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Nominations royales, entre soufre et souffrance




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Nominations royales, entre soufre et souffrance

C’est au profil de la personne nommée qu’on peut mesurer l’orientation que prendra une institution. Et c’est à la nature des fonctions changées qu’on pourrait voir se profiler quelque changement. Le roi Mohammed VI a nommé hier les présidents de la Cour des comptes et du Conseil de la concurrence, et aussi les deux plus hauts magistrats du pays. Des changements à la tête d’institutions en souffrance, voire déshérence.
 

1/ La Cour des comptes. On se souvient encore de cette phrase-testament du président sortant et non déméritant Driss Jettou, en été, au parlement : « Notre institution produit jusqu’à 50 rapports par an, mais personne ne les lit ». C’est bien regrettable car la Cour est le lieu par excellence de la bonne gouvernance et de la reddition des comptes.
 

L’arrivée de Mme Zineb el Adaoui, communément appelée « dame de fer », mettra du punch à la Cour, et elle devrait donc user de sa main de fer contre les nombreux, très nombreux, trop nombreux indélicats qui fleurissent dans nos administrations, nos partis, nos communes, un peu partout. Les preuves sont là, éclatantes, de corruption, concussion, malversation et indélicatesses en cascade.
 

M. Jettou est un haut commis de l’Etat, se contentant de dresser l’état des choses. Gageons que Mme Adaoui, juge de profession, saura juger ou faire juger ces mêmes choses. Il serait dommage qu’elle perde à la Cour une réputation bâtie à la force du poignet, car le Maroc a besoin de poigne.
 

2/ La justice. Le roi a nommé MM. Mohamed Abdennabaoui à la tête de la Cour de Cassation, et M. Hassan Daki le remplace à la présidence du parquet. Les deux hommes sont connus et connaissent leur affaire, et les affaires.
 

3/ Le Conseil de la concurrence. Après de longs mois, la commission ad hoc mise en place par le chef de l’Etat fin juillet sur le secteur et les mystères des hydrocarbures a enfin rendu son rapport au roi, en retard certes, mais il n’est jamais trop tard pour (et si on veut) bien faire. On se souvient que durant l’été, une sourde cacophonie avait assourdi et abasourdi les observateurs, quand les membres du Conseil s’étaient étripés, allant jusqu’à demander l’arbitrage royal, au sujet de l’épineuse et très gênante question des hydrocarbures. Et bien le roi a arbitré, suite à ce rapport qui dénonce la confusion, l’irrégularité et le climat délétère qui règnent au sein du Conseil mode Guerraoui. Alors Ahmed Rahhou est ramené de Belgique pour une fonction qui sied mieux à ses qualités et ses immenses compétences.
 

Pour ceux qui penseraient que l’affaire des hydrocarbures est désormais sous cloche et que les pétroliers pourront enfin et tranquillement respirer le soufre, il semblerait qu’il n’en soit rien car le communiqué précise suavement et à toute fin utile que « la Commission ad-hoc n’avait pas pour mission d’examiner le fond de l’affaire contentieuse dont le Conseil de la Concurrence est saisi, ni, encore moins, de se substituer au Conseil dans son traitement ».
 

Cela signifie que les délibérations vont reprendre, que les amendes pèsent toujours sur les épaules des compagnies pétrolières dont l’entente sur les prix sont, selon le communiqué, « éventuelles », mais elles ne sont semble-t-il pas virtuelles car longtemps, les prix pratiqués par les différentes compagnies étaient anormalement proches, comme le suggère le rapport de la commission parlementaire de 2018.
 

En s’installant dans ses nouveaux bureaux, Ahmed Rahhou trouvera ce dossier au-dessus de la pile qui l’attend, et sur lequel il jouera sa crédibilité, et aussi celle de la bonne gouvernance et de l’éthique en affaires. Des milliards de dirhams sont en jeu, pour les caisses exsangues de l’Etat, et un air de moralisation de la vie publique soufflera aussi car tous les pétroliers ne sont pas que des pétroliers. Et l’instruction donnée à M. Rahhou de remettre les recommandations au chef du gouvernement procurera du relief  à cette affaire. Nous sommes à sept mois des élections…
 

Des nominations de choc, donc, dont le Maroc a grandement besoin en cette étrange période où tout menace. Les gens sont appauvris et on ne connaît pas encore l’ampleur de cette paupérisation, l’économie est en souffrance et bien naïf qui croira que le Maroc repartira comme si de rien n’était. Les Marocains ont besoin d’avoir confiance et pour cela, le Maroc requiert un bonne gouvernance.
 

Le roi en est, selon l’article 42 de la constitution, le garant.
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com



Mercredi 24 Mars 2021