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Lettre ouverte à Netanyahu, les trois péchés d’Israël au Maroc




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Par Omar Dehbi

Lettre ouverte à Netanyahu, les trois péchés d’Israël au Maroc
Monsieur Benyamin Netanyahou,

Vous venez d’être réinvesti pour la nième fois chef du gouvernement de l’Etat israélien. Vous vous apprêtez à jouer encore une fois le rôle qui vous est assigné dans le scénario israélien, écrit et mis en scène depuis des décennies et qui ne cesse d’être joué inlassablement au point que vos amis comme vos adversaires n’y éprouvent plus la moindre curiosité sachant d’avance ce qui arriverait. Votre vie politique et vos actions politiques sont devenues prévisibles et donc ennuyeuses tels une télénovela interminable dont on n’arrive jamais à bout et où il n’y jamais de fin héroïque ni de rebondissement valeureux.

Et je dois avouer que je trouve cela désolant et décevant même. Je suis déçu pour plusieurs raisons.

D’abord, imprégné de valeurs humaines, plein de confiance dans le genre humain quelle que soit son ethnie, son origine ou sa religion, j’ai toujours cru qu’il arriverait un jour où l’on verrait l’un des dirigeants israéliens sortir du lot, déchirer le fameux scénario, s’insurger contre les scénaristes et les producteurs de ce feuilleton et de réécrire une nouvelle saison, avec de nouveaux acteurs, de nouvelles actions pleines de courage et de justice, des rebondissements basés sur des valeurs humaines et s’inscrivant dans la perspective d’un avenir meilleur et donnant un nouveau souffle à cette télénovela en l’élargissant à une nouvelle audience et en récupérant ceux qui s’en étaient lassés.

Malheureusement, à chaque élection, on revoit le même scénario qui se reproduit dans une distribution des rôles avec pour objectif de faire en sorte que les compteurs soient remis à zéro.

Moi, qui ai toujours cru, je l’avoue sans gène, à l’existence d’un génie israélien, particulièrement brillant, je suis sincèrement déçu de m’être rendu compte, l’âge y a peut-être contribué, que vous êtes à plat et que la créativité a atteint ses limites chez vous.

Je ne parlerai pas des rêves que je fais depuis des années en imaginant qu’un jour vous alliez surprendre le monde en annonçant un plan de règlement du conflit que vous avez avec les Palestiniens, et ce, quelles que soient les pistes de solution, qu’il s’agisse d’une fusion ou de deux Etats indépendants ou d’autres idées… Peu importe, mais qu’il y ait un rebondissement juste et équitable. Mais rien. Vous jouez inlassablement le temps. Vos gouvernements se succèdent. Ils gèrent les affaires courantes, mais personne n’écrit l’histoire. Comme je l’ai dit, votre vie politique est comme une télénovela.

Vos partis politiques se sont mariés, ils ont divorcé, ils ont flirté les uns avec les autres, ils ont sombré dans l’infidélité, ils ont donné naissance à d’autres petits partis… Ils ont fait de tout et vos scénaristes ont épuisé toutes combinaisons possibles et ne sont plus capables que de se répéter et puiser dans les saisons précédentes à la recherche de situations dramatiques que le public aurait oublié. Bref, vous manquez d‘imagination.

Ce manque de créativité, M. Netanyahu, on l’a constaté dans votre relation avec le Maroc.

Ces derniers jours, on a vu des tentatives de célébration du deuxième anniversaire d’un événement que chacun définit à sa façon. Pour certains, il s’agit de la reprise des relations avec Israël, pour d’autres, ce serait l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays.

Mais, il demeure néanmoins que le tout s’est passé inaperçu sauf pour ceux qui en étaient les protagonistes et qui ont cru à ce qu’ils ont imaginé comme de grandes célébrations.

Moi, je voudrais vous dire pourquoi il n’y a pas eu de célébrations réelles et je vais vous citer les trois péchés commis dans votre tentative d’établir des relations fortes avec le Royaume du Maroc ces deux dernières années.

1. Vous avez mal entrepris cette relation en faisant des erreurs de casting lors du choix de vos représentants à Rabat. Vous avez opté pour un homme politiquement inculte et imbu de sa personne, qui ne connaît point le Maroc et qui estimait pouvoir séduire les Marocains par des virées folkloriques en louant les paysages et les tajines marocains sur les réseaux sociaux. Il a passé son temps à faire du tourisme et à collectionner les conquêtes intimes aux frais de l’Etat israélien.

Et les affaires sérieuses, il les a déléguées à des opportunistes capables de tout pour parvenir à leurs objectifs et qui ont fini par se consacrer à monter leurs propres business usant de tous les moyens possibles. Cela a eu pour résultat de transformer une affaire de rapprochement politique en affaire purement commerciale. Aujourd’hui, les politiques n’ont pas établi de ponts d’échange, les intellectuels non plus et seuls quelques nouveaux ministres, de part et d’autre, analphabètes sur le plan politique mais voraces sur le plan business se sont rués pour se jeter dans les bras des hommes d’affaires menés pour ce faire par les collaboratrices de l’ancien représentant à Rabat.

2. Le gouvernement israélien a oublié que le royaume du Maroc est un État particulier. C’est quasiment le seul État arabe où la symbiose est totale entre le sommet et la base. Si dans certains pays arabes, vous avez pu vous associer au commandement et passer outre le peuple, au Maroc, vous avez échoué dans votre approche tant avec le sommet qu’avec la base. Vous avez oublié que le Roi du Maroc est aussi le président du Comité Al Quds et qu’il assure cette noble mission avec conviction et engagement. Il ne simule pas et il n’exploite pas cette cause comme le font certains dirigeants arabes. Vous l’avez déçu quand vous n’avez pas saisi l’occasion de ces deux années d’ouverture pour franchir le pas et mettre sur la table des décisions courageuses et audacieuses qui vous auraient ouvert le cœur des Marocains et des Arabes en général…

3. Vous avez commis la même erreur que certains de nos prétendus amis dont l’animosité reste à peine voilée. Ils croient que l’on peut nous faire miroiter ad vitam æternam une prise de position favorable à notre droit légitime dans l’affaire du Sahara marocain. Durant deux longues années, le gouvernement israélien a pratiqué un double jeu sur cette affaire. Il a perdu une grande occasion pour faire preuve d’un engagement sincère envers le Maroc. Certes, que vous le fassiez ou pas n’aurait pas changé grand-chose à la donne sur le terrain. Nous sommes chez nous au Sahara et nous n’en sortirons qu’à la disparition du dernier marocain sur terre. Mais vous auriez gagné des points qui vous auraient sortis de la case « opportunisme » pour vous installer dans la case « bonne volonté » dans l’esprit des Marocains.

Finalement, M. Netanyahu, si l’on veut résumer votre bilan en deux ans, nous le réduirions à quelques contrats commerciaux conclus entre les deux parties. Mis à part cela, vous avez échoué sur le plan communicatif, vous avez échoué sur le plan politique, vous avez échoué sur le plan culturel…

En deux ans, vous n’avez pas conquis les Marocains. Vous avez juste obtenu quelques contrats. Et si vous voulez leurrer votre opinion publique en lui faisant croire le contraire, vous vous trompez, car la communauté marocaine établie chez vous sait que les Marocains ont toujours aimé leurs compatriotes juifs où qu’ils soient et que ces deux années auraient pu servir à autre chose et non pas à revendre ce qui est déjà acquis.

Feriez-vous quelque chose pour y remédier et repartir sur de nouvelles bases alors que vous reprenez le flambeau pour un nouveau mandat ? Je n’en suis pas sûr, mais ma nature optimiste me pousse toujours à continuer à croire que tout est possible.

Rédigé par Omar Dehbi sur Africa Times 


Lundi 9 Janvier 2023