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Maroc/Espagne, il faut commémorer les 100 ans de la bataille d’Anoual !




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Maroc/Espagne, il faut commémorer les 100 ans de la bataille d’Anoual !

En juillet prochain, le 21 pour être précis, un siècle se sera écoulé depuis la bataille d’Anoual lors de laquelle les troupes d’Abdelkrim Khattabi avaient rudement défait celles du royaume d’Espagne. Il s’agit d’une des plus grandes victoires du Maroc durant sa grande et longue histoire, et le plus grand désastre militaire de tous les temps, vu d’Espagne. Voici quelques mois, Les Espagnols ont décidé de commémorer cette bataille, en frappant une médaille  pour honorer leurs morts. Pourquoi pas nous ?
 

Nous sommes en 1921, et neuf ans après l’instauration du protectorat espagnol sur le nord du Maroc, Madrid ne parvient toujours pas à asseoir sa domination, les tribus rifaines étant mobilisées et unies sous la férule de Abdelkrim ben Mohamed al Khattabi. Mais emporté par la mort, celui-ci fut remplacé par son fils, le légendaire Mohamed Ben Abdelkrim al Khattabi, plus connu et immortalisé sous le nom d’Abdelkrim al Khattabi.
 

En juillet 1921, à la tête de 3.000 combattants, il fond sur Anoual où sont retranchés près de 20.000 soldats espagnols, sous le commandement du général Manuel Fernández Silvestre. Submergés et paniqués, les Espagnols se rendent, laissant 9.500 tués, près de 500 prisonniers et des armes à ne plus savoir qu’en faire. Les Marocains poussent leur avantage, poursuivant l’armée espagnole en déroute et, contrairement aux ordres d’Abdelkrim, massacrent les soldats prisonniers. Le général Silvestre se suicide.
 

Cette défaite va causer de graves et profonds remous en Espagne, l’humiliation vécue ayant conduit en 1923 le général Primo de la Rivera à son coup d’Etat appelé « Pronunciamento », qui est l’une des causes directes, quoique lointaines, de la guerre civile (1936-1939), de la longue dictature de Franco et du début de l’indépendantisme catalan. On comprend les appréhensions espagnoles à l’égard du Maroc…
 

Pendant deux ans, Abdelkrim est le maître absolu du Rif, créant une « république du Rif » (1921-1926), vécue comme un prélude à la libération de tout le Maroc. Paris et Madrid encouragent gentiment Abdelkrim dans sa voie, mais ce dernier fait réciter les prières au nom du sultan et des lettres d’allégeance témoignent de son attachement à la légitimité monarchique. Cela a conduit à la grande coalition franco-espagnole de 1926 qui défait Abdelkrim, Lyautey craignant la contagion anti-coloniale.
 

Aujourd’hui, l’Espagne va frapper une médaille commémorative de la campagne de Melilla, sans doute pour conjurer le sort du « désastre d’Anoual » (ci-contre). Elle passe bien évidemment sous silence les crimes de guerre reflétés par les bombardements massifs du Rif avec du gaz en 1925-26, causant un véritable désastre humanitaire, et aujourd’hui encore, le Rif détient le triste record de malades du cancer au Maroc.
 

L’Espagne ne s’est jamais excusée, pas plus qu’elle n’a réparé ses crimes. Le Maroc, n’étant pas l’Algérie, n’insiste pas trop sur la contrition espagnole. Mais face à ce qui pourrait être considéré comme une provocation de Madrid – une énième – voire un mépris pour l’Histoire et pour les hommes – un énième –, le Maroc devrait être fier de commémorer cette victoire, dont le mode opératoire a été repris plus tard par l’ensemble des guérillas dans le monde, Tonton Ho en premier, contre la France en Indochine…
 

Observons comment les nations du monde plongent corps et âmes dans les commémorations de leurs guerres, habitées par leur histoire et soucieuses de l’inculquer à leurs jeunes et moins jeunes. Une nation se nourrit de son histoire, surtout lorsqu’elle est longue et dense. Les Européens n’en finissent pas de commémorer les guerres mondiales, les Russes s’étranglent de fierté en évoquant leur grande guerre patriotique, les Japonais se sortent progressivement de la contrition à eux « imposée », voire suggérée, par les vainqueurs de la 2nde guerre mondiale... Nous, nous célébrons l’indépendance ; c’est bien, mais c’est insuffisant.
 

Regardons notre Histoire, nous n’en serons que plus affermis dans notre présent et plus affirmés pour notre avenir.
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com 



Samedi 24 Avril 2021