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Mars 2011 - mars 2021, dix ans après le discours, ça court toujours...




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Mars 2011 - mars 2021, dix ans après le discours, ça court toujours...

Nous sommes le 20 février 2011, le monde arabe est en ébullition. Le Tunisien Ben Ali a été éjecté, et son alter ego égyptien aussi, le Yémen est dans la tourmente, la Libye s’embrase, les royaume et émirats du Golfe vacillent, grincent, mais grâce à Dieu tiennent bon… Au Maroc, les jeunes et moins jeunes du M20 s’agitent et s’excitent, demandant du changement, l’exigeant rapidement, et brocardant les plus hauts commis de l’Etat, à l’exception de son chef… qui répond. C’est le fameux discours du 9 mars 2011.
 

Qu’a dit le roi dans ce discours ? Globalement, il a parlé de la pluralité de l’identité, de l’Etat de droit et des droits de l’Homme, et de l’indépendance de la justice, trois domaines où le travail a été fait en 10 ans, mais qui reste perfectible, très perfectible. Sur le plan politique, le roi Mohammed VI a annoncé un renforcement du gouvernement, par la contrainte du choix de son chef au sein du parti arrivé premier aux élections. Le souverain a également posé le principe de l’encadrement des citoyens par les partis et aussi celui de la reddition des comptes.
 

Le texte constitutionnel, en dépit de ses inévitables insuffisances, est résolument novateur. L’un des membres de la Commission de révision de la consultation, Mohamed Tozy, a déclaré dernièrement que « l’article 47 va plus loin que ce que propose la Vème République par exemple, puisque le roi est tenu de pressentir comme chef du gouvernement un responsable issu du parti arrivé en tête des élections, et qu’il ne peut pas le renvoyer sans passer par une dissolution du Parlement ».
 

Qu’on le veuille ou non, qu’on critique ou pas, le rôle et la position du chef du gouvernement sont sanctuarisées comme rarement dans l’histoire du royaume. Il faut vraiment être marocain pour comprendre la portée de cet article, qui impose au roi une condition pour la désignation du chef du gouvernement, et qui le prive de l’extraordinaire pouvoir de révoquer ce dernier. Mais un chef de gouvernement, c’est une majorité et une majorité, ce sont des partis et des chefs et co-chefs de partis.
 

Et c’est là que le bât blesse.
 

Dix ans après, l’observateur a le sentiment impérieux que la qualité des partis s’est détériorée, et que leur rôle d’encadrement a été mis au placard, malgré les rodomontades, les effets de manche, les annonces et les très timides coups de semonce. La population ne s’y est pas trompée, elle qui s’abstient de plus en plus, d’élection en élection. En une décennie, seul le PJD a su et pu se frayer un chemin dans les méandres de la politique par la discipline de ses membres gradés ou non, la solidité de ses structures et la régularité des prises de position. Avec cela, le parti s’est constitué un « matelas » d’électeurs qui lui a permis de remporter les trois dernières élections (deux législatives et une communale). S’éloignant de l’esprit de la constitution, les autres partis viennent de commettre un coup d’éclat institutionnel – le nouveau quotient électoral – qui semble lui-même un prélude à une révision constitutionnelle.
 

Concernant la reddition des comptes, le moins que l’on puisse dire est qu’en dépit de leur « constitutionnalisation » réussie, Conseil de la Concurrence et Cour des Comptes n’ont pas été et ne sont toujours pas à la hauteur des attentes et espoirs placés en eux. Le président de la Cour des Comptes se plaint que personne ne lit ses rapports et, au premier couac qui sent le soufre des hydrocarbures, le Conseil de la Concurrence a plongé dans le silence.
 

En face, le peuple. Lui, il a compris la constitution dans son esprit : bien plus de démocratie, encore plus de droits pour les gens, davantage de comptes à rendre pour les dirigeants. A défaut, il s’éclipse, et c’est ce qui se produit actuellement, dans le cadre d’une constitution qui accorde plus de prérogatives et de puissance au gouvernement mais où le gros du travail est fait par le roi.
 

Dix ans, donc, après le lancement du chantier constitutionnel, celui de la politique semble aujourd’hui menacer ruine, et il apparaît de plus en utile, voire incontournable, de faire évoluer la constitution. Cela commence par la loi organique sur le mode de scrutin, et cela devrait se poursuivre, un jour plus ou moins prochain, par une révision de l’article 47.
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur  https://panorapost.com




Jeudi 11 Mars 2021