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Masculinistes vs Féministes : une guerre qui ne dit pas son nom


Rédigé par le Vendredi 30 Mai 2025

Le masculinisme est un courant idéologique réactionnaire et misogyne, né en opposition directe aux avancées du féminisme. Ce mouvement vise à restaurer les anciens privilèges masculins et rejette l’idée même d’égalité entre les sexes. Ses partisans idéalisent le modèle de la famille traditionnelle, où l’homme est pourvoyeur et chef de famille, tandis que la femme reste confinée au foyer.



Une influence croissante dans les sociétés développées

Masculinistes vs Féministes : une guerre qui ne dit pas son nom

Paradoxalement, c’est dans les pays les plus avancés en matière de droits des femmes que le masculinisme prend le plus d’ampleur. Sur les réseaux sociaux, de nombreux influenceurs — notamment sur TikTok, YouTube ou Instagram — diffusent des discours antiféministes qui rencontrent un large public. Ces contenus, souvent viralisés, cumulent des millions de vues, principalement auprès d’un jeune public masculin.

Des figures controversées incarnent cette mouvance. Andrew Tate, ancien kickboxeur britannico-américain, s’est autoproclamé « coach » de vie pour les hommes, prônant un retour à la domination masculine. Malgré de graves accusations de viol et de trafic d’êtres humains, il jouit d’une audience considérable. Il dispense des « conseils » qui apprennent aux hommes à dominer les femmes, en glorifiant une masculinité toxique et violente.

En France, des influenceurs comme La Menace prétendent mettre en garde contre un prétendu « complot féministe ». Moyennant finances, il propose des formations pour devenir un « homme de haute valeur », séduisant des milliers de jeunes hommes en quête de repères.

D’autres figures sont allées plus loin dans la haine : Mickaël Philétas, ex-coach en séduction, a assassiné son ex-compagne de 80 coups de couteau avant de s’en prendre à son nouveau compagnon et à sa sœur.


Le mythe du « mâle alpha » et l’idéologie de la « Red Pill »

Sur TikTok, plus de 200 000 vidéos tournent autour du concept de « mâle alpha », un archétype d’homme dominateur, jaloux, possessif, censé incarner la virilité par excellence. Ces discours, parfois modérés, sont souvent violents et incitent à la haine envers les femmes. Certains groupes comme les incels (involontairement célibataires) développent une haine viscérale contre les femmes, qu’ils tiennent pour responsables de leur situation affective.

Le courant Red Pill, directement inspiré du film Matrix, prétend « réveiller » les hommes face à la soi-disant domination féminine. Il affirme que les femmes modernes ne cherchent qu’à profiter des hommes, se marient pour divorcer et toucher une pension. Le féminisme y est présenté comme une idéologie manipulatrice destinée à asservir les hommes.


Une exploitation des angoisses masculines

Ces discours séduisent en grande partie parce qu’ils capitalisent sur les angoisses d’une jeunesse masculine en perte de repères. Dans un monde de plus en plus égalitaire, certains jeunes hommes, éduqués dans un modèle patriarcal, vivent les avancées des femmes comme une menace pour leur statut.

Ils peinent à répondre aux injonctions traditionnelles : réussir financièrement, se marier, fonder une famille. Les influenceurs masculinistes exploitent ces frustrations pour vendre des formations payantes et engranger des revenus substantiels.

Une réalité biaisée : les violences conjugales minimisées

Les masculinistes affirment que les violences conjugales touchent les hommes autant que les femmes — une affirmation contredite par toutes les statistiques officielles.

Les femmes restent très majoritairement victimes de violences sexuelles, conjugales, de féminicides, et d’inégalités structurelles à travers le monde.

 


Le masculinisme au Maroc : un phénomène en mutation

Au Maroc, le masculinisme est moins structuré, mais il se développe rapidement à travers les réseaux sociaux. Des coachs et influenceurs marocains, souvent inspirés d’Andrew Tate, propagent des discours sur la « vraie masculinité », valorisant force, domination et rejet du féminisme.

Certains hommes marocains expriment leur ressentiment face aux réformes du Code de la famille, qu’ils considèrent comme défavorables aux pères, notamment dans le cadre des divorces. Si certaines revendications (comme la garde partagée ou les droits de visite) peuvent être légitimes, elles sont souvent utilisées comme levier pour critiquer l’émancipation féminine et prôner un retour aux rôles traditionnels.

Le paradoxe est criant : ces hommes revendiquent une masculinité traditionnelle, mais acceptent que leur épouse travaille et participe au budget familial — une contradiction avec les normes religieuses qu’ils prétendent défendre. Ils accusent le féminisme d’être une importation occidentale destructrice des valeurs islamiques et familiales.


Un malaise social et identitaire

Les revendications masculinistes traduisent un malaise profond : les transformations sociales, économiques et culturelles bousculent les repères masculins traditionnels. Les jeunes Marocains, souvent confrontés au chômage et à la précarité, peinent à répondre aux attentes sociales (mariage, logement, stabilité). Face à des femmes plus autonomes, ils ressentent parfois une perte de pouvoir et d’identité.

Pourtant, ils contribuent eux-mêmes à ce changement en scolarisant leurs filles, en les encourageant parfois à s’émanciper. Le statut des femmes concerne également leurs sœurs, leurs filles, et non uniquement leurs épouses. Le combat pour l’égalité ne devrait pas être perçu comme une guerre contre les hommes, mais comme une réinvention collective des rôles sociaux.


Vers une masculinité renouvelée

Le masculinisme n’est pas une réponse viable aux mutations de notre époque. Au lieu de glorifier une virilité violente, il est possible de construire une masculinité moderne, forte sans être oppressive, sensible sans être stigmatisée. Il est également nécessaire d’ouvrir des débats sur les formes de toxicité féminine lorsqu’elles existent, sans pour autant tomber dans les pièges du sexisme inversé.

L’objectif ne doit pas être une guerre des sexes, mais une cohabitation harmonieuse, fondée sur l’égalité, le respect mutuel et la reconnaissance des singularités de chacun. Les hommes et les femmes doivent apprendre à évoluer ensemble dans une société qui change, en abandonnant les anciens rapports de force pour construire une culture de coopération.


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Salma Labtar
Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC. Dompteuse de mots, je jongle avec... En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 30 Mai 2025