Le Maroc déroule le tapis rouge aux entreprises… dans un silence feutré
Depuis son arrivée en 2021, le gouvernement marocain, mené par Aziz Akhannouch, n’a cessé de se présenter comme résolument "pro-entreprises". À coups de réformes fiscales, de lois incitatives et de simplification administrative, l’exécutif tente de bâtir un environnement propice aux affaires. Et pourtant, le silence des patrons, dans les médias comme dans les cénacles, reste assourdissant.
La réforme de l’impôt sur les sociétés (IS), engagée dans le cadre de la loi de finances, est pourtant un signal fort : d'ici 2026, un taux unique de 20 % sera appliqué à la majorité des entreprises, contre un système auparavant progressif allant jusqu’à 37 %. Même si certaines structures comme les banques ou compagnies d’assurance seront surtaxées à 40 %, cette baisse généralisée se veut un levier de compétitivité.
Autre chantier majeur : la nouvelle Charte de l’investissement, entrée en vigueur en 2023. Elle promet jusqu’à 30 % de primes à l’investissement selon des critères clairs : création d’emplois, implantation dans les régions, durabilité… Le message est limpide : investir au Maroc, c’est (enfin) récompensé.
Ajoutons à cela les 13 milliards de dirhams de crédits TVA remboursés, la réglementation stricte des délais de paiement entre entreprises, et la réforme des Centres Régionaux d’Investissement, désormais dotés de guichets uniques digitalisés. Un arsenal complet, rationnel, aligné sur les attentes des entrepreneurs.
La liste n'est pas exhaustive ...................
La réforme de l’impôt sur les sociétés (IS), engagée dans le cadre de la loi de finances, est pourtant un signal fort : d'ici 2026, un taux unique de 20 % sera appliqué à la majorité des entreprises, contre un système auparavant progressif allant jusqu’à 37 %. Même si certaines structures comme les banques ou compagnies d’assurance seront surtaxées à 40 %, cette baisse généralisée se veut un levier de compétitivité.
Autre chantier majeur : la nouvelle Charte de l’investissement, entrée en vigueur en 2023. Elle promet jusqu’à 30 % de primes à l’investissement selon des critères clairs : création d’emplois, implantation dans les régions, durabilité… Le message est limpide : investir au Maroc, c’est (enfin) récompensé.
Ajoutons à cela les 13 milliards de dirhams de crédits TVA remboursés, la réglementation stricte des délais de paiement entre entreprises, et la réforme des Centres Régionaux d’Investissement, désormais dotés de guichets uniques digitalisés. Un arsenal complet, rationnel, aligné sur les attentes des entrepreneurs.
La liste n'est pas exhaustive ...................
Le silence des chefs : un prix à payer pour la paix administrative ?
Dans un pays où les grands patrons ont longtemps été des figures visibles, présents dans les colloques, sur les plateaux télé et dans les tribunes des journaux, leur silence actuel interroge. Cette absence du discours entrepreneurial, dans une période pourtant marquée par des réformes économiques ambitieuses, révèle un malaise que les indicateurs macroéconomiques seuls ne suffisent pas à camoufler.
Plusieurs dirigeants du secteur privé, interrogés en off, confient leur prudence. Certains parlent d’"auto-censure" devenue nécessaire pour préserver la fluidité de leurs activités. "Il suffit d’un coup de fil, d’un blocage de dossier ou d’un retard administratif pour que toute une stratégie d’expansion tombe à l’eau", confie un industriel casablancais. Le système fonctionne encore trop souvent sur des arbitrages informels, où la prise de parole publique est perçue comme un risque inutile.
Ce climat n’est pas nouveau, mais il s’est cristallisé sous l’effet de la concentration du pouvoir exécutif entre les mains d’un Premier ministre lui-même issu du monde des affaires. Cette double casquette — entrepreneur et chef de gouvernement — brouille les lignes. Toute critique émise à l’encontre de l’action publique peut vite être interprétée comme une attaque personnelle ou, pire, comme une posture politique.
Or, ce soupçon dissuasif nuit à la qualité du débat public. Une politique pro-business, aussi généreuse soit-elle sur le plan fiscal ou réglementaire, ne peut prospérer durablement si elle ne s’accompagne pas d’une culture du dialogue, de la transparence et de la contradiction constructive. Le capital confiance ne s’impose pas par décret : il se cultive par la liberté d’expression et la sécurité de parole.
Aujourd’hui, ce que réclament de nombreux entrepreneurs, ce n’est pas forcément plus d’aides, mais plus d’écoute. Être consultés, pouvoir formuler des critiques sans être catalogués, proposer des pistes d’amélioration sans se voir exclus du jeu. Le courage économique ne doit pas être à sens unique.
À vouloir trop contrôler la communication, le gouvernement prend le risque de décourager l’initiative. Et dans un monde économique en mutation rapide, où l’agilité et l’audace sont des atouts stratégiques, il serait dommage que l’État marocain, malgré ses bonnes intentions, devienne malgré lui un frein au débat d’idées.
Plusieurs dirigeants du secteur privé, interrogés en off, confient leur prudence. Certains parlent d’"auto-censure" devenue nécessaire pour préserver la fluidité de leurs activités. "Il suffit d’un coup de fil, d’un blocage de dossier ou d’un retard administratif pour que toute une stratégie d’expansion tombe à l’eau", confie un industriel casablancais. Le système fonctionne encore trop souvent sur des arbitrages informels, où la prise de parole publique est perçue comme un risque inutile.
Ce climat n’est pas nouveau, mais il s’est cristallisé sous l’effet de la concentration du pouvoir exécutif entre les mains d’un Premier ministre lui-même issu du monde des affaires. Cette double casquette — entrepreneur et chef de gouvernement — brouille les lignes. Toute critique émise à l’encontre de l’action publique peut vite être interprétée comme une attaque personnelle ou, pire, comme une posture politique.
Or, ce soupçon dissuasif nuit à la qualité du débat public. Une politique pro-business, aussi généreuse soit-elle sur le plan fiscal ou réglementaire, ne peut prospérer durablement si elle ne s’accompagne pas d’une culture du dialogue, de la transparence et de la contradiction constructive. Le capital confiance ne s’impose pas par décret : il se cultive par la liberté d’expression et la sécurité de parole.
Aujourd’hui, ce que réclament de nombreux entrepreneurs, ce n’est pas forcément plus d’aides, mais plus d’écoute. Être consultés, pouvoir formuler des critiques sans être catalogués, proposer des pistes d’amélioration sans se voir exclus du jeu. Le courage économique ne doit pas être à sens unique.
À vouloir trop contrôler la communication, le gouvernement prend le risque de décourager l’initiative. Et dans un monde économique en mutation rapide, où l’agilité et l’audace sont des atouts stratégiques, il serait dommage que l’État marocain, malgré ses bonnes intentions, devienne malgré lui un frein au débat d’idées.
Prétextes en série pour rester rentier : le vrai tabou du capitalisme marocain
Et si, derrière ce silence patronal prétendument stratégique, se cachait une autre vérité, moins noble mais plus crue ? Car à force de pointer du doigt l’État, ses lenteurs et ses supposées représailles, une partie du patronat oublie de se remettre en question. Ne serait-ce pas plus confortable, en réalité, de rester dans une posture attentiste, sous prétexte d’un climat politique soi-disant hostile, pour continuer à profiter tranquillement de situations de rente, de marchés captifs, ou d’avantages historiques ?
Il est facile d’évoquer la peur des blocages administratifs pour éviter de prendre des risques d’investissement industriel, d’internationalisation ou d’innovation. Mais combien d’entreprises marocaines, y compris parmi les plus puissantes, osent réellement aller au-delà du commerce import-export ou des marchés publics ? Combien préfèrent les subventions à la compétition, les avantages réglementaires à la conquête des marchés ?
Le vrai problème n’est-il pas aussi ce capitalisme frileux, qui préfère la proximité du pouvoir à la prise de risque ? À force de brandir l’argument de la prudence, certains patrons masquent une stratégie bien rodée : préserver les acquis, éviter la disruption, et surtout ne rien bousculer tant que le système, même imparfait, reste rentable. Finalement, ce n’est peut-être pas tant l’État qui bride l’audace entrepreneuriale… que les entrepreneurs eux-mêmes.
Par Adnane Benchakroun
Il est facile d’évoquer la peur des blocages administratifs pour éviter de prendre des risques d’investissement industriel, d’internationalisation ou d’innovation. Mais combien d’entreprises marocaines, y compris parmi les plus puissantes, osent réellement aller au-delà du commerce import-export ou des marchés publics ? Combien préfèrent les subventions à la compétition, les avantages réglementaires à la conquête des marchés ?
Le vrai problème n’est-il pas aussi ce capitalisme frileux, qui préfère la proximité du pouvoir à la prise de risque ? À force de brandir l’argument de la prudence, certains patrons masquent une stratégie bien rodée : préserver les acquis, éviter la disruption, et surtout ne rien bousculer tant que le système, même imparfait, reste rentable. Finalement, ce n’est peut-être pas tant l’État qui bride l’audace entrepreneuriale… que les entrepreneurs eux-mêmes.
Par Adnane Benchakroun