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Le café : élixir de jeunesse ou légende marketing ?

L’illusion anti-âge d’un rituel matinal universel




Le café, ce faux allié de longévité ?

Le café : élixir de jeunesse ou légende marketing ?
On le boit chaque matin comme un réflexe, un rite de passage entre sommeil et activité. Il nous réveille, nous stimule, nous rassemble. Mais derrière l’odeur chaleureuse et la gestuelle rassurante de la tasse de café fumante se cache une question bien plus sérieuse : et si cette boisson tant aimée n'était qu’un mirage en matière de santé ?

Depuis quelques années, les bienfaits supposés du café sont partout : antioxydant, protecteur cardiovasculaire, allié minceur, et désormais… élixir de jeunesse. Des publications scientifiques, relayées à l'envi par les médias, viennent régulièrement flatter notre habitude matinale. La dernière étude en date, publiée dans le European Journal of Nutrition, affirme que boire du café en quantité raisonnable pourrait ralentir le vieillissement cellulaire.

Mais à force de répéter que le café est bon pour tout, on finit par oublier de poser les vraies questions : dans quelles conditions ces bénéfices existent-ils réellement ? Sont-ils applicables à tout le monde ? Et surtout, ne sont-ils pas exagérés par l’industrie agroalimentaire qui a tout à gagner à rendre cette boisson aussi désirable que nécessaire ?

​ Une étude séduisante… mais qui laisse un arrière-goût

La fameuse étude néerlandaise sur laquelle s’appuie ce regain d’enthousiasme a été menée auprès d’un échantillon d’adultes âgés de quarante à soixante-cinq ans. Elle révèle qu’une consommation quotidienne de quatre tasses de café serait associée à une réduction du risque de troubles liés à l’âge.

Dit comme ça, c’est tentant. Sauf que ce type d’étude repose sur des observations statistiques, pas sur des preuves causales. Autrement dit, les chercheurs constatent une corrélation, mais ne prouvent rien. Et dans ce flou, les raccourcis s’installent : une habitude devient bénéfique, un produit devient “santé”, et un geste banal devient un rempart contre la vieillesse.

En réalité, l'effet anti-âge potentiel du café ne dépend pas uniquement de la caféine. Ce sont surtout les polyphénols (notamment les acides chlorogéniques) et les antioxydants contenus dans le café qui pourraient contribuer à limiter l’inflammation chronique et le stress oxydatif – deux ennemis bien connus du vieillissement cellulaire.

Mais encore faut-il consommer le bon café. Et là, tout se complique.

​Café noir ou potion sucrée ?

Les vertus supposées du café s’effondrent dès que l’on commence à le transformer. Or, au Maroc comme ailleurs, peu de gens boivent leur café sans sucre, sans lait, sans crème, sans caramel ou sans mousse au lait.

Une autre étude, publiée cette fois dans l’European Heart Journal, précise un point crucial : boire une à trois tasses et demie de café par jour réduirait le risque de mortalité de près de trente pour cent… mais uniquement si le café est consommé pur. L’ajout de sucre ou de produits laitiers semble suffire à annuler ces bénéfices.

Ce constat soulève un paradoxe cruel. Ce qui fait du café un breuvage potentiellement protecteur est souvent absent des tasses que nous buvons réellement.

Autrement dit, à force de vouloir adoucir le goût amer de la vérité, on se retrouve à sucrer ses propres chances de bien vieillir.

​L’industrie du café a-t-elle créé un mythe rentable ?

Il faut aussi regarder au-delà du laboratoire et interroger l’économie du récit. Car dans cette affaire, les études scientifiques tombent parfois à point nommé pour relayer les besoins d’une industrie prospère.

Le marché mondial du café pèse plus de 460 milliards de dollars. En faire un produit “santé” est un levier stratégique majeur. Des marques qui se présentent comme artisanales à celles qui vantent leurs capsules écologiques, toutes ont compris que le récit du “bon café” est aussi rentable qu’un bon produit.

Alors, ces études sont-elles réellement indépendantes ? N’y a-t-il pas un conflit d’intérêt latent dans cette pluie d’articles scientifiques qui oublient de préciser que leurs données s'appliquent à un sous-groupe bien précis (non-fumeurs, actifs, sans antécédents médicaux, buveurs de café noir pur) ?

Derrière chaque slogan santé, il y a une stratégie marketing. Et derrière chaque stratégie, des biais cognitifs bien exploités.

​Le vieillissement ne se combat pas à la cafetière

Bien sûr, boire du café n’est pas mauvais en soi. Mais il ne faut pas non plus en faire un totem. Les facteurs du vieillissement sont multiples : génétiques, environnementaux, liés au mode de vie, à l’alimentation, à la gestion du stress, à la qualité du sommeil, à l’activité physique...

Penser qu’on peut freiner ce processus complexe en buvant un liquide noir chaque matin, c’est tomber dans une forme de paresse intellectuelle. Pire, cela peut donner un faux sentiment de sécurité.

Ceux qui se fient aveuglément à leur café pour protéger leur santé négligent parfois d’autres piliers essentiels. Un peu comme ces fumeurs qui se rassurent en buvant un jus d’orange riche en vitamine C.

​Une habitude sociale, pas une solution miracle

Enfin, et c’est peut-être le plus important : le café est un rituel social, pas un médicament. Il accompagne les discussions de bureau, les pauses entre collègues, les réveils du dimanche, les réflexions silencieuses en solitaire.

Le problème survient lorsqu’on glisse d’un plaisir du quotidien à une croyance sanitaire. Ce glissement est insidieux, mais il transforme un simple geste en promesse illusoire.

​ Buvons du café, mais pas de sornettes

On ne cessera jamais de boire du café. Et ce n’est pas grave. Ce qui pose problème, c’est le mensonge collectif qui entoure certaines de ses prétendues vertus. Vieillir est une réalité. C’est aussi un combat quotidien, mais un combat sérieux qui ne se gagne pas à coups de gorgées amères.

Alors oui, gardons notre café du matin. Mais débarrassons-le de son aura de miracle. Parce qu’à trop chercher l’éternelle jeunesse au fond d’une tasse, on risque surtout de passer à côté de tout le reste.

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Vendredi 18 Juillet 2025



Rédigé par La rédaction le Vendredi 18 Juillet 2025