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Ma dernière volonté : Donnez-moi de quoi respirer.

Réflexion suite au texte de réflexion de l'écrivain Rida Lamrini


Écrire.
Écrire, c’est partir sans bouger.
C’est disparaître un peu sans mourir.
C’est voyager dans les fissures du réel.
C’est se perdre dans un silence qu’on invente.
C’est aimer sans témoin, souffrir sans preuve, renaître sans bruit.
Écrire, c’est respirer autrement.
C’est laisser couler ce qu’on retient trop longtemps.
C’est la seule manière de parler quand les mots deviennent lourds.
Écrire, c’est désobéir au monde,
refuser la vitesse,
refuser l’oubli,
refuser de ne pas sentir.
Écrire, c’est faire de son cœur une lampe dans la nuit.



Adnane Benchakroun

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Respirer pour ne pas penser, ou peut-être pour penser mieux.
Respirer comme on écrit : sans y réfléchir, juste pour ne pas mourir asphyxié par le réel.


On dit que l’air est gratuit, mais on oublie souvent qu’il a un goût — celui du monde, parfois lourd de pollution, parfois frais comme une idée neuve. Respirer, c’est le premier acte philosophique : admettre qu’on partage le même invisible avec tous les autres êtres vivants, y compris ceux qu’on n’aime pas.

Chaque respiration est un dialogue muet entre l’intérieur et l’extérieur. Elle nous rappelle que la frontière entre soi et le monde est une fiction biologique, poreuse, réversible. À chaque inspiration, un peu du monde entre en nous. À chaque expiration, un peu de nous rejoint le monde. Peut-être est-ce cela, finalement, exister : apprendre à doser l’échange, trouver la bonne mesure entre prendre et rendre.

Respirer, c’est aussi une forme d’écriture. L’air trace dans nos poumons des phrases que personne ne lit. Certains respirent à pleins poumons comme on écrit un poème d’amour. D’autres retiennent leur souffle, comme on retient un secret. Il y a des respirations en suspens, des respirations coupées, des respirations profondes qui ressemblent à des confessions. Le monde entier est une immense bibliothèque de souffles, et chacun de nous y rédige sa page d’oxygène.

Quand on cesse de respirer pour courir après le temps, la vie se fane. Le bruit intérieur devient tempête, les mots se mettent à claquer comme des drapeaux sans vent. Alors, il faut s’arrêter. Inspirer longuement. Sentir qu’on revient dans le corps. Redevenir animal, végétal, humble. On ne respire plus pour soi seul, mais pour tout ce qui respire encore : les pierres chauffées par le soleil, les arbres fatigués, les oiseaux distraits.

Et si philosopher, finalement, n’était rien d’autre que respirer consciemment ? Accueillir le monde sans le juger, l’expirer sans le posséder. Il n’y a pas d’idéologie dans l’air — seulement des particules d’existence.

Et si, un jour, on me demandait ma dernière volonté, je ne réclamerais ni papier ni plume. Je dirais simplement :
Donnez-moi de quoi respirer.


Mardi 14 Octobre 2025