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Nizar Baraka voit la vie en rose…




Par Aziz Boucetta

Nizar Baraka voit la vie en rose…

Le secrétaire général du parti de l’Istiqlal réussit la prouesse d’être, au mitan de la cinquantaine, un homme du passé, du présent et de l’avenir. Ministre et président du CESE hier, aujourd’hui patron de l’Istiqlal et demain, qui sait, à la tête du gouvernement… Depuis 2017, année de son élection au secrétariat général, il a discrètement entamé sa course vers les législatives, l’âme en paix mais l’arme au poing.
 

Le parti de l’Istiqlal est une longue saga nationale, et aussi familiale. Il est, après due vérification, l’un des plus vieux partis au monde, chargé de mémoire et même de gloire. Le problème est qu’avec le temps, l’Istiqlal s’est peu à peu défait de sa grande Histoire pour verser dans les petites histoires, souvent sordides, très souvent en contradiction avec les valeurs qui l’ont vu naître et fait croître.
 

Malgré tout ce qui se dit, l’Istiqlal reste un parti à fort ancrage fassi, comme l’attestent les noms de ses personnages les plus connus et de ses secrétaires généraux, de jadis et de maintenant… le Marrakchi Mhammed Boucetta et son ancienne garde rapprochée et concitoyenne formée de  Mhammed el Khalifa et de Mohamed Louafa furent l’exception qui confirmait, hier et aujourd’hui, la règle.
 

Et dans une particularité dont ce parti a le secret, les successions se font, moyennant intermèdes plus ou moins longs, de gendre en gendre… ainsi, après le long leadership de Mhammed Boucetta, le successeur d’Allal el Fassi, c’est Abbas el Fassi, le gendre de ce dernier qui prend la tête du parti en 1998. S’en suit une courte parenthèse Hamid Chabat, à l’issue de laquelle le gendre de Ssi Abbas reprend le flambeau familial : il s’appelle Nizar Baraka.
 

Dans l’intervalle, et avec les décennies, la valeur personnelle des dirigeants du parti, en l’occurrence les membres du fameux Comex (Comité exécutif pour les initiés), a rétréci comme peau de chagrin. Dans les années 70 et 80, on trouvait dans ce cénacle prestigieux des noms tout aussi prestigieux :  Boucetta, Douiri, Khalifa, Messari, Louafa, Ghellab, Aouad, Kadiri, Bennani Smirès et bien d’autres. Aujourd’hui, par charité musulmane, nous ne citerons pas de noms : les grands hommes, les grandes dames, appartiennent à l’Histoire.
 

Nizar Baraka est, chuchote-t-on à Rabat et parfois même ailleurs, promis à un brillant avenir … Mais il est desservi par la qualité de nombre de ses pairs, certains étant plutôt féodaux en leurs terres, d’autres des parvenus au sommet, à leur propre étonnement, et il y en a même qui sont condamnés pour corruption… A la vue de ces noms, les pères fondateurs que furent Ahmed Balafrej et Allal el Fassi se retourneraient violemment dans leurs tombes.
 

Dans le carré de tête des partis marocains, l’Istiqlal voit ses chances de remporter l’élection s’affirmer de jour en jour. Le soleil brille au-dessus de sa tête et les autres, comme des tournesols, suivent. Le parti pourra même triompher avec gloire bien qu’il puisse vaincre sans péril. En effet, le PJD est usé et requiert une pause gouvernementale bien méritée, le PAM se cherche encore et encore sans jamais se trouver, et le RNI, dirigé à la manière d’une entreprise, est vraiment le seul à croire en ses chances.
 

Mais que ferait l’Istiqlal s’il conquiert la pole position en cette soirée bénie du 8 septembre ? Il a le choix entre investir l’Histoire par la grande porte, en élargissant ses choix gouvernementaux, en puisant dans la société civile, en cherchant les talents là où ils prospèrent… ou s’enfoncer dans les oubliettes de la politique en faisant du favoritisme sa loi et du clanisme une politique de mauvais aloi. On dit Nizar Baraka trop lisse pour affronter ses commensaux du Comex ; certes… mais avec le temps, des aspérités sont apparues dans cette carapace tout en rondeurs. L’homme a appris à mordre et à faire mordre la poussière. Le reste est une question de chance, de présence et d’assistance…
 

Dans l’intervalle, et dans l’attente aussi d’accéder peut-être à la chefferie du gouvernement, Nizar Baraka peut piaffer d’impatience en fredonnant « la vie en rose » de Piaf : « Un grand bonheur qui prend sa place… Des ennuis, des chagrins s'effacent… Heureux, heureux à en mourir ».

Il faut juste que les gros bras faussement amis et aux accents méridionaux relâchent leur étreinte.


Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com



Mardi 15 Juin 2021