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Le marché des cliniques privées scanné par le Conseil de la Concurrence

Place au bistouri...


Rédigé par Rédaction le Mercredi 21 Décembre 2022

Le Conseil de la Concurrence vient de rendre public un avis particulièrement accablant à l'endroit des cliniques privées, avec des griefs à la pelle, tout en faisant ressortir des constats positifs quand à la dynamique enregistrée par ce marché au cours des dernières années.



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Par Jamal HAJJAM

Le marché des cliniques privées scanné par le Conseil de la Concurrence
L'avis du Conseil n'a ni surpris ni étonné l'opinion publique. Les déboires des citoyens avec une bonne partie de ces établissements de santé sont en effet connus et ont souvent fait l'objet de protestations dans les médias, comme auprès des organisations de défense des droits des consommateurs.

Portant sur le "fonctionnement concurrentiel du marché des soins médicaux dispensés par les cliniques privées et les établissements assimilés", le rapport qui commence par souligner que ces structures sont devenues l’un des acteurs majeurs dans le marché des soins médicaux, n'y est pas ensuite allé avec le dos de la cuillère pour énumérer, sans langue de bois, les tares, les disfonctionnements, voire aussi les irrégularités qui empêchent ce marché de jouer son rôle dans le développement du système national de santé.

Opacité du marché des soins médicaux dispensés, chèque de garantie, paiement au noir, surfacturation des soins, non-respect des normes, non-affichage des tarifs, admissions injustifiées en réanimation, facturation de médicaments non consommés, accords illicites de captation de clients ou de patients, rareté structurelle des ressources humaines médicales et paramédicales et recours illégal au personnel du secteur public...

Tout y passe, outre les cas, très nombreux, de non conformité aux normes techniques (près de 70% selon le document) et les pratiques relatives au double exercice, entachées parfois par un manquement à l’éthique médicale.

Au delà de ces griefs, le Conseil de la Concurrence interpelle les pouvoirs publics sur l'absence de deux éléments centraux qui favorisent en quelque sorte le désordre que nous connaissons. Le premier est l'absence de suivi régulier de la part de la tutelle malgré le poids des cliniques privées aussi bien dans l’offre de soins que dans la consommation médicale. Il n’existe en effet aucune entité ou structure administrative relevant du ministère de la Santé dédiée au suivi et à la promotion des cliniques privées et à la collecte des informations y afférentes.

Le second élément saillant est l'absence de cadre juridique propre aux cliniques privées, en plus de la désuétude des textes législatifs et réglementaires les régissant et ce, en dépit de l’importance prise par les cliniques privées dans l’offre nationale de soins médicaux. Il y a lieu de relever ici que les dispositions juridiques actuelles relatives aux cliniques privées sont dispersées dans plusieurs textes législatifs et réglementaires régissant le système de santé national, soit six textes différents.

Le Conseil de la Concurrence dresse enfin de pertinentes recommandations qui vont, entre bien d'autres, de la lutte contre la pratique de chèque de garantie par la mise en place d’un fonds de garantie, au renforcement du contrôle des cliniques, en passant par l'application des dispositions légales afférentes aux règles d’affichage des tarifs des prestations avec sanctions dissuasives à l’endroit des contrevenants, l'mposition d'une facturation claire et détaillée des soins et des médicaments consommés, le renforcement des contrôles fiscaux, la révision du cadre législatif et réglementaire régissant l’activité des cliniques privées, la généralisation de la liberté de tarification et la transparence de la facturation des soins dispensés, le développement et l'amélioration de l’offre hospitalière publique pour augmenter la concurrence...

Par ses remarques et conclusions objectives, l'avis du Conseil de la concurrence a disséqué la situation et identifié, avec pertinence, aussi bien les failles que les manquements et les défaillances. Ses recommandations, si elles trouvent, sans tarder, la voie de leur application, seront à même de redresser une situation des plus iniques, d'instaurer l'équité et de rétablir la confiance dans notre système de santé dans la foulée des louables efforts de redressement déployés aujourd'hui.

Aux pouvoirs publics de donner une suite conséquente à ce travail inédit qui a le grand mérite de remuer les eaux stagnantes.




Mercredi 21 Décembre 2022