Une croissance tirée par le secteur privé… et par les ménages
L’analyse du HCP éclaire les mécanismes de cette reprise. Les entreprises financières et non financières demeurent le moteur principal de la création de richesse, représentant 45,7 % du PIB. Leur rôle va plus loin : elles sont à l’origine de près de 60,3 % de l’épargne nationale et assurent 59,2 % de l’investissement brut (FBCF).
De leur côté, les ménages et les ISBLSM (institutions sans but lucratif au service des ménages) contribuent à hauteur de 28,4 % du PIB, tandis que les administrations publiques pèsent pour 14,8 %.
Ce rééquilibrage entre secteur public et privé modeste mais tangible suggère une économie marocaine qui se tourne davantage vers l’initiative privée, l’investissement entrepreneurial, et une croissance plus autonome.
Autre signe positif : le revenu national brut disponible (RNBD) atteint 1 709,1 MMDH, en progression de 7,7 % sur un an. Et, dans ce partage de la richesse nationale, ce sont les ménages qui restent les principaux bénéficiaires : 63,1 % du RNBD leur revient, les administrations publiques captant 20,3 %, et les sociétés 16,6 %.
Résultat : le revenu disponible brut (RDB) moyen par ménage atteint 1 059,7 MMDH, en hausse de 6,7 %.
Pouvoir d’achat retrouvé et investissements en net redémarrage
L’un des aspects les plus encourageants du rapport du HCP concerne le pouvoir d’achat des ménages. Grâce à une inflation maîtrisée modérée, à 0,9 % en 2024 —, le RDB par habitant s’élève à 28 808 dirhams, soit une hausse de 6 % sur un an. Conséquence : le pouvoir d’achat s’améliore de 5,1 points, contre seulement 1,8 point l’année précédente.
Côté investissement, la dynamique est tout aussi nette. La formation brute de capital fixe (FBCF) atteint 422,5 MMDH, en hausse de 13,9 % par rapport à 2023. Cette reprise est portée avant tout par les sociétés privées, dont les investissements augmentent de 19,9 % sur la période, tandis que les ménages et les administrations publiques renchérissent leur FBCF respectivement de 7,9 % et 3,2 %.
L’épargne nationale, quant à elle, grimpe à 461,7 MMDH, soit une croissance de 11,6 % par rapport à 2023.
Dans les faits, c’est une économie plus solide, plus confiante prête sans doute à investir davantage, à consommer mieux, à créer les conditions d’un développement plus inclusif.
Un regain d’optimisme, mais des fragilités à observer
Pour autant, l’embellie ne gomme pas toutes les fragilités. Le besoin de financement de l’économie nationale s’est détérioré, passant à 1,2 % du PIB en 2024, contre 0,9 % en 2023.
Ce creusement s’explique en grande partie par le basculement des sociétés non financières : elles sont passées d’une capacité de financement de 11,9 MMDH à un besoin de 8,2 MMDH. Parallèlement, les sociétés financières ont également accru leur besoin de financement, à hauteur de 9,1 MMDH.
Cela illustre les tensions persistantes du côté du financement privé que le dynamisme de l’investissement ne suffit pas à masquer. Et cela rappelle que, si le Maroc avance, ce n’est pas (encore) une marche fulgurante, sans précaution.
Si 2024 marque une accélération économique remarquable, elle rappelle surtout que le Maroc avance à la force du collectif : ménages, entreprises et pouvoirs publics tirent chacun leur part. Mais la vraie question reste ouverte : cette dynamique pourra-t-elle se transformer en croissance durable et équitable, capable de résister aux chocs externes et de créer des opportunités concrètes pour tous les citoyens ? Les chiffres sont encourageants, mais la prochaine étape sera de transformer cette prospérité en stabilité réelle, là où le concret rejoint l’ambition.