Depuis quelques jours, et même depuis le début du mouvement GenZ, les observateurs et autres analystes attendent le discours royal au parlement, et en attendent des signes de sortie de crise ou des décisions pour sortir de crise.
On le sait, le roi Mohammed VI a une saison de discours qui commence le 30 juillet pour s’achever le 6 novembre de chaque année ; les autres périodes de l’année, quand le souverain prend une décision ou décide d’une orientation, il le fait savoir par message lu ou par communiqué. En 2023, il a été décidé de supprimer le discours traditionnel du 20 août, ce qui laisse trois discours officiels dans l’année. Mais celui de l’ouverture du parlement est particulier en cela qu’il est prévu par la constitution en son article 65, et qu’il donne toute sa solennité au travail législatif, qui est supposé en avoir...
Et, traditionnellement, le chef de l’Etat apporte ses indications, ses orientations voire, souvent, ses rudes remontrances aux politiques assis face à lui, ministres et leur chef, élus parlementaires et leurs deux présidents. Personne ne connaît ni ne peut prévoir ou prédire le contenu du discours de cette année, s’il ira dans le sens d’une réaction à l’actualité, ou non ; mais, instruits par la manière de faire du roi Mohammed VI, il est plus que possible qu’il se contente d’indications, que la classe politique s’empressera de suivre.
Faire une réponse circonstanciée, argumentée, engageant un dialogue avec les jeunes ne devrait donc pas faire l’objet de ce discours, du moins selon la logique générale de la monarchie et particulière du roi Mohammed VI.
Il est même fort probable, sans certitude aucune néanmoins, mais fort probable, que ce discours revienne sur la situation de ce Maroc a deux vitesses dénoncé par le souverain le 29 juillet dernier, ce Maroc a deux vitesses à l’origine précisément de la colère des jeunes (et des moins jeunes).
Il ne semble donc pas qu’il faille avoir une attente de réponse franche et massive dans ce discours au mouvement des GenZ. C’est là la spécificité du Maroc, dans lequel le temps politique est différent d’ailleurs, où la vie institutionnelle est rythmée par les élections cycliques. Dans le royaume, les institutions sont également inscrites au rythme des élections, mais pas le roi qui agit, lui, avec un temps de réaction ou de décision particulier, ce qu’on appelle le temps royal, non limité par les contraintes d’un mandat.
Dans cette conjoncture socio-politique que connaît le royaume aujourd’hui, les jeunes et une partie de la population protestent contre leurs conditions de vie, contre la cherté de la vie, contre une éduction nationale souffreteuse et un hôpital public désastreux, contre une gouvernance non seulement improbable mais aussi coupable… Dans son document revendicatif de 11 pages, les GenZ, en toute responsabilité, dressent dans un style apaisé un panorama terrible de la situation du pays, fondé sur la constitution, le Nouveau modèle de développement et les avis et constats des organes de gouvernance, et tout cela relève de l’organe exécutif, ce qui explique la réaction d’abord tétanisée des gouvernement et parlement, avant de changer à 180° pour adopter une attitude d’explication, de communication, parfois d’auto-flagellation, le tout dans la précipitation.
Mais, en cas de blocage, le roi a toutefois habitué les Marocains à répondre à leurs demandes, d’une manière ou d’une autre, chaque manière différant de la précédente.
La jeunesse Z marocaine a, par essence, du temps devant elle, tout son temps, et le roi agit et réagit dans son temps royal. La sagesse voudrait, pour éviter une déception demain, de donner le temps au temps, sans en perdre.
PAR AZIZ BOUCETTA/PANORAPOST.MA