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Le Monde, côté pile et côté sombre


Rédigé par La rédaction le Dimanche 31 Août 2025



Un journal « de référence », mais pour qui ?

Le Monde, côté pile et côté sombre
Depuis sa fondation en 1944, Le Monde s’est forgé une réputation de sérieux, d’indépendance et de profondeur analytique. C’est la marque qu’il vend, l’aura qu’il entretient : celle d’un temple du fact-checking, d’un juge impartial de la démocratie. Mais derrière cette vitrine, il existe un rapport plus complexe, parfois trouble, entre ce quotidien et ses mécènes, ses orientations éditoriales et ses silences stratégiques.

La première ombre se dessine du côté de la propriété. Le journal est passé, depuis 2010, sous la coupe d’un trio de milliardaires français (Pierre Bergé, Xavier Niel, Matthieu Pigasse), puis progressivement d’autres actionnaires financiers. Cette dépendance structurelle a fait de la rédaction une maison où l’indépendance proclamée se frotte à la réalité des pressions économiques. Quand vos sauveurs financiers siègent dans vos murs, pouvez-vous encore prétendre incarner le contre-pouvoir absolu ?

Les angles morts d’une couverture sélective

Autre zone d’ombre : la manière dont Le Monde choisit ses batailles. Le journal pratique ce que des chercheurs en communication appellent la « hiérarchie de l’attention ». En clair, certains pays, certains dirigeants, certains sujets sont scrutés à la loupe, disséqués jusqu’à la caricature. D’autres, étrangement, disparaissent dans un silence presque complice.

Prenons deux exemples récents. Le Monde s’est offert de longs papiers sur la couleur de la djellaba du roi du Maroc, spéculant sur son état de santé. Dans le même temps, le journal n’a presque pas couvert la disparition inexpliquée du président algérien Abdelmadjid Tebboune pendant plusieurs semaines. Deux poids, deux mesures qui révèlent une ligne implicite : les régimes et sociétés que l’on observe à la loupe, et ceux pour lesquels on détourne le regard.

Le piège de l’entre-soi parisien

Le Monde est aussi une fabrique de récits façonnés par une élite intellectuelle parisienne, enfermée dans son entre-soi. Les journalistes du titre sortent souvent des mêmes écoles (Sciences Po, grandes écoles de journalisme), fréquentent les mêmes cercles culturels, et reproduisent une grille de lecture marquée par leur bulle sociale.

Résultat : une analyse souvent brillante, mais rarement dérangeante pour leur lectorat « cœur de cible » : cadres supérieurs, enseignants, professions intellectuelles. Cette homogénéité crée un biais cognitif qui tend à réduire la complexité du réel. Ce que Le Monde ne comprend pas ou n’intègre pas dans son schéma de pensée, il le minore, le déforme ou l’ignore.

Le business de la vérité

Derrière les grands éditos, il y a aussi une machine économique bien huilée. Le Monde tire ses revenus d’abonnements numériques, d’événements sponsorisés et de partenariats éditoriaux. Cette logique transforme parfois l’information en produit calibré pour plaire à un marché plutôt qu’à une conscience critique.

Quand on vend la vérité comme un abonnement mensuel, la tentation est grande de donner au lecteur ce qu’il veut entendre, au risque de lisser les aspérités, d’éviter les contradictions, de réduire l’investigation à un marketing de crédibilité.

Ombre et lumière

Reconnaissons-le : Le Monde reste une référence mondiale, avec des enquêtes solides et des reporters de terrain courageux. Mais le récit héroïque qu’il fait de lui-même occulte ses angles morts : dépendance aux capitaux privés, sélectivité des sujets, biais sociaux et recherche de rentabilité.

Ce « côté sombre » ne signifie pas manipulation systématique ou désinformation volontaire, mais il illustre une vérité universelle : aucun média n’est neutre. Le Monde n’échappe pas à cette loi, malgré son aura de temple de l’objectivité.

En somme, Le Monde n’est ni ange ni démon, mais un acteur du champ médiatique mondial avec ses vertus et ses failles. Le danger, c’est que son prestige serve parfois de paravent à ses propres contradictions. Et qu’à force de se dire « journal de référence », il finisse par devenir surtout référence de lui-même.




Dimanche 31 Août 2025