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Les tensions commerciales Maroc-Égypte : Une opportunité pour renforcer la coopération économique bilatérale !




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Par Abdelilah BOUTAYBI

Les tensions commerciales Maroc-Égypte : Une opportunité pour renforcer la coopération économique bilatérale !
Les relations commerciales entre le Maroc et l’Égypte, historiquement marquées par des échanges réguliers, connaissent une période de turbulences. Depuis quelques mois, les deux pays sont confrontés à un nombre croissant de différends commerciaux, exacerbés par des mesures protectionnistes et des ajustements dans l’Accord d’Agadir. Pourtant, ces tensions pourraient offrir une opportunité unique pour renforcer la coopération économique et industrielle entre les deux nations, en particulier dans le cadre des défis mondiaux actuels.
 
Une Croissance Industrielle en Mouvement
 
Le Maroc a connu un véritable développement de son secteur industriel entre 2014 et 2023, grâce à des stratégies dynamiques d’investissements, de compétitivité et d’innovation. En une décennie, le pays a généré 401 000 emplois dans l’industrie, portant l’effectif total à près de 947 000 en 2023. Les investissements directs étrangers (IDE) ont également connu une forte augmentation, passant de 24 % du total des IDE entre 2010-2013 à 33 % entre 2019-2023. Cette croissance a été accompagnée d’une explosion des exportations industrielles, qui ont doublé, passant de 159 milliards de dirhams en 2013 à 377 milliards de dirhams en 2023.
 
Cependant, en dépit de ce dynamisme, les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Égypte ont montré des signes de ralentissement en 2023, avec une baisse notable des exportations (-17,9 %) et des importations (-9,8 %), signifiant un déséquilibre commercial. Le Maroc a importé pour 7,8 milliards de dirhams de biens en provenance d’Égypte, tout en n’exportant que 528 millions de dirhams vers ce pays, un écart de près de 18 fois. Ce déséquilibre souligne l’importance pour le Maroc de diversifier et renforcer ses exportations industrielles, notamment dans des secteurs à forte valeur ajoutée comme l’automobile et l’électronique.
 
Un Contexte de Tensions Croissantes
 
Les tensions commerciales entre les deux pays remontent à plusieurs années. Depuis 2016, des associations industrielles marocaines ont exprimé des préoccupations concernant la concurrence jugée déloyale des exportateurs égyptiens. En réponse, le Maroc a renforcé les contrôles douaniers sur les produits en provenance d’Égypte, en particulier dans les secteurs des produits chimiques et du textile.
 
Mais c’est en 2024 que la situation a pris un tournant décisif. Le Maroc a imposé un droit antidumping de 29,93 % sur les conserves de tomates en provenance d’Égypte, en réponse à une plainte de la Fédération nationale des industries alimentaires marocaines. En parallèle, le pays a rouvert une enquête sur le dumping concernant les tapis et les revêtements textiles égyptiens. Ces décisions ont intensifié les tensions avec Le Caire, d’autant plus que les autorités égyptiennes ont répondu par des restrictions sur les exportations marocaines, notamment dans le secteur automobile.
 
Une concurrence déloyale ou des dispositions non harmonisées ?
 
Les désaccords entre les deux pays portent en grande partie sur l’interprétation des règles d’origine et des normes de conformité, notamment dans le cadre de l’Accord d’Agadir, signé en 2004, qui vise à renforcer les échanges commerciaux entre le Maroc, la Tunisie, l’Égypte et la Jordanie. Les tensions actuelles soulignent le besoin urgent d’une révision de ces règles, particulièrement en matière de traçabilité des produits et de vérification des certificats d’origine.
 
La crainte d’un contournement tarifaire, comme l’exportation de produits asiatiques réétiquetés comme étant d’origine égyptienne pour bénéficier des avantages tarifaires, est l’un des principaux points de friction. Le Maroc a ainsi décidé de renforcer ses contrôles douaniers, mais ces actions ont suscité des représailles de la part de l’Égypte, notamment dans le secteur automobile.
 
Une Opportunité pour Renforcer la Coopération Bilatérale
 
Malgré ces tensions, il existe des opportunités pour renforcer la coopération économique et commerciale entre les deux pays. Il est impératif de trouver des solutions constructives pour résoudre ces différends, notamment par la mise en place de mécanismes de dialogue bilatéral.
 
Une des solutions possibles serait de créer une commission mixte pour résoudre les litiges commerciaux de manière plus transparente et équitable. Cela permettrait d’harmoniser les interprétations des règles d’origine et de mettre à jour l’Accord d’Agadir, en intégrant des clauses adaptées aux évolutions du commerce international. Par ailleurs, une coopération renforcée dans les secteurs technologiques et industriels, ainsi que la promotion de partenariats de coproduction, pourraient réduire les risques de dumping tout en créant davantage de valeur ajoutée locale.
 
Recommandations pour désamorcer la crise
 
Plusieurs mesures pourraient être envisagées pour désamorcer les tensions :
 
1. Renforcement de la traçabilité des produits : Une vérification systématique des certificats d’origine, avec des audits conjoints entre les autorités douanières marocaines et égyptiennes, permettrait de garantir que les produits respectent les règles de l’Accord d’Agadir.
2. Création d’une commission mixte Maroc-Égypte : Cette commission pourrait se concentrer sur les différends commerciaux, l’examen des allégations de dumping et la mise en place de solutions préventives pour éviter de futures tensions.
3. Modernisation de l’Accord d’Agadir : Il serait nécessaire d’actualiser cet accord en tenant compte des évolutions récentes du commerce mondial, notamment en matière de réglementations douanières et de normes de qualité.

En dépit des frictions commerciales actuelles, le Maroc et l’Égypte disposent d’une occasion en or pour réaffirmer leur volonté de coopération économique. À travers des ajustements dans leur partenariat commercial et l’actualisation de leurs accords, les deux pays pourraient non seulement résoudre leurs différends, mais aussi renforcer leurs échanges commerciaux et industriels pour faire face aux défis économiques mondiaux. Ce n’est qu’en adoptant une approche collaborative et en renforçant leur dialogue que le Maroc et l’Égypte pourront exploiter pleinement le potentiel de leur coopération.

NDLR : ​Un entretien pour apaiser les tensions et rééquilibrer les échanges

C’est dans ce contexte qu’un entretien a eu lieu entre Omar Hejira, secrétaire d’État marocain chargé du Commerce extérieur, et Hassan Al-Khatib, ministre égyptien de l’Investissement et du Commerce extérieur. L’objectif principal était d’identifier les moyens de renforcer les échanges commerciaux et de remédier aux déséquilibres constatés.

D’après Hejira, le Maroc cherche à réduire son déficit commercial avec l’Égypte en augmentant ses exportations vers ce pays. À cet effet, une mission économique sera organisée afin d’ouvrir de nouvelles opportunités aux exportateurs marocains, notamment dans le secteur de l’automobile, qui a connu un recul récemment.

De son côté, Al-Khatib a réaffirmé l’ouverture du marché égyptien aux produits marocains et a souligné l’importance de mesures concrètes pour garantir un commerce plus équilibré. Il a également insisté sur la volonté des deux gouvernements d’assurer un suivi rigoureux des accords commerciaux, afin d’éviter de nouvelles tensions.


Lundi 3 Mars 2025