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Non, Ssi Benkirane, un ancien chef de gouvernement ne devrait pas dire ça…


Après quelques mois de silence et de discrétion, voici revenu le temps des joutes verbales entre partis et de l’échange d’invectives entre chefs de partis. Et, sans surprise, l’un des protagonistes est l’ancien chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, revenu aux affaires à la tête du PJD pour en découdre avec ses ennemis intimes, même non avoués, du RNI, qui le lui rendent bien, par la voix de Rachid Talbi Alami, président de la Chambre des représentants.



Par Aziz Boucetta

Non, Ssi Benkirane, un ancien chef de gouvernement ne devrait pas dire ça…
S’il y a bien une chose de positive dans cette nouvelle configuration politique, du moins sur le plan partisan, c’est qu’elle clarifie les choses et distingue nettement les deux camps de la majorité et de l’opposition. D’un côté, aux manettes, les nouveaux « amis », RNI, PAM et Istiqlal, qui ne furent pas toujours proches et qui le sont aujourd’hui, temporairement, par la force des choses. De l’autre, l’opposition, désunie, silencieuse, un peu égarée dans le nouveau champ politique où elle essaie non pas d’exister, mais de ne pas s’effondrer.

Et au sein de cette opposition, c’est curieusement la formation numériquement la plus faible qui donne de la voix. Il faut dire qu’il s’agit du PJD, désormais (re)dirigé par Abdelilah Benkirane qui, depuis son retour à la tête du parti, effectue une remontée savamment dosée à travers ses sorties, ses saillies et ses coups de sang. Face à un Aziz Akhannouch plutôt terne et taiseux, l’ancien chef du gouvernement a un boulevard de communication devant lui. Et il ne se prive pas de l’emprunter. Sauf qu’il vient de se cabosser contre la personne, tout aussi mielleuse que lui, de Rachid Talbi Alami.

Les faits. M. Akhannouch intervient au parlement et, interrogé, voire un peu bousculé sur les prix des hydrocarbures, il croit bien faire en s’attaquant au PJDiste Abdallah Bouanou et en le renvoyant vers son chef, dans une allusion à la décompensation décidée par M. Benkirane en 2015, quand il était aux affaires. Ce dernier répond, à partir de son salon, et s’acharne contre son lointain successeur, visant bas et faisant mouche sur plusieurs points.

Quelques temps après, et Aziz Akhannouch ne pouvant, ou ne sachant, répondre, c’est à Rachid Talbi Alami qu’échoit la mission de la riposte. Et l’homme s’en acquitte, avec un certain succès et même un succès certain, citant Eleanor Roosevelt et s’inspirant des Lumières… jusqu’au moment où il dérape brusquement, s’attaquant à l’âge d’Abdelilah Benkirane, qu’il compare à un loup démonétisé, ringard, dépassé. C’était là l’argument de trop.

Il n’en fallut pas plus à M. Benkirane pour sortir de ses gonds et pour sortir son artillerie lourde aussi. Mais lourde, elle l’est vraiment dans les deux sens car l’ancien chef de gouvernement ressort les vieilles antiennes et n’hésite pas à narrer des entretiens confidentiels entre lui et M. Talbi Alami, excipant d’ennuis judiciaires qu’aurait eus l’actuel président de la Chambre des représentants, avant de le qualifier… de microbe, et même d’âne… d’âne !!! Est-ce cela que l’on veut pour notre politique, la voir dégringoler à ce niveau de caniveau ?  Est-ce un style de langage et un niveau de débat pour un ancien chef du gouvernement ?

M. Benkirane aurait pu se suffire de s’attaquer au RNI, ce « non-parti » comme il le qualifie, sans âme idéologie, sans parcours ni mémoire, et M. Talbi aurait eu toutes les difficultés à répondre en étant convaincant, comme il a essayé de le faire en martelant contre toute vraisemblance que ce RNI a une histoire et un passé, un positionnement et un engagement. M. Talbi aurait pu davantage insister sur le fait que le RNI, quoique l’on en dise, est un parti qui assure une relève, même si sa qualité politique reste hautement discutable, ainsi qu’on le constatera dans cinq ans…

Les joutes ont donc commencé entre les deux ténors des deux partis, mais la politique n’en sort pas grandie car quand l’insulte s’invite dans le débat politique, le prestige en sort et l’intérêt s’y perd. Le problème avec le PJD est qu’il est dirigé par un homme blessé, à la vanité cabossée et au narcissisme exacerbé, et le problème avec le RNI est qu’il a un chef par ailleurs chef de gouvernement, peu sûr de lui et inapte au débat.

Quant aux autres partis politiques, ils comptent pour pas grand-chose… Ceux de la majorité recensent sans déplaisir les coups encaissés par le RNI et ceux de l’opposition comptent le temps qui les sépare d’une quelconque embellie de leur sort. Pendant ce temps, la crise est là, les prix s’envolent, le gouvernement égrène ses milliards, les adversaires attendent le pays au tournant… et les citoyens se grattent la tête en s’interrogeant sur leur sort, voire en s’en inquiétant ! Et dire que les électeurs ont cru comprendre mériter mieux !...

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panora Post  


Lundi 16 Mai 2022