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Nos génies sont à l'étranger, et nos génies en herbe s'apprêtent à les rejoindre




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Nos génies sont à l'étranger, et nos génies en herbe s'apprêtent à les rejoindre

L’erreur n’est pas de tomber, mais de rester là où on est tombé, disait Platon… Et c’est cette erreur que nous commettons au Maroc : se tromper d’abord, puis refaire exactement la même chose, et encore, et toujours… Le royaume fabrique des génies, mais ne sait pas les garder, et il ne fait toujours rien pour les fixer dans leur pays, ou mal, ou peu, ou les deux.
 

Moncef Slaoui a étudié dans notre bonne ville d’Agadir, puis il est parti en Belgique et, de là, aux Etats-Unis, où le monde l’attend pour développer un vaccin contre le Covid-19. Rachid Guerraoui a fait une partie de ses classes dans la belle cité d’el Jadida, avant de s’envoler pour Paris, de parcourir les prestigieuses universités du monde, puis de s’installer à Lausanne où il est l’un des chercheurs les plus réputés de son Ecole Polytechnique et où il révolutionne gentiment le monde des algorithmes. Rachid Yazami entame sa vie et sa scolarité dans l’ancienne médina de la vieille cité de Fès, et il s’en va en France, puis au prestigieux CalTech de Californie, avant de poser ses valises à Singapour et de développer son invention de l’anode graphite, que des milliards de personnes utilisent dans leurs téléphones portables.
 

Trois sommités mondiales, nées chez nous, et la liste n’est pas exhaustive, initialement formées par nous, mais qui ont « explosé » chez les autres. Ils sont scientifiques, mais nous avons des historiens de talent, des sociologues de génie, des astronomes de renom, des économistes de renommée, des physiciens d’envergure… que les autres ont su garder, cajoler, intéresser, et dont ils tirent richesses et grandeurs. Nous avons même des secrétaires généraux adjoints de l’ONU, des ministres un peu partout en Europe…
 

Et nous continuons de ramper, demandant des expertises, quémandant de l’argent, et cherchant ici et là un mot gentil pour un non-événement que nous aurions plus ou moins réussi, avant de nous faire vertement tancer pour une quelconque raison. Pendant ce temps-là, d’autres génies en herbe ou en devenir s’en vont, chaque année, volontairement, ou que l’on vient chercher, au Maroc, chaque mois, impunément. Et on les retrouve, épanouis et éblouissants, dans les différentes écoles Polytechniques du monde, dans les plus prestigieuses universités européennes ou américaines, depuis peu asiatiques.
 

Tout ce qui précède, c’est tomber… Rester à terre est ce qui suit. Qui a entendu parler du jeune Hammouti, cet enfant prodige d’Oujda, âgé d’une douzaine d’années et qui vient de concevoir des lunettes pour mesurer la distanciation physique, après avoir fabriqué avec les moyens du bord des voitures télécommandées, un robot ? Lui a été « découvert » par al Jazeera et mis sous couvert par notre extraordinaire légèreté… Et il y a encore ce jeune, très jeune Idder Motii, jeune programmeur autodidacte de 13 ans, utilisant plusieurs langages de programmation, conférencier dès 11 ans à un événement Google (on a une idée sur où il finira, lui…).
 

Et qui se souvient de Mohamed Nahmed, ce jeune homme de 22 ans qui, en 2012, avait construit dans son douar à Berrechid un engin capable de voler à quelques mètres d’altitude sur 100 mètres de long, et que les Marocains avaient placé dans les rubriques insolites avant que les gens de la sécurité aillent le voir ?…
 

Les jeunes Hammouti, Motii et Nahmed, et d’autres certainement, iront un jour sous d’autres cieux et nous, nous, on attendra qu’ils « explosent » pour afficher bruyamment notre fierté de les avoir un jour enfantés, sans avoir le courage de fulminer contre notre profonde stupidité de les avoir laissés partir.
 

Aujourd’hui, face au silence sépulcral d’un gouvernement dépassé et faussement compassé, le groupe OCP et quelques autres géants oeuvrent à la captation de ces génies, manœuvrent pour en ramener quelques-uns, et agissent dans un prudent silence. La preuve que les bonnes volontés existent, mais sans une rencontre au grand jour de toutes ces bonnes volontés, rien ne sera fait, et nous pourrons continuer de servir le plateau à ceux bien plus intelligents que nous qui comprendront, puis prendront, ces jeunes talents dont le monde actuel a tant besoin et dont le Maroc se moque tellement.
 

C’est cela rester à terre, et Platon avait raison.
 

Rédigé par Aziz Boucetta le 13 octobre 2020 sur www.panorapost.com  



Vendredi 11 Décembre 2020