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Le passage anormal des émotions de l’état d'excitation euphorique à un état dépressif


Les troubles bi-polaires ont longtemps été connus sous le nom de troubles maniaco- dépressifs, indique Dr Hachem TYAL, psychiatre à Casablanca. La Journée mondiale des troubles bipolaires a pour but d'informer le public sur les troubles bipolaires, favoriser la prévention et les diagnostics précoces et combattre la stigmatisation.
Elle a lieu chaque année le 30 mars, date anniversaire de Vincent Van Gogh, un grand bipolaire, reconnu mondialement en tant que grand peintre, qui s’est tranché volontairement l’oreille.



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Par Dr Anwar CHERKAOUI avec Dr Hachem TYAL, psychiatre à Casablanca

Dr Hachem TYAL, psychiatre à Casablanca.
Dr Hachem TYAL, psychiatre à Casablanca.
L’occasion de rappeler que l'entourage est un facteur important du rétablissement et a besoin de soutien pour pouvoir mieux comprendre et mieux aider son proche.

En France, les troubles bipolaires concernent entre 1% et 2,5% de la population soit 1,6 million de personnes. Au Maroc nous avons les mêmes chiffres, a indiqué Dr Tyal.

Il faut préciser que certaines journées mondiales semblent avoir bien du mal à se faire une place dans notre environnement médiatique surchargé, telle la journée consacrée aux troubles bipolaires.

Pour la petite histoire, le choix de la date du 30 mars ne doit rien au hasard puisqu'elle coïncide avec la date de naissance d'un bipolaire de génie, Vincent Van Gogh, né le 30 mars 1853.

Autre fait historique, ce trouble a été décrit au Xième siècle, dans son aspect mélancolique par un natif d’Irak Ishak Ibnou Omrane dans un de ces livres médicaux intitulé « Traité de la mélancolie ».

Les troubles bi-polaires ont longtemps été connus sous le nom de troubles maniaco-dépressifs, indique Dr Hachem TYAL, psychiatre à Casablanca. Cette pathologie reste cependant très méconnue et souvent tabou.

Tabou parce que beaucoup de personnes atteintes n'osent pas avouer à leurs proches que leurs émotions sont ;elles passent alternativement d'un état d'excitation anormale (proche de l'euphorie) à un état léthargique, complètement dépressif.

Dans la moitié des cas, ces troubles seraient associés à des pratiques addictives et ils seraient à l'origine du quart des tentatives de suicide.

Les médicaments ne peuvent pas tout mais ils permettent de stabiliser de nombreux malades leur permettant d’être sociabilisés, parfois même devenant de véritables génies.

La journée mondiale des troubles bi-polaires fournit une occasion de parler un peu plus de cette maladie et sensibiliser les instances concernées par son traitement.

Quels sont les symptômes de cette maladie?

Les troubles bipolaires constituent une maladie répandue touchant entre 1 à 2,5 % de la population.

Ces troubles bipolaires s’expriment à travers deux états psychiques et comportementaux totalement opposés à savoir des états d’excitation et des états de dépression.

Les états d’excitation sont appelés états de manie ou états d’exaltation maniaque. Les personnes qui en souffrent voient leurs processus intellectuels accélérés, leur activité générale accélérée ainsi que le débit de leur parole.

Elles sont en recherche constante de plaisir, de jouissance dans chaque moment de leur vie, au point qu’elles refusent de dormir considérant que le sommeil n’est rien d’autre qu’une perte de temps.

Ce sont des personnes qui sont dans les excès sexuels dans la prodigalité souvent grave dans leurs dépenses. Elles achètent sans limite et sans raisons jusqu’à se retrouver souvent dans un gouffre financier à la fin de leur crise, causant énormément de soucis pour eux et leur famille.

La gravité de ces états est très variable pouvant aller de symptômes très légers sans vraies conséquences nommés états hypomaniaques à des états très graves accompagnés de délires surtout mégalomaniaques avec surestime très importante de soi et un égocentrisme très important, qui peuvent avoir de graves conséquences sur la personne.

Sur l’autre versant de cette de cette maladie, on trouve les états dépressifs qui sont plus connus que les états d’excitation. Ce sont des états qui sont au contraire des états maniaques, sont marqués par des moments de ralentissement général du fonctionnement de la personne, touchant aussi bien son physique que son mental.

Les gestes deviennent ainsi lents et lourds, de même que le fonctionnement de leur psyché dans tout ce qui la constitue, avec toutes les conséquences que cela peut avoir aussi bien sur la vie professionnelle que familiale. Le sommeil et l’appétit sont très perturbés, la vie sexuelle est inexistante.

Le moral est gravement perturbé, la personne étant dans une tristesse permanente insupportable tout ses champs perceptifs étant imprégnés de négatif sans du tout ressentir quoi que ce soit de positif dans ce qu’ils vivent.

Ils sont également avec une inquiétude, une appréhension constante de tout, une peur perlante sans raison et sont incapables de se projeter positivement dans l’avenir. Tout cela fait que ces personnes vont souvent avoir des velléités suicidaires perçus comme seule solution à leur « souffrance morale » insupportable.

Parfois, ces suicides sont actés ( passage à l’acte) en raison d’un vécu de culpabilité délirante, le passage à l’acte autolytique étant vécu comme juste châtiment à la gravité de ce qu’ils pensent avoir fait.

Ces états particulièrement graves sont appelés états mélancoliques. C’est dans ces états que les passages à l'acte suicidaire sont réussis car programmés, bien organisés, parfaitement construits et planifiés.

À côté de ces graves états dépressifs il y a aussi des états de dépression, dans le cadre de la maladie bipolaire, qui sont beaucoup moins graves.

 

Comment évolue cette maladie ?


Souvent les premiers symptômes apparaissent très tôt dans la vie d’un individu. Souvent à la fin de l’adolescence mais le diagnostic n’est presque jamais fait à cet âge. Il n’est fait que 7 à 8 années après les premiers symptômes ce qui est lourd de conséquences car plus le diagnostic se fait tard plus la maladie est difficile à soigner et à stabiliser.



Comment est traitée cette maladie ?

De prime abord, la gestion de la maladie semble simple, les états dépressifs étant soignés par les antidépresseurs parfois en association avec certains anti psychotiques qui ont des vertus anti-dépressives en association également avec des anxiolytiques afin de juguler les inquiétudes et autres appréhensions.

De la même façon les états maniaques sont soignés quand à eux par les antipsychotiques En réalité, les choses ne sont pas aussi simples car chaque personne répond individuellement à un traitement, ce qui peut se révéler efficace chez certains peut ne pas l’être du tout chez d’autres sans qu’on en connaisse les raisons.

Souvent sont associés à ces médicaments ce que l’on appelle des thymorégulateurs dont certains sont des antiépileptiques ou d’autres produits qui sont à base de lithium.

Ces produits sont en fait des régulateurs de l’humeur car ils ont la particularité, d’une part, de réduire la fréquence des crises et, d’autre part, de contrôler la gravité des symptômes de
la maladie quand la crise arrive.

Il est souvent nécessaire d’associer à ces traitements une psychothérapie qui permet de soutenir psychologiquement les patients car la chronicité est souvent très difficile à vivre et qui permet aussi de leur apprendre à vivre avec leur maladie et de détecter les signes avant coureur de la crise car plus précocement elle est diagnostiquée plus efficace et léger sera
son traitement.

Enfin, l’hospitalisation en institution psychiatrique est toujours nécessaire devant les états graves de la maladie pour la soigner et aussi pour protéger les patients d’eux-mêmes.

A quoi est due la maladie bipolaire ?

Ses causes sont multifactorielles. Il y a ainsi souvent une prédisposition génétique, ce qui veut dire que dans la famille il y a souvent des cas similaires.

Il y a aussi des facteurs environnementaux qui la favorisent comme des agents stressants extérieurs. Il y a enfin des facteurs facilitateurs comme l’usage de toxiques, de drogues surtout pour ce qui concerne les états d’excitation dont le risque est majoré considérablement par l’usage detoxiques et des stupéfiants.

Quel est le pronostic de cette maladie ?

L’histoire et l’expérience nous apprend que bien prise en charge et suffisamment tôt cette maladie peut ne pas handicaper grandement le développement des personnes qui en souffrent même si elle est à l’origine de beaucoup de contraintes et de
souffrance dans tous les pans de leur vie.

Les hospitalisations sont souvent nécessaires, l’accompagnement par des psychiatres absolument nécessaires sinon vitales, l’aide psychothérapique est d’une grande utilité et le recours aux associations souvent très utile.

Au Maroc, La Fédération Nationale pour la Santé mentale œuvre dans ce domaine. Elle réunie en son sein beaucoup d’associations de parents et d’amis de personnes en souffrance psychique ainsi que d’usagers de la psychiatrie et elle s’avère d’une très grande aide pour nombre de personnes souffrant de cette maladie de bien d’autres.

Dr Hachem TYAL est présidente de la Fédération Nationale de Santé Mentale et Directeur d’une institution psychiatrique hospitalière à Casablanca. Il est également président de la société marocaine de psychiatrie dynamique.

 

Vendredi 31 Mars 2023



Rédigé par Salma Chaoui le Vendredi 31 Mars 2023