Le sommet des BRICS+ qui se tient ce 6 juillet à Rio de Janeiro promettait monts et merveilles. Il ne livrera que ce que les sommets livrent souvent : une photo de famille, des discours bien calibrés et des communiqués généraux sans conséquences immédiates. Car malgré la rhétorique de rupture et de refondation, le bloc BRICS+ souffre avant tout d’un excès d’ambition sans capacité de mise en œuvre.
Une vitrine d’unité, une réalité fragmentée
Xi Jinping et Vladimir Poutine sont absents. Ce simple fait, en temps de crise mondiale, en dit long. Le prétendu front commun anti-occidental est bien plus fragile qu’il n’y paraît. L’unité affichée n’est qu’un rideau de fumée derrière lequel se cachent des rivalités profondes. La Chine et l’Inde restent en tension permanente, l’Arabie saoudite joue sur tous les tableaux, et l’Afrique du Sud peine à conserver un leadership africain. Ce ne sont pas des partenaires alignés mais des puissances méfiantes, aux agendas concurrents.
L’élargissement : plus de confusion que de puissance
Avec une liste de nouveaux entrants allant de la Biélorussie à la Malaisie en passant par Cuba, l’élargissement du bloc BRICS+ ressemble davantage à un casting géopolitique qu’à une intégration stratégique. Cette diversité géographique et politique empêche toute gouvernance cohérente. À vouloir tout inclure, on finit par ne plus rien décider.
Parler de 40 % du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat impressionne. Mais ce chiffre masque une réalité crue : l’économie mondiale reste dominée par les flux financiers, technologiques et réglementaires de l’Occident. Et aucun des membres du BRICS+ ne propose aujourd’hui une véritable alternative crédible à ce pouvoir.
La multipolarité, un slogan sans substance
Depuis des années, le mot « multipolarité » est brandi comme une incantation magique. Mais de quel modèle alternatif parle-t-on exactement ? Aucun document, aucune vision commune ne définit les contours d’un ordre multipolaire stable, équitable et réalisable. Les BRICS+ dénoncent, ils ne proposent pas. Ou alors, ils proposent tout et son contraire.
La réforme des institutions internationales, comme l’ONU ou la Banque mondiale, suppose une pression coordonnée, persistante et diplomatiquement habile. Ce que les BRICS+ n’ont ni le temps, ni la discipline d’organiser. Le Sud global, malgré son poids démographique, reste peu audible dans les enceintes où se prennent les décisions.
La dédollarisation : un mirage médiatique
Chaque année, le sommet relance la même rengaine : créer une monnaie commune, se passer du dollar, commercer en monnaies locales. Mais le dollar continue de régner sur près de 60 % des échanges internationaux. Pourquoi ? Parce que le yuan n’est pas librement convertible, parce que les monnaies locales sont instables, et parce que la confiance – clé de toute monnaie – ne se décrète pas, elle se mérite.
Une monnaie commune ? À l’heure actuelle, cela reste une chimère. Aucun cadre institutionnel, aucun système de compensation, aucune volonté politique ne la rend réaliste à court ou moyen terme.
Une posture plus qu’une puissance
Les grandes causes affichées – pauvreté, transition énergétique, accès aux vaccins – sont nobles. Mais où sont les programmes concrets ? Où sont les financements ? Où sont les réussites ? Le bloc multiplie les déclarations, mais son impact réel sur les grands enjeux planétaires reste marginal.
Et si l’on s’en tient aux résultats : aucune avancée majeure n’est née d’un sommet BRICS depuis sa création. Ni sur le climat. Ni sur la santé. Ni sur la finance. Ni même sur la sécurité.
Le vrai problème : un monde qui avance sans eux
Pendant que les BRICS+ débattent de principes, le monde se recompose ailleurs. Le G7 adapte ses stratégies. L’OTAN s’élargit. L’Union européenne investit dans des chaînes d’approvisionnement sécurisées. Les multinationales orientent déjà leurs flux vers les zones de stabilité. Et ce n’est pas à Rio, ni dans un forum d’un jour, que cela va changer.
Le multilatéralisme en crise n’attend pas que les BRICS se mettent d’accord. La géopolitique contemporaine récompense la cohérence, pas la posture.
En conclusion : beaucoup de bruit pour peu de choses
Non, il ne se passera rien d’historique à Rio de Janeiro. Le sommet des BRICS+ restera ce qu’il est : un rendez-vous symbolique, sans débouché stratégique. Ce n’est ni un tournant, ni un contre-pouvoir. C’est une arène d’ambitions contrariées et de coopérations impossibles, incapable de proposer un cap clair ou de redessiner l’ordre mondial.
Dans un monde fracturé, le vrai clivage n’est plus entre le Nord et le Sud, mais entre ceux qui transforment leur puissance en influence, et ceux qui en parlent. À ce jeu-là, les BRICS ont encore tout à prouver.