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Le retour des Kadhafi ?


Rédigé par le Lundi 15 Novembre 2021

Surprise dans l’opinion publique internationale avec la présentation par Seïf Al Islam Kadhafi, fils du dirigeant libyen lynché, de sa candidature à l’élection présidentielle, prévue le 24 décembre.



Seïf Al Islam Kadhafi, 49 ans, candidat à la présidentielle libyenne
Seïf Al Islam Kadhafi, 49 ans, candidat à la présidentielle libyenne
Le retour fracassant de Seïf Al Islam Kadhafi, 49 ans, sur la scène politique, qui peu paraître surprenant pour les non-initiés, était toutefois prévisible et attendu pour les observateurs des évènements en Libye.

Le 14 novembre, donc, le second fils du leader libyen défunt, architecte de formation et le plus politisé de la fratrie, s’est officiellement déclaré candidat à la magistrature suprême de son pays, comme annoncé par la Haute Commission électorale.

Le plus intéressant est le lieu ou s’est manifesté Seïf Al Islam : c’est à Subha, dans le Sud de la Libye. L’on savait l’Est libyen sous le contrôle de Khalifa Haftar, avec le soutien de l’Egypte et des Emirats Arabes Unis, et l’Ouest soumis à des milices à forte connotation islamiste, appuyées par la Turquie.

Le 3ème facteur de l’équation

Que les sympathisants de l’ancien régime libyen aient pignon sur rue au Sud du pays remet en cause tous les équilibres politiques péniblement négociés ces dernières années.

Lors du déclenchement de la guerre civile en Libye, en 2011, suite à la chute du régime de son père, Seïf Al Islam a d’abord tenté de reprendre le pouvoir par les armes.

Poursuivi par la Cour Pénale Internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, il s’est fait arrêter, le 19 novembre 2011, dans le Sud du pays, mais ne sera jamais livré au procureur de la CPI.

Seïf Al Islam, détenu par la milice de Zenten, a été jugé et condamné à mort par contumace, à Tripoli, le 28 juillet 2015.

Retour en grâce

Le 14 septembre 2015, coup de théâtre : un « Conseil suprême des tribus libyennes » en fait son représentant officiel.

Si ledit Conseil n’est reconnu par aucune des deux parties libyennes en conflit, la nature tribale de la société libyenne fait qu’il n’est pas dénué de poids politique.

D’ailleurs, le 6 juillet 2016, Seïf Al Islam a été amnistié par le gouvernement de Tobrouk, décision non-reconnue par celui de Tripoli.

Des informations contradictoires ont circulé sur sa libération, sans que personne ne sache vraiment ou il se cachait.

Mais dès le 18 décembre 2017, il a fait connaître, via un représentant, son intention de se présenter aux élections présidentielles.


Déception occidentale

Il va sans dire que dans les capitales occidentales qui ont participé activement à la chute du régime de Mouammar Al Kadhafi, la présentation officielle de la candidature de Seïf Al Islam n’a pas du constituer une bonne nouvelle.

Il sera de plus en plus difficile aux médias occidentaux de faire croire que le régime Kadhafi était aussi honni par le peuple libyen qu’ils ont toujours voulu le faire croire à l’opinion publique internationale.

Puisque le soutien des tribus libyennes dont bénéficie son fils et héritier politique ne reflète pas une telle répulsion.

Ne pas tenir compte de la nature tribale de la société libyenne et des équilibres complexes qui la soutiennent aura été la grande erreur des analystes occidentaux, qui projettent leurs propres valeurs sur des populations aux mœurs politiques très différentes.

Logique tribale

Quand Mouammar Kadhafi, juste après sa prise de pouvoir par coup d’Etat en 1969, divorce de sa première femme, Fatiha Al Nuri, avec laquelle il a eu un fils, pour se remarier avec Safia Farkash, en 1970, qui lui a donné ses huit autres enfants, beaucoup en pensé qu’il s’agissait de simple lubie de dictateur.

En fait, l’ancien dirigeant libyen, originaire de Tripolitaine, comme l’était sa première épouse, a renforcé son pouvoir par alliance matriarcale avec la Cyrénaïque, dont est issue sa seconde épouse, mère de Seïf Al Islam.

Ce dernier bénéficie, donc, de sa double appartenance à la Tripolitaine et à la Cyrénaïque, un atout majeur dans la société tribale libyenne.

Ce genre de culture politique est plus susceptible d’être bien décrit par un anthropologue que par un expert imbibé de valeurs occidentales.

Echec du « Printemps arabe »

Seïf Al Islam parviendra-t-il à aller jusqu’au bout du processus électoral, sans se faire physiquement éliminer, et arrivera-t-il a succéder à son père en se faisant élire par les Libyens ?

S’il est impossible de répondre à ces questions, tant les éléments contradictoires sont nombreux, il faut toutefois souligner que les révolutions du mal nommé « Printemps arabe » ont toutes échouées, soit par retour au point de départ, soit par non-accomplissement des promesses de démocratisation dont elles étaient porteuses.




Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Lundi 15 Novembre 2021