L'histoire s'accélère.
Il s'agit d’une stratégie que l'on peut qualifier de multialignement diplomatique. Une approche qui se veut flexible, pragmatique et équilibrée. Pas d'alliances rigides mais autre chose : tirer parti de la multipolarité mondiale et rechercher une autonomie stratégique. Celle-ci a porté ses fruits en optimisant des ambitions régionales et même internationales.
Le temps long d'un quart de siècle :
Cette réarticulation au dehors s'est faite dans le temps long d'un quart de siècle. Sous le précédent règne, le Maroc avait des liens étroits avec l'Occident notamment la France et les États-Unis. En même temps, Rabat arrivait à se préserver une certaine marge de manœuvre souveraine. Celle-ci s'exprimait par un rôle de médiateur par exemple dans les conflits arabo-israéliens ou africains - ainsi que dans le cadre de solidarités culturelles (arabe, monde islamique).
Avec Mohammed VI, l'on a affaire à une diplomatie pratiquement "tous azimuts" marquée par plusieurs axes. Le premier a trait à un partenariat occidental renforcé : statut avancé avec 1'UE, coopération sécuritaire et militaire avec Washington - membre allié majeur non membre de l'OTAN depuis 2004 - ainsi qu'économique avec l'accord de libre échange depuis 2006.
Le deuxième regarde l'approfondissement et l'élargissement de l'ancrage africain : retour à l'UA (2017), expansion économique vers 1'Afrique subsaharienne mais aussi anglophone sans oublier une diplomatie solidaire et religieuse marquée du sceau de la coopération Sud-Sud. Une doctrine Royale qui a été affirmée au forum d'Abidjan en février 2014.
Il faut y ajouter l'ouverture vers les puissances émergentes (Chine, Russie, Inde) avec des partenariats stratégiques sans oublier d'autres latitudes géographiques (Amérique latine). Enfin, l'axe relatif à l'insertion plus accentuée avec le monde arabe, en particulier les monarchies du Golfe, à la normalisation avec Israël mais couplée à une solution à deux États avec Al Qods - dont il préside le comité- comme capitale de l'État palestinien.
Une diversification donc. Une ferme volonté d'émancipation diplomatique.
Le Royaume par sa stabilité politique, bénéficie d'un leadership régional conforté ses opportunités d'investissement. Si bien qu'il s'est imposé comme un acteur pivot entre l'Europe, l'Afrique et le monde arabe.
Cela dit, des défis et même certaines ambigüités ne sont pas à évacuer : tant s'en faut. Il faut en effet veiller à surmonter la fragilité de certains équilibres liés à des relations parfois contradictoires - Israël et certains pays arabes, États-Unis et Chine.
Des frictions et des tensions mêmes n'ont pas manqué avec des partenaires traditionnels (France, Espagne, Allemagne) notamment sur la question nationale. Le multialignement a un coût, pourrait-on dire : celui d'une crédibilité à préserver par le renforcement de la gouvernance, l'attractivité économique et la stabilité institutionnelle.
Une maturité géopolitique :
De plus, ce qui s'apparente aujourd'hui à une "neutralité active" peut être difficile voire problématique si les rivalités et les tensions internationales devaient s'intensifier. Le Maroc n'ignore rien de tous ces paramètres. Mais sa diplomatie a capitalisé un savoir-faire.
Une agilité. Une sagacité aussi. C'est là le reflet d'une maturité géopolitique servie par une volonté d'indépendance face aux grandes puissances. Sa diplomatie est intelligente, pragmatique, ouverte. Il bénéficie d'un statut de pays influent, dialoguant avec tous les pôles de puissance tout en défendant fermement ses intérêts nationaux.
Sa grammaire de diplomatique est lisible ; elle est pourvoyeuse et productrice de paix, de coopération, de partenariat. Le multialignement qu'il pratique n'est pas un simple opportunisme mais une vision stratégique conjuguant la flexibilité et la souveraineté. Une place à part à l'échelle régionale et continentale qui traduit sa capacité d'adaptation à la volatilité des rapports de force mondiaux.
PAR MUSTAPHA SEHIMI/QUID.MA -
