Une militante connue, un geste de rupture
Ibtissam Lachgar n’est pas une inconnue dans le paysage militant marocain. Née à Rabat en 1975, psychologue de formation, elle est cofondatrice du MALI (Mouvement alternatif pour les libertés individuelles). Depuis plus d’une décennie, elle orchestre des actions à forte portée symbolique : un pique-nique en plein Ramadan en 2009, un “kiss-in” en 2013… Des happenings qui ont suscité des débats passionnés, polarisant l’opinion publique et nourrissant de longues discussions dans les cafés, les salons et les réseaux sociaux.
Elle vit à Rabat depuis plus de quinze ans avec sa compagne, sans que son orientation sexuelle n’ait jusqu’ici conduit à une arrestation. C’est un point essentiel : le Maroc n’est pas un paradis pour les minorités sexuelles, mais son expérience personnelle démontre que militer ouvertement est possible, à condition de respecter certaines limites juridiques et socioculturelles.
Elle vit à Rabat depuis plus de quinze ans avec sa compagne, sans que son orientation sexuelle n’ait jusqu’ici conduit à une arrestation. C’est un point essentiel : le Maroc n’est pas un paradis pour les minorités sexuelles, mais son expérience personnelle démontre que militer ouvertement est possible, à condition de respecter certaines limites juridiques et socioculturelles.
D'un pseudo militantisme à la provocation frontale
Cette fois, la raison de son arrestation ne réside pas dans une action militante classique, mais dans le message imprimé sur son t-shirt : “Allah is lesbian”. Dans un pays où la religion est à la fois un pilier identitaire et un élément central de la cohésion sociale, cette phrase dépasse la simple expression d’une opinion.
Ils peuvent toujours invoquer la liberté d’expression mais pour les Marocains, c'est slogan blasphématoire simplement et tranquillement. Dans un contexte marqué par la montée de l’extrémisme religieux, un slogan de ce type devient potentiellement explosif. Les exemples ne manquent pas : de Charlie Hebdo à Salman Rushdie, les provocations perçues comme blasphématoires peuvent coûter la vie à leurs auteurs. Faut-il rappeller que deux suédois ont été tués en Belgique par un terroriste , sur le seul motif qu'un individu a osé brûlé le Coran en plein Stockholm
C’est précisément le risque d’escalade qui inquiète beaucoup de Marocains, y compris ceux favorables aux libertés individuelles.
Quand la provocation devient le moteur de l’action militante, la surenchère est presque inévitable : pour “exister” médiatiquement, il faut frapper plus fort à chaque fois. Et si on ne fixe pas de limites, on passe vite du t-shirt provocateur à des gestes irréversibles comme déchirer ou brûler le Coran.
Sociologiquement, c'est une erreur majeure pour plusieurs raisons :
Impact symbolique : toucher à un texte sacré dans un pays où la foi est un pilier identitaire ne ferait pas avancer le débat, mais déclencherait une onde de choc sociale.
Réactions imprévisibles : même dans un État de droit, un acte perçu comme un blasphème extrême peut provoquer des réactions violentes, spontanées, incontrôlées.
Effet boomerang : le geste deviendrait le seul sujet, écrasant toute discussion sur les libertés et renforçant les discours des courants les plus conservateurs.
En clair, une telle action est un suicide politique et médiatique pour la cause qu’elle prétend défendre. Les militants efficaces savent que la provocation ciblée doit ouvrir un espace de dialogue, pas fermer toutes les portes.
Ils peuvent toujours invoquer la liberté d’expression mais pour les Marocains, c'est slogan blasphématoire simplement et tranquillement. Dans un contexte marqué par la montée de l’extrémisme religieux, un slogan de ce type devient potentiellement explosif. Les exemples ne manquent pas : de Charlie Hebdo à Salman Rushdie, les provocations perçues comme blasphématoires peuvent coûter la vie à leurs auteurs. Faut-il rappeller que deux suédois ont été tués en Belgique par un terroriste , sur le seul motif qu'un individu a osé brûlé le Coran en plein Stockholm
C’est précisément le risque d’escalade qui inquiète beaucoup de Marocains, y compris ceux favorables aux libertés individuelles.
Quand la provocation devient le moteur de l’action militante, la surenchère est presque inévitable : pour “exister” médiatiquement, il faut frapper plus fort à chaque fois. Et si on ne fixe pas de limites, on passe vite du t-shirt provocateur à des gestes irréversibles comme déchirer ou brûler le Coran.
Sociologiquement, c'est une erreur majeure pour plusieurs raisons :
Impact symbolique : toucher à un texte sacré dans un pays où la foi est un pilier identitaire ne ferait pas avancer le débat, mais déclencherait une onde de choc sociale.
Réactions imprévisibles : même dans un État de droit, un acte perçu comme un blasphème extrême peut provoquer des réactions violentes, spontanées, incontrôlées.
Effet boomerang : le geste deviendrait le seul sujet, écrasant toute discussion sur les libertés et renforçant les discours des courants les plus conservateurs.
En clair, une telle action est un suicide politique et médiatique pour la cause qu’elle prétend défendre. Les militants efficaces savent que la provocation ciblée doit ouvrir un espace de dialogue, pas fermer toutes les portes.
Une arrestation vue par certains comme une protection
C’est là que l’affaire prend une dimension paradoxale : l’arrestation de Lachgar pourrait avoir empêché un drame. Exposer un slogan blasphématoire dans l’espace public, c’est aussi s’exposer soi-même à des menaces physiques, voire à un passage à l’acte de la part d’individus radicalisés.
Le droit marocain, comme celui de nombreux pays musulmans, sanctionne pour de bonnes raisons la blasphémie.
On peut critiquer cette disposition, mais elle existe heureusement et s’applique. Dès lors, la détention peut aussi se lire comme une mesure préventive, dans l’intérêt même de la militante.
Le droit marocain, comme celui de nombreux pays musulmans, sanctionne pour de bonnes raisons la blasphémie.
On peut critiquer cette disposition, mais elle existe heureusement et s’applique. Dès lors, la détention peut aussi se lire comme une mesure préventive, dans l’intérêt même de la militante.
Le deux poids, deux mesures médiatique
Évidement comme on pouvait s'y attendre et juste aprés la cause des Chiens errants (La coupe du Monde 2030 à l'horizon des nihilistes) l’angle choisi par une partie de la presse internationale a été clair : dénoncer une “persécution LGBTIQ+”.
Pourtant, dans la même semaine, un jeune homme de 18 ans affilié à l’État islamique et préparant des attentats a été arrêté au Maroc. Une opération antiterroriste passée quasiment inaperçue dans ces mêmes médias.
Cette différence de traitement pose question : pourquoi un pays démocratique qui protège sa population contre la menace djihadiste est-il systématiquement caricaturé lorsqu’il applique ses lois sur des sujets sociétaux sensibles ?
Pourtant, dans la même semaine, un jeune homme de 18 ans affilié à l’État islamique et préparant des attentats a été arrêté au Maroc. Une opération antiterroriste passée quasiment inaperçue dans ces mêmes médias.
Cette différence de traitement pose question : pourquoi un pays démocratique qui protège sa population contre la menace djihadiste est-il systématiquement caricaturé lorsqu’il applique ses lois sur des sujets sociétaux sensibles ?
Liberté et responsabilité, un couple indissociable
La question de fond dépasse le cas Lachgar. Peut-on revendiquer une liberté totale sans assumer ses conséquences ? Au Maroc comme ailleurs, la liberté d’expression est encadrée. Elle ne disparaît pas, mais elle se conjugue avec un devoir de responsabilité, surtout quand il s’agit de symboles religieux.
Confondre liberté et libertinage intellectuel, c’est faire fi du contexte et des sensibilités. La militante a milité pendant quinze ans sans répression liée à son orientation sexuelle. Ce qui a changé, ce n’est pas le Maroc, c’est la nature de son geste : une provocation frontale qui touche un socle identitaire majeur.
Confondre liberté et libertinage intellectuel, c’est faire fi du contexte et des sensibilités. La militante a milité pendant quinze ans sans répression liée à son orientation sexuelle. Ce qui a changé, ce n’est pas le Maroc, c’est la nature de son geste : une provocation frontale qui touche un socle identitaire majeur.
Modernité liquide et fractures culturelles
En sociologie, Zygmunt Bauman parlait de “modernité liquide” pour désigner une époque où les repères stables s’effondrent et où tout se reconfigure rapidement. Mais cette fluidité ne supprime pas les ancrages profonds. Dans un pays comme le Maroc, la religion reste un point fixe, un élément de stabilité dans un monde mouvant.
Provoquer ce socle, ce n’est pas le faire évoluer ; c’est souvent le rigidifier davantage. Les coups d’éclat éphémères peuvent créer des fractures durables, alimenter les discours extrémistes et décrédibiliser les causes progressistes les plus nobles.
Provoquer ce socle, ce n’est pas le faire évoluer ; c’est souvent le rigidifier davantage. Les coups d’éclat éphémères peuvent créer des fractures durables, alimenter les discours extrémistes et décrédibiliser les causes progressistes les plus nobles.
Lignes rouges et dialogue constructif
L’affaire Lachgar illustre un dilemme classique : comment faire avancer les droits sans se couper de la société dans laquelle on vit ? La liberté d’expression n’est pas un permis de provoquer à tout prix. Elle gagne en force lorsqu’elle s’accompagne de dialogue, d’éducation et de pédagogie.
Le Maroc d’aujourd’hui n’est pas figé. Les mentalités évoluent, lentement mais sûrement. Mais chaque coup de provocation pure complique le travail de fond de ceux qui militent pour une ouverture mesurée et durable. Dans cette affaire, il ne s’agit pas de choisir entre la liberté et la religion, mais de comprendre qu’un pays se transforme plus sûrement par la persuasion que par le clash.
Le Maroc d’aujourd’hui n’est pas figé. Les mentalités évoluent, lentement mais sûrement. Mais chaque coup de provocation pure complique le travail de fond de ceux qui militent pour une ouverture mesurée et durable. Dans cette affaire, il ne s’agit pas de choisir entre la liberté et la religion, mais de comprendre qu’un pays se transforme plus sûrement par la persuasion que par le clash.