’Afrique reste à la traîne : Burundi, Niger, Mauritanie et Tchad ferment le classement, révélant des conditions de travail particulièrement fragiles.
À l’échelle régionale, le Maroc ne fait pas figure de bon élève. Égypte, Tunisie, Algérie et Libye le devancent, tandis que la Palestine, classée 122ᵉ, dépasse légèrement le Royaume. Une tendance qui montre que la pression professionnelle est devenue un sujet continental, mais aussi une urgence marocaine.
Le contraste devient encore plus frappant lorsqu’on observe la situation dans les hôpitaux. Une étude publiée le 31 juillet 2025 dans la revue Oncoscience révèle une crise de burnout chez le personnel d’oncologie : infirmiers, techniciens, administratifs. Entre surcharge, manque de moyens et pression émotionnelle, la santé mentale des soignants s’effondre dans un silence inquiétant. Ce phénomène illustre parfaitement ce que le classement de CEOWORLD signale : un modèle de travail qui s’émiette, faute de respiration et de protection.
Pour les experts du classement, les pays les mieux notés ne se distinguent pas seulement par des horaires plus courts. Ils disposent de villes mieux structurées, d’horaires réellement respectés, de congés effectifs, de politiques familiales solides et d’une culture où le repos n’est ni un luxe ni un caprice, mais un droit.
Dans un Maroc où la génération Z s’apprête à entrer massivement sur le marché du travail, la question devient cruciale. Cette jeunesse, hyperconnectée, informée et exigeante, refuse de sacrifier sa vie personnelle à des rythmes professionnels “à l’ancienne”. Le pays doit s’adapter, sous peine de se retrouver durablement installé dans un classement qui nuit à son attractivité et à sa compétitivité.
Le défi est clair : réduire le fossé entre la loi et la réalité, revoir les mobilités, moderniser l’organisation du travail et protéger la santé mentale des salariés. Sans ce sursaut, le Maroc risque de se heurter à une génération qui choisira la qualité de vie plutôt que la carrière… ou qui cherchera tout simplement cette qualité ailleurs.