Héritage colonial et premières expérimentations (1956-1963)
À l’aube de l’indépendance, le Maroc doit inventer sa propre architecture électorale. Les premières élections locales de 1960 et législatives de 1963 se déroulent sous un système uninominal majoritaire à deux tours, hérité en grande partie du modèle français. L’objectif affiché : donner naissance à une Chambre représentative et amorcer le pluralisme politique.
Le système uninominal majoritaire à deux tours ?
Le système uninominal majoritaire à deux tours est une façon d’élire des députés où chaque circonscription élit un seul représentant (c’est le sens de “uninominal”).
Premier tour : tous les candidats se présentent. Pour être élu directement, un candidat doit obtenir la majorité absolue des voix (plus de 50%).
Deuxième tour : si personne n’atteint cette majorité, seuls les candidats arrivés en tête (souvent les deux premiers) se représentent, et cette fois c’est la majorité simple (celui qui a le plus de voix) qui suffit pour gagner.
En résumé : c’est un système qui privilégie les grands partis ou les personnalités fortes, puisqu’il faut rassembler beaucoup de voix pour passer le premier tour ou gagner le second.
Premier tour : tous les candidats se présentent. Pour être élu directement, un candidat doit obtenir la majorité absolue des voix (plus de 50%).
Deuxième tour : si personne n’atteint cette majorité, seuls les candidats arrivés en tête (souvent les deux premiers) se représentent, et cette fois c’est la majorité simple (celui qui a le plus de voix) qui suffit pour gagner.
En résumé : c’est un système qui privilégie les grands partis ou les personnalités fortes, puisqu’il faut rassembler beaucoup de voix pour passer le premier tour ou gagner le second.
Le virage de 1970 : la logique de la maîtrise
Après la suspension du Parlement et la mise en place de l’état d’exception en 1965, la Constitution de 1970 réintroduit un scrutin uninominal majoritaire à un tour.
Ce mécanisme simplifié, souvent critiqué, facilite l’émergence de députés indépendants soutenus par l’administration et limite le poids des grands partis d’opposition comme l’Istiqlal ou l’UNFP (ancêtre de l’USFP). L’idée est claire : garder le pluralisme sous contrôle, éviter les hégémonies partisanes.
Ce mécanisme simplifié, souvent critiqué, facilite l’émergence de députés indépendants soutenus par l’administration et limite le poids des grands partis d’opposition comme l’Istiqlal ou l’UNFP (ancêtre de l’USFP). L’idée est claire : garder le pluralisme sous contrôle, éviter les hégémonies partisanes.
Le scrutin uninominal majoritaire à un tour ?
Le scrutin uninominal majoritaire à un tour est une méthode très simple :
Chaque circonscription élit un seul député (c’est le sens de “uninominal”).
Les électeurs votent pour un candidat.
À la fin du dépouillement, celui qui a obtenu le plus de voix est élu, même s’il n’a pas dépassé 50%. Autrement dit, il n’y a qu’un seul tour et une seule règle : arriver en tête suffit, même avec une majorité relative (par exemple 35% des voix contre 30% et 25% pour ses concurrents).
Ce système est rapide et clair, mais il favorise souvent les candidats forts ou les partis dominants et peut laisser de côté des minorités pourtant nombreuses.
Chaque circonscription élit un seul député (c’est le sens de “uninominal”).
Les électeurs votent pour un candidat.
À la fin du dépouillement, celui qui a obtenu le plus de voix est élu, même s’il n’a pas dépassé 50%. Autrement dit, il n’y a qu’un seul tour et une seule règle : arriver en tête suffit, même avec une majorité relative (par exemple 35% des voix contre 30% et 25% pour ses concurrents).
Ce système est rapide et clair, mais il favorise souvent les candidats forts ou les partis dominants et peut laisser de côté des minorités pourtant nombreuses.
Les années 1980 : retour au pluralisme encadré
Les révisions constitutionnelles et la pression sociale conduisent à de nouveaux ajustements. Les élections de 1984 restent marquées par le scrutin uninominal à un tour, mais une partie des sièges commence à être réservée à la représentation corporatiste (syndicats, chambres professionnelles). Cela fragmente davantage le champ politique et rend difficile la constitution d’une opposition solide.
Le scrutin uninominal à un tour ,
Le scrutin uninominal à un tour est une manière d’élire un député dans une circonscription :
Chaque circonscription choisit un seul représentant (c’est le sens de “uninominal”).
Les électeurs votent pour un candidat.
À la fin, le candidat qui a obtenu le plus de voix l’emporte, même si ce n’est pas la majorité absolue (50% + 1).
Exemple simple : si un candidat A obtient 40% des voix, un candidat B 35% et un candidat C 25%, c’est A qui est élu, même si 60% des électeurs ont voté contre lui.
C’est donc un système qui favorise la simplicité et la rapidité, mais qui peut réduire la représentativité des minorités.
Chaque circonscription choisit un seul représentant (c’est le sens de “uninominal”).
Les électeurs votent pour un candidat.
À la fin, le candidat qui a obtenu le plus de voix l’emporte, même si ce n’est pas la majorité absolue (50% + 1).
Exemple simple : si un candidat A obtient 40% des voix, un candidat B 35% et un candidat C 25%, c’est A qui est élu, même si 60% des électeurs ont voté contre lui.
C’est donc un système qui favorise la simplicité et la rapidité, mais qui peut réduire la représentativité des minorités.
1993 : introduction de la proportionnelle
Sous la pression des partis et dans un contexte d’ouverture politique progressive, les législatives de 1993 introduisent pour la première fois le scrutin proportionnel de liste, mais seulement pour une partie des sièges. L’idée : corriger les biais du système uninominal et offrir une meilleure représentation aux forces politiques.
Le scrutin proportionnel de liste ?
Le scrutin proportionnel de liste est un mode de vote où l’on élit plusieurs députés dans une même circonscription, pas un seul.
Chaque parti ou coalition présente une liste de candidats.
Les électeurs ne choisissent pas une personne, mais une liste entière.
Les sièges sont ensuite répartis proportionnellement au nombre de voix obtenues par chaque liste.
Exemple simple :
10 sièges sont à pourvoir dans une circonscription.
La liste A obtient 50% des voix → elle gagne 5 sièges.
La liste B obtient 30% → 3 sièges.
La liste C obtient 20% → 2 sièges.
Ce système permet une représentation plus fidèle de la diversité politique et sociale, mais il rend souvent plus difficile l’apparition de grandes majorités stables, car plusieurs partis doivent s’allier pour gouverner.
Chaque parti ou coalition présente une liste de candidats.
Les électeurs ne choisissent pas une personne, mais une liste entière.
Les sièges sont ensuite répartis proportionnellement au nombre de voix obtenues par chaque liste.
Exemple simple :
10 sièges sont à pourvoir dans une circonscription.
La liste A obtient 50% des voix → elle gagne 5 sièges.
La liste B obtient 30% → 3 sièges.
La liste C obtient 20% → 2 sièges.
Ce système permet une représentation plus fidèle de la diversité politique et sociale, mais il rend souvent plus difficile l’apparition de grandes majorités stables, car plusieurs partis doivent s’allier pour gouverner.
2002 : le passage au scrutin de liste proportionnelle
Le véritable tournant se produit avec les législatives de 2002. Le Maroc adopte officiellement le scrutin proportionnel de liste, à la plus forte moyenne, dans des circonscriptions plurinominales. Ce mode de scrutin vise à mieux refléter la diversité partisane. Il s’accompagne de l’instauration d’une liste nationale réservée aux femmes (30 sièges au départ), une avancée notable vers la parité.
Le Scrutin proportionnel de liste ?
On élit plusieurs députés dans une même circonscription. Chaque parti présente une liste de candidats, et les sièges sont répartis en fonction du pourcentage de voix.
Circonscriptions plurinominales : Cela veut dire qu’au lieu d’élire un seul député par circonscription (uninominal), on en élit plusieurs (par exemple 4, 6 ou 8 selon la taille de la circonscription).
Répartition à la plus forte moyenne
C’est la méthode mathématique utilisée pour attribuer les sièges. Elle se déroule en étapes :
On divise le nombre de voix de chaque liste par 1, 2, 3, 4… (autant de fois qu’il y a de sièges à attribuer).
On classe ensuite toutes ces divisions (les “moyennes”) du plus grand au plus petit.
Les sièges sont distribués en suivant cet ordre jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus.
Exemple concret :
Imaginons une circonscription qui doit élire 4 députés.
Liste A : 10.000 voix
Liste B : 6.000 voix
Liste C : 4.000 voix
On calcule les moyennes :
A ÷1 = 10.000
B ÷1 = 6.000
C ÷1 = 4.000
A ÷2 = 5.000
B ÷2 = 3.000
C ÷2 = 2.000
A ÷3 = 3.333
B ÷3 = 2.000
C ÷3 = 1.333
On prend les 4 plus grandes valeurs :
10.000 (A), 6.000 (B), 5.000 (A), 4.000 (C).
→ Résultat : A = 2 sièges, B = 1 siège, C = 1 siège.
Circonscriptions plurinominales : Cela veut dire qu’au lieu d’élire un seul député par circonscription (uninominal), on en élit plusieurs (par exemple 4, 6 ou 8 selon la taille de la circonscription).
Répartition à la plus forte moyenne
C’est la méthode mathématique utilisée pour attribuer les sièges. Elle se déroule en étapes :
On divise le nombre de voix de chaque liste par 1, 2, 3, 4… (autant de fois qu’il y a de sièges à attribuer).
On classe ensuite toutes ces divisions (les “moyennes”) du plus grand au plus petit.
Les sièges sont distribués en suivant cet ordre jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus.
Exemple concret :
Imaginons une circonscription qui doit élire 4 députés.
Liste A : 10.000 voix
Liste B : 6.000 voix
Liste C : 4.000 voix
On calcule les moyennes :
A ÷1 = 10.000
B ÷1 = 6.000
C ÷1 = 4.000
A ÷2 = 5.000
B ÷2 = 3.000
C ÷2 = 2.000
A ÷3 = 3.333
B ÷3 = 2.000
C ÷3 = 1.333
On prend les 4 plus grandes valeurs :
10.000 (A), 6.000 (B), 5.000 (A), 4.000 (C).
→ Résultat : A = 2 sièges, B = 1 siège, C = 1 siège.
2011 : le Printemps arabe et la réforme constitutionnelle
La nouvelle Constitution de 2011 et la réforme électorale qui l’accompagne renforcent la logique proportionnelle. La liste nationale est élargie pour inclure les jeunes et les femmes (90 sièges), ce qui modifie partiellement la sociologie de la Chambre des représentants.
Mais la fragmentation politique reste forte, donnant naissance à des coalitions instables. La proportionnelle, si elle reflète mieux la diversité, empêche l’émergence de majorités claires.
Mais la fragmentation politique reste forte, donnant naissance à des coalitions instables. La proportionnelle, si elle reflète mieux la diversité, empêche l’émergence de majorités claires.
2021 : La proportionnelle avec un "quotient électoral" spécifiquement Marocain
Dernière grande réforme en date : Tout en gardant un scrutin proportionnel de liste mais avec l’introduction du quotient électoral basé sur l’ensemble des inscrits (et non plus uniquement sur les suffrages exprimés). Cette innovation mathématique réduit mécaniquement les sièges des grands partis et favorise une répartition plus diffuse du pouvoir entre formations. Pour beaucoup d’analystes, cette réforme vise à empêcher l’hégémonie d’un parti et à renforcer l’idée d’un gouvernement de coalition permanente.
Le scrutin proportionnel de liste avec quotient électoral calculé sur l’ensemble des inscrits dans la circonscription, et non plus seulement sur ceux qui ont voté.
Voilà un point très spécifique au Maroc depuis la réforme de 2021, et il mérite d’être décortiqué clairement.
1. Le principe classique de la proportionnelle
En règle générale, dans le scrutin proportionnel de liste, on calcule le quotient électoral en divisant : Nombre total de voix exprimées ÷ Nombre de sièges à pourvoir.
C’est ce quotient qui sert à déterminer combien de sièges revient à chaque liste (avant les ajustements par la méthode de la plus forte moyenne).
2. La réforme marocaine de 2021
Au Maroc, on a changé la règle : désormais, le quotient électoral est calculé sur l’ensemble des inscrits dans la circonscription, et non plus seulement sur ceux qui ont voté.
Cela veut dire que même les électeurs qui se sont abstenus sont pris en compte dans le calcul.
3. Conséquence pratique
Le quotient devient plus élevé, car le dénominateur est plus grand.
Les grands partis, qui comptaient obtenir plusieurs sièges en capitalisant sur une forte mobilisation de leurs électeurs, voient leurs chances réduites.
Les petits partis, eux, peuvent plus facilement décrocher un siège, car le seuil nécessaire pour obtenir un élu est abaissé.
Exemple chiffré :
Circonscription avec 100.000 inscrits, 4 sièges à pourvoir.
Taux de participation : 40.000 votants (40%).
Voix exprimées : 36.000 (après bulletins nuls).
Avant la réforme :
Quotient électoral = 36.000 ÷ 4 = 9.000 voix nécessaires pour un siège.
Après la réforme (2021) :
Quotient électoral = 100.000 ÷ 4 = 25.000 voix nécessaires pour un siège.
Résultat : Même si la liste A a fait 20.000 voix (plus de 50% des suffrages exprimés !), elle n’atteint pas le quotient de 25.000, donc elle n’aura qu’un seul siège.
Les autres sièges sont distribués aux autres listes par la méthode de la plus forte moyenne.
Ce système a eu pour effet de :
Éliminer l’hégémonie d’un parti
Encourager une représentation plus éclatée, forçant des coalitions plus larges.
Mais aussi de réduire le poids du vote effectif : l’abstention influence désormais directement le calcul des sièges.
Le Maroc est l’un des rares pays au monde où l’on calcule le quotient électoral sur l’ensemble des inscrits, ce qui fragilise les grands partis et donne un parlement plus fragmenté.
1. Le principe classique de la proportionnelle
En règle générale, dans le scrutin proportionnel de liste, on calcule le quotient électoral en divisant : Nombre total de voix exprimées ÷ Nombre de sièges à pourvoir.
C’est ce quotient qui sert à déterminer combien de sièges revient à chaque liste (avant les ajustements par la méthode de la plus forte moyenne).
2. La réforme marocaine de 2021
Au Maroc, on a changé la règle : désormais, le quotient électoral est calculé sur l’ensemble des inscrits dans la circonscription, et non plus seulement sur ceux qui ont voté.
Cela veut dire que même les électeurs qui se sont abstenus sont pris en compte dans le calcul.
3. Conséquence pratique
Le quotient devient plus élevé, car le dénominateur est plus grand.
Les grands partis, qui comptaient obtenir plusieurs sièges en capitalisant sur une forte mobilisation de leurs électeurs, voient leurs chances réduites.
Les petits partis, eux, peuvent plus facilement décrocher un siège, car le seuil nécessaire pour obtenir un élu est abaissé.
Exemple chiffré :
Circonscription avec 100.000 inscrits, 4 sièges à pourvoir.
Taux de participation : 40.000 votants (40%).
Voix exprimées : 36.000 (après bulletins nuls).
Avant la réforme :
Quotient électoral = 36.000 ÷ 4 = 9.000 voix nécessaires pour un siège.
Après la réforme (2021) :
Quotient électoral = 100.000 ÷ 4 = 25.000 voix nécessaires pour un siège.
Résultat : Même si la liste A a fait 20.000 voix (plus de 50% des suffrages exprimés !), elle n’atteint pas le quotient de 25.000, donc elle n’aura qu’un seul siège.
Les autres sièges sont distribués aux autres listes par la méthode de la plus forte moyenne.
Ce système a eu pour effet de :
Éliminer l’hégémonie d’un parti
Encourager une représentation plus éclatée, forçant des coalitions plus larges.
Mais aussi de réduire le poids du vote effectif : l’abstention influence désormais directement le calcul des sièges.
Le Maroc est l’un des rares pays au monde où l’on calcule le quotient électoral sur l’ensemble des inscrits, ce qui fragilise les grands partis et donne un parlement plus fragmenté.
Pour les élections 2026 : Le suspense demeure entier
Pour les élections de 2026, le Maroc se retrouve encore une fois à un carrefour décisif. Sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi, l’exécutif et les formations politiques sont sommés de dépasser les calculs partisans pour accoucher d’un code électoral à la hauteur des attentes.
Participation citoyenne, transparence, financement des campagnes, mais aussi représentation des jeunes, des femmes et des Marocains du monde : autant de chantiers ouverts qui conditionneront la crédibilité du prochain scrutin.
Reste à savoir quelle formule sera retenue, et surtout si elle permettra enfin de réconcilier les Marocains avec les urnes. Le suspense demeure entier.
Participation citoyenne, transparence, financement des campagnes, mais aussi représentation des jeunes, des femmes et des Marocains du monde : autant de chantiers ouverts qui conditionneront la crédibilité du prochain scrutin.
Reste à savoir quelle formule sera retenue, et surtout si elle permettra enfin de réconcilier les Marocains avec les urnes. Le suspense demeure entier.