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Mobiliser l’épargne nationale pour financer les grands projets de demain


Rédigé par La rédaction le Jeudi 13 Novembre 2025

Le Maroc s'apprête à franchir un cap décisif dans ses ambitions de développement, mais pour que ses projets de grande envergure, qu'ils soient énergétiques, industriels ou infrastructurels, voient réellement le jour, un bouleversement des méthodes de financement s’impose. Comment financer ces chantiers sans se reposer uniquement sur la dette publique ou l’aide internationale ? La réponse semble se trouver dans la mobilisation de l'épargne nationale, mais encore faut-il savoir comment y parvenir.



Comment financer les chantiers au Maroc sans se reposer uniquement sur la dette publique ou l’aide internationale ?

Mobiliser l’épargne nationale pour financer les grands projets de demain
Le 13 novembre 2025, à Rabat, l'Association des Sociétés de Gestion et Fonds d’Investissement Marocains (ASFIM) a organisé un événement crucial sous le thème « Cap 2030 : Mobiliser l’épargne nationale pour financer les grands projets de demain ». Ce rassemblement a vu la participation de figures majeures du secteur, telles que Tarik Senhaji, président de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC), Dounia Taarji présidente du Fonds Hassan II et Khalid Safir, directeur général de la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG), qui ont tous insisté sur l'importance d’adopter des stratégies novatrices pour canaliser l'épargne vers des projets structurants.

Le président de l’ASFIM, Mostafa Hassani, a souligné que l’avenir du financement marocain passe nécessairement par une gestion efficace de l’épargne nationale. Il a mentionné l’excellente dynamique de croissance enregistrée ces dernières années, avec un accroissement de 230 milliards de dirhams dans les encours d'investissement. Toutefois, une question demeure : comment faire en sorte que cette épargne, souvent perçue comme un capital "intouchable", soit utilisée pour financer les projets du futur ?

Khalid Safir, DG de la CDG, a rappelé un principe fondamental : l’épargne est une ressource de souveraineté. Elle permet au Maroc de financer son développement sans se soumettre aux fluctuations des marchés financiers mondiaux ni aux caprices des investisseurs étrangers. L’épargne locale est le pilier qui garantit la continuité des investissements, qu'il s'agisse d’infrastructures ou de transitions économiques nécessaires pour le Royaume.

Ce message n'est pas anodin : l’épargne doit être perçue comme un moteur de transformation. Le développement des infrastructures et des projets à long terme nécessite des financements stables et pérennes. Or, au Maroc, l’orientation de cette épargne vers des investissements durables reste insuffisante, notamment du côté des particuliers.

Une des grandes conclusions de la conférence de l'ASFIM a été la nécessité de réinventer le financement. Loin des canaux traditionnels, la mobilisation de l’épargne des particuliers, souvent absente de ces grands projets, est devenue indispensable. Pour cela, il est essentiel de proposer des produits financiers adaptés, compréhensibles et sécurisés, notamment en matière de gestion d’actifs. Dounia Taarji présidente du Fonds Hassan II, a pointé du doigt la faible implication des particuliers dans ces investissements. À peine 25 000 à 30 000 personnes sont aujourd'hui engagées dans des produits financiers à long terme. Une situation qu’elle qualifie de "honteuse". Il est crucial de structurer des projets à même de capter des centaines de milliers de Marocains.

Cette mobilisation passe par une offre plus large et accessible. Il faut concevoir des instruments financiers qui répondent aux attentes des épargnants marocains, qu’ils soient jeunes ou âgés, ruraux ou urbains. En ce sens, la digitalisation de l’offre financière représente un levier puissant pour attirer les investisseurs locaux.

Mais l'innovation ne doit pas se limiter aux produits financiers. L’État doit également jouer un rôle central en réformant les mécanismes fiscaux et juridiques pour encourager l’épargne privée à participer aux grands projets du Maroc. Dounia Taarji plaide pour une réglementation plus inclusive qui puisse intégrer des instruments de garantie et de rehaussement de crédit pour réduire les risques perçus par les investisseurs. Ces mécanismes permettraient de sécuriser les placements tout en élargissant la base des émetteurs d'actifs financiers.

À cela s'ajoute la nécessité d’adopter des mesures fiscales incitatives, telles que des exonérations fiscales ou des réductions pour les particuliers qui investissent dans des projets nationaux. Ces ajustements réglementaires sont d’autant plus urgents que les financements en devises restent encore peu utilisés, bien qu’ils puissent permettre de diversifier les sources de financement et de limiter les risques de change pour les investisseurs.

La coopération entre les acteurs publics et privés est la clé du succès pour la mise en œuvre de ces solutions. Un travail collectif est indispensable, impliquant à la fois les autorités publiques, les régulateurs, les institutions financières, ainsi que les entreprises privées. Une telle démarche garantirait la cohérence des efforts déployés pour soutenir des projets à forte valeur ajoutée pour le Maroc.

Dans le cadre de cette collaboration, les rôles de l'AMMC, de la CDG et des sociétés de gestion d’actifs sont cruciaux. Elles ont un rôle primordial dans la structuration des produits financiers adaptés à la mobilisation de l’épargne nationale, tout en restant transparentes et sécurisées pour l’investisseur.

Le financement des grands projets du Maroc ne peut plus reposer sur des modèles traditionnels qui reposent sur la dette ou les subventions étrangères. L'épargne nationale, correctement mobilisée et dirigée vers des projets structurants, est le seul moyen de garantir l’indépendance économique du Royaume à long terme. Cela passe par une vision claire, une réglementation adaptée, mais aussi une implication plus forte des citoyens dans les projets nationaux. En cela, l'avenir du Maroc repose sur une refonte des modèles financiers, une intégration plus large de l’épargne citoyenne et un accompagnement de l’État pour rendre ces investissements à la fois attractifs et sécurisés.

Les prochaines années s’annoncent décisives pour le Maroc, et chaque acteur du financement, public ou privé, devra jouer son rôle pour que le rêve d’un Maroc modernisé et durable devienne réalité. L’ASFIM et ses partenaires en sont conscients, et les discussions récentes offrent des perspectives intéressantes pour passer de la parole aux actes.

Réinventer le financement, un défi pour l’avenir

Le défi est de taille : mobiliser l’épargne nationale pour financer les grands projets du Maroc ne se fera pas du jour au lendemain. Mais avec des solutions innovantes, des produits financiers accessibles et une forte implication de tous les acteurs, ce défi est loin d’être insurmontable. C’est un enjeu de souveraineté et de prospérité pour le Maroc de demain. L'heure est venue de réinventer les modèles de financement et d'impliquer une large part de la population dans cette ambitieuse entreprise collective.




Jeudi 13 Novembre 2025