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Les mécanismes de financement alternatifs au service du développement du marché de l'immobilier


le Vendredi 21 Octobre 2022

Synthèse de thèse professionnelle des mastériens de l'Executive Master Ingénierie Immobilière, Mme Zineb Sebti et M. Mouhammed Mariane, sous le thème "Les mécanismes de financement alternatifs au service du développement du marché de l'immobilier".



Par M. Mouhammed MARIANE et Mme Zineb SEBTI, lauréats de l'Executive Master Ingénierie Immobilière

Les mécanismes de financement alternatifs au service du développement du marché de l'immobilier
Le marché de l'immobilier a longtemps pu compter sur le secteur bancaire pour le financement de sa croissance, tant du côté de l'offre "financement des promoteurs" ou de la demande "financement des acquéreurs".

Evolution des crédits à l’habitat en (Mrds en DH)
Evolution des crédits à l’habitat en (Mrds en DH)

Evolution des crédits à la promotion immobilière en (Mrds en DH)
Evolution des crédits à la promotion immobilière en (Mrds en DH)

 

Toutefois, avec la mutation des marchés après la crise de 2008, les crédits bancaires sont devenus difficilement accessibles et la toute récente crise de la covid n’a fait qu’augmenter l’aversion aux risques des banques et durcir les conditions d’octroi de crédits.

Le modèle de financement centré autour du secteur bancaire impose donc des contraintes qui empêchent de libérer pleinement l’énorme potentiel latent du secteur.

Parmi les limitations qui reviennent le plus souvent, on retrouve :
 

  • L’étroitesse des produits ;
  • La cherté relative ;
  • La rigidité des règles d’octroi de crédits ;
  • Les ressources limitées.

Se procurer de l’argent sans passer par les banques est toutefois possible et se révèlera, parfois même, financièrement plus intéressant.

En effet, des solutions peuvent être mises en place que nous appellerons Mécanismes de Financement Alternatifs. Ces mécanismes viendront compléter l’offre bancaire classique et pallier ses limites.

Ces mécanismes sont à des niveaux de maturité variables. Ils vont des plus intuitifs et ancestralement ancrés, tels que les apports personnels, ou le Love Money (soutien des proches), à ceux qui constituent une extension de l'offre bancaire classique, ou faisant partie de l'arsenal du marché des capitaux, dont le Private Equity, le Business-Angels ou l’Affacturage, pour arriver de nos jours à des solutions plus sophistiquées qui s’appuient sur des ingénieries financières ou des apports technologiques avancés, précisément les OPCI, Crowdfunding, Emission de Token.

OPCI :

Bien qu’à la base, les OPCI se définissent en tant que véhicules de placement, ces derniers jouent un rôle capital dans le financement du marché de l’immobilier dans la mesure où l’épargne collectée par ces véhicules est drainée essentiellement dans l’acquisition ou la construction d’immeubles.
 
Les OPCI viennent donc, pour les classes d'actifs immobiliers dans lesquelles ils investissent, se substituer aux banques et participer au financement du développement du marché de l’immobilier.
 
Ce rapprochement entre le volet financier et immobilier enrichit l'offre de placement pour les investisseurs et permet d'injecter des ressources considérables sur le marché de l'immobilier, composées de la plus petite épargne des personnes physiques et des montants immenses qui cherchent à être placés par les institutionnels.
 
Le Maroc a adopté une loi permettant la création d’Organismes de Placement Collectif Immobilier (OPCI) en 2016. L’arsenal juridique n’a cependant été complété qu’en 2019 avec la publication de deux circulaires de l’AMMC, la première, n°02/18, définit les modalités pratiques relatives à la création et le fonctionnement des sociétés de gestion et la seconde, n°02/19, encadre les règles de gestion des véhicules de placement.
 
Depuis le coup d’envoi officiel de l’activité en 2019, les institutionnels, les foncières ainsi que de nombreux autres opérateurs immobiliers se sont rués pour créer leurs propres véhicules d’investissement, ou mieux des sociétés de gestions d’OPCI. Deux ans plus tard, le marché prend forme et les perspectives à moyen terme demeurent assez prometteuses.
 
Selon le Ministère de l’Économie et des Finances, le stock d’actifs immobiliers potentiels sur le marché des OPCI est de 200 Mrds de DH! L’objectif affiché par les professionnels est donc d’atteindre un ratio de transformation de 15% de l’assiette immobilière du Maroc en actifs OPCI.
 
Ceci étant, et bien que les OPCI offrent de nombreux avantages, il convient de préciser que ces derniers présentent certaines lacunes qui peuvent limiter leur croissance et laisser la place au développement d’autres produits plus innovants. Parmi ces lacunes, on cite :
 
  • ÉTROITESSE DU MARCHÉ : De par leur construction, les OPCI investissent exclusivement l'épargne collectée sur la niche bien précise des actifs immobiliers destinés à la location, ce qui exclut systématiquement bon nombre d'actifs du périmètre d'investissement.
  • RENDEMENTS MODÉRÉS : En général, les rendements des OPCI sont plus faibles que ce que peut offrir la bourse. Avec 5% de rendement moyen, on ne peut pas, en effet, parler de placement très rentable.
  • LIQUIDITÉ RÉDUITE : Certes, les OPCI offrent une liquidité améliorée par rapport à un investissement immobilier en direct, mais cette liquidité demeure limitée. Les sociétés de gestion imposent, en effet, des règles d’exécution de rachats de manière à contrôler la variation des flux de trésorerie et optimiser les investissements, ce qui n’est naturellement pas sans impact sur la liquidité.

Crowdfunding :

 

Le « Crowdfunding », mieux connu à l'échelle mondiale sous le nom de « financement participatif » et au Maroc sous le nom de « financement collaboratif » est une forme de financement alternatif qui met en relation l’investisseur particulier avec des porteurs de projets ayant un besoin de financement pour des projets spécifiques via internet.
 

Plusieurs projets de plateformes de Crowdfunding ont été initiés au Maroc à partir de 2008, mais ces dernières ne peuvent pas exercer convenablement en l’absence d’un cadre réglementaire adapté.
 

Dans l’attente d’un cadre plus propice, et afin de profiter du rush mondial de la nouvelle activité, certaines plateformes ont fait le choix de s’implanter à l’international pour collecter des fonds servant à financer des projets au Maroc. Les projets marocains financés par le crowdfunding n’ont ainsi commencé à voir le jour qu’en 2010 mais uniquement sur des plateformes de Crowdfunding internationales opérant au Maroc.
 

Perspectives de développement et limites :
 

Avec l'instauration tout récemment d'un cadre réglementaire permettant aux plateformes d'exercer pleinement leur activité dès le Maroc, le potentiel du Crowdfunding au Maroc pourrait atteindre, selon certaines prévisions, les 10 M€ à horizon 2026.
 

Le Crowdfunding a certes révolutionné l’environnement financier international, y compris en matière de montage d’opérations immobilières. Pour autant, il ne constitue pas une « solution parfaite » au financement de projet, et ce, malgré l’engouement extraordinaire dont il fait l’objet.
 

Il y a tout d’abord le risque que l’argent ne soit pas utilisé comme prévu, ceci est généralement dû à un manque d’informations et de transparence entre les parties prenantes ou tout simplement de mauvaises intentions de fraude.
 

Par ailleurs, il n’est pas possible de déterminer si toutes les propositions d’investissement serviront les rendements flatteurs promis, notamment au cas où le plan financier d’un projet est mal estimé, menant ainsi à une sous-estimation des fonds nécessaires.
 

Enfin, il est à noter que le cadre réglementaire reste contraignant. Ceci impose une révolution encore plus importante et plus efficiente telle que celle que propose la Blockchain.


Blockchain en immobilier :

 

Nous devons cesser de se demander si la révolution de la Blockchain allait chambouler le monde de l’immobilier et se poser plutôt la question sur quand est ce qu’elle le fera. Le passage de la pierre papier à la pierre crypto n’est qu’une question de temps, compte tenu de la diversité d’usage et l’ampleur de la transformation à envisager grâce à cette révolution numérique. Pour l’heure, les expériences lancées sont encore peu significatives pour inquiéter les acteurs traditionnels, mais sont très surprenantes par l’innovation qu’elles apportent au secteur.
 

  • À la limitation d’accès aux marchés et investisseurs qui bornent les OPCI ou le crowdfunding, viennent briller les Tokens en offrant une ouverture sans limitations de frontières.
  • Au risque de liquidité, les tokens offrent une visibilité qui dépasserait celle des places boursières réunies grâce aux jetons échangeables.
  • Aux coûts de transactions superflues, l’automatisation des processus et l’élimination du rôle des tiers de confiance « trustlessness », se répercuterait inexorablement par la baisse d’imposantes charges considérées jadis comme incompressibles.
  • À l’aspect sécuritaire entachant les opérations financières, répondent les Blockchains avec l’impossibilité avérée de modifier ou de supprimer des opérations inscrites sur la Blockchain « immuabilité », grâce à une sorte « d’immense registre numérique partagé entre une multitude d’utilisateurs, sans autorité centrale et réputée infalsifiable, recensant l’intégralité de l’historique des transactions ».


Ces aspects constituent toute la puissance de cette technologie qui façonne notre manière de concevoir le monde et promettent une mutation profonde dans les divers secteurs d’activité, dont l’immobilier.
 

Perspectives de développement au Maroc :
 

Le cadre juridique au Maroc interdit l’utilisation des monnaies virtuelles ! Les projets sur la Blockchain bénéficient, au contraire, d’un fort encouragement des autorités depuis 2019.
 

Mais l’expérience a démontré que l’on ne peut pas aller bien loin dans le développement de solutions par la Blockchain sans une législation des monnaies virtuelles qui a été, après tout, à l’origine du succès planétaire que connait cette technologie.
 

Fort heureusement, un changement d’attitude positif des autorités de régulation semble se dessiner au fil du temps. D’ailleurs, après avoir pris une position unanime pour interdire purement et simplement l’usage des crypto-monnaies et des applications associées, les autorités de régulation semblent aujourd’hui plus flexibles et prennent le temps pour juger raisonnablement les avantages et inconvénients pour ne pas priver l'économie du progrès que peut apporter le Web3.
 

Ce n’est donc certainement qu’une question de temps avant que des mécanismes de financement immobilier basés sur ces innovations voient le jour au Maroc, au vu du lien sans précédent que tisse la technologie entre les investisseurs de tout horizon et les personnes qui souhaitent lever des capitaux. Le développement attendu va bien entendu au-delà de l'aspect de financement, étant le vaste champ d'application et la valeur ajoutée indéniable que la Blockchain peut apporter dans la redéfinition et l'optimisation des process (enregistrement cadastral, suivi des chantiers, supply chain, marchés locatifs, gestion et exploitation des immeubles, …).
 

D'ici là, les acteurs susceptibles d’être impactés par le développement de cette technologie ont intérêt à se saisir au plus vite du sujet pour épouser le changement plutôt que de le subir et y perdre des plumes.


Cet article est rédigé par M. Mouhammed MARIANE et Mme Zineb SEBTI, lauréats de l'Executive Master Ingénierie Immobilière.

Article en partenariat avec Welearn 




Vendredi 21 Octobre 2022