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NOTRE ÉCONOMIE À VOL D'OISEAU


le Vendredi 11 Décembre 2020



NOTRE ÉCONOMIE À VOL D'OISEAU

 Un peu de bon sens

 

Un peu de hauteur et de bon sens  pour une prise large et    contrastée. D’abord nous ne pouvons qu’augurer bon de  ce pas que nous engageons  dans le déploiement de mesures   économiques  protectionnistes.  Mais à quel prix ? Car à en juger par l’allure, nous craignons que  ce pas ne soit  pressé,  voire démesuré.

La loi des finances nous en donne la preuve chiffrée. La barre douanière pour certaines commodités fut rehaussée du  double et plus.  Pour les fanatiques des exemples, nous pouvons vous servir  du cacao, du caoutchouc, du textile, et la liste se fait peut-être encore plus grande que nos ambitions.

Mais ce n’est pas en ayant la tête au four, les pieds au frigidaire que nous pourrions équilibrer notre température, par analogie, notre balance commerciale. Car sûrement sommes-nous allés tout aussi vite en besogne eu égard de  nos accords passés en matière du libre-échange. 

Sur les 56 accords, seulement un, nous fut bénéfique. Nous avons l’impression de balloter entre deux extrêmes. Une porte quasi-défoncée, affreusement ouverte, qui laisse libre cours au flux des marchandises étrangères  qui envahissent, puis détruisent notre économie intérieure, pour ne citer que l’accord avec la Turquie qui nous en donne l’ultime preuve.

Notre secteur du textile, ainsi que celui de la sidérurgie ont pris un sal coup. Rappelons que quatre de nos grandes entreprises sidérurgiques ont été contraintes de mettre clé sous le tapis à cause de cette concurrence sauvage. Des entreprises qui furent à même d’exporter vers nos pays d’Afrique, mais qui se trouvèrent sapées par une concurrence en déroute. Et ce n’est qu’après dix ans que nous avons pris notre courage à deux mains pour sévir contre l’hégémonie turque en revoyant le tarif de quelques mille deux cents produits.

 

 

La trame est la même

 

 Essoufflés après une concurrence des plus acharnées, nous versons de tout notre dépit dans  une option farouche et contraire, aux allures protectionnistes agressives.   Il faut dire que les extrêmes ne résolvent rien à l’affaire, et que le protectionnisme forcé tout autant que la libéralité non contrôlée sont un mal qui fait vite de détruire notre tissu économique.

Car le problème est le même, il est d’abord question de la santé de nos infrastructures, de notre marché interne. Ne pourrions-nous pas d’abord penser à muscler notre structure avant que de prendre de ces mesures sûrement populistes mais nocives. Nous avons cité les effets néfastes de la libéralité sauvageonne, et dont les barrières douanières ne furent pas ajustées, ou réajustées sur  toute une décennie, mais quid du protectionnisme ?

Car ne nous racontons pas d’histoire, cette hausse sera en définitive répercutée sur les deniers du modeste  consommateur. Et si ce consommateur, eu égard du prix élevé, veut consommer local ? Avons-nous préparé nos entreprises pour mettre sur le marché un produit de substitution ?  Ou sommes-nous des professionnels quand il s’agit de faire les choses à l’envers ? 

 

 

Secteur privé, es-tu là ?

 

Ou peut-être que le gouvernement avait misé un peu trop sur l’ambition  du secteur privé qui malheureusement n’a pas su tirer profit de cette porte ouverte à l’internationale. Un secteur qui semble dormir sur ses lauriers, qui ne voit pas plus loin que  le bout de sa frontière. Prenons un exemple pour mieux expliciter notre grief. Les gros chiffres sont là pour nous faire peur, mais restons sobres:  90 % de nos produits agro-alimentaires sont exportés à l’état frais.

N’y eu-t-il pas par hasard quelque entreprise ambitieuse pour penser à l’industrialisation, la transformation de ces produits. Où est notre valeur ajoutée ?  Et notre position géographique, nous ne semblons pas en profiter non plus. Ne pouvions-nous penser à importer de nos amis africains quelques matériaux, à l’exemple du coton, et il en est d’autres, afin de le transformer puis de l’exporter ?

 

 

Face aux limites

 

 Mais gardons l’équilibre pour ne pas tout mettre sur le dos de nos entrepreneurs. Ceux-ci peuvent bien nous opposer le manque de soutien duquel ils souffrent de la part de l’État. Un fromager marocain, contacté par nos soins, vient appuyer cette vision. Celui-ci se trouve contraint d’importer de la Caséine, ou du lait séché pour les profanes, une protéine pour les non moins scientifiques, nécessaire à la production de la Mozzarelle. 

Celui-ci nous dit qu’il aurait bien aimé  bénéficier de l’aide de l’État afin que de produire local. Que les programmes de soutien destinés à aider les entrepreneurs ne débloquent pas tout l’argent nécessaire afin que de pouvoir mettre sur pied un projet tout aussi ambitieux. «  Les machines qui permettent l’extraction de la caséine sont coûteuses » nous dit-il. 

Mais pas que, car il faut ajouter à cela les terres et le bétail nécessaire pour ce faire, d’autant  plus que la quantité de lait que nous produisons au niveau local à peine suffirait-elle, et encore, à boucler la demande. D’autres secteurs se trouvent également touchés par ce blocage qui  empêche  la mise sur pied d’une structure interne permettant d’instaurer un protectionnisme juste, ou de pouvoir lutter à armes égales contre ce flux de marchandises venant de l’extérieur. 

Un interlocuteur, préférant garder l’anonymat, nous apprend que l’État est sûrement munie de bonnes volontés, peut même allouer les fonds nécessaires pour  venir en aide aux entrepreneurs sauf que de mauvaises pratiques peuvent mettre à mal cette machine partie de bonne foi. Celui-ci évoque les fameuses zones industrielles, sensées êtres mises à la disposition de nos entrepreneurs marocains, à des prix symboliques mais qui finissent par être l’objet de spéculation, par  tomber dans les mains de personnes véreuses.

 

Ça semble si simple

 

 Ces choses-là nous interpellent, nous invite à reconsidérer d’abord notre gouvernance avant notre économie. Que ce soit protectionnisme ou libre-échange, notre gouvernement se devrait pencher sur le secteur privé, l’encourager à aller de l’avant.  Un secteur qui n’emploie pas plus que 10 % de la population active. Ce qui est infime.  Peut-être devrait-il bénéficier de plus d’avantages fiscaux, de plus de subventions, et que de son côté il puisse tabler sur la formation, sur ce qui se fait de mieux en matière de recherche et développement, sur plus d’ouverture sur le monde, enfin sur plus d’ambition afin que d’être à la fois capable de tenir tête aux produits venant d’outre-mer et de permette au consommateur marocain de trouver un substitut avec un bon rapport qualité/prix.

 

Hicham Aboumerrouane





Vendredi 11 Décembre 2020