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Notre Grand Bond en avant




Par Aziz Boucetta

Notre Grand Bond en avant

2021 s’en va, sans regret, et 2022 s’en vient, avec des sentiments mitigés et, pour tout dire, une crainte diffuse… Que va-t-il arriver pour cette pandémie, sachant que franchement, personne n’en sait rien, ou presque ? Et pourtant, au Maroc, nous avons, un nouveau parlement, un nouveau gouvernement, et un nouveau modèle de développement qui nous dit que nous devons construire l’attelage de l’État fort avec une société tout aussi forte. Alors ?
 

Alors malgré tous les atouts dont nous disposons, nous sommes aussi affligés d’un PIB étique de 120 milliards de dollars qui ne nous mènera pas à grand-chose, sauf à se faire du Coué sur notre puissance fantasmée. Comme le dit si bien le proverbe marocain, « celui qui n’a pas d’argent ne profèrera que des propos indigents » (لي ماعندو فلوس كلامو مسوس en VO). Nous continuerons à gesticuler et remuer du vent, sans être visibles dans les radars de la gouvernance mondiale ! Et nous en serons toujours ainsi tant que nous n’aurons pas réglé, sérieusement, nos profondes tares, corruption, rentes économiques, inégalités, éducation, non-respect des lois…
 

Et sans avoir remédié à ces tares, comment donc pourrons-nous avoir cette société forte si solennellement évoquée par les auteurs du modèle de développement présenté au roi et aux Marocains en mai dernier ? Comment construire cette société forte alors que la moitié féminine de ses membres ne sait toujours pas où donner de la tête : harcèlement, violences, inégalités devant à peu près tout, … ?
 

Et depuis que l’Etat a montré ses immenses capacités dans cette pandémie, tant au niveau sanitaire qu’économique, politique que financier et même social, nous aurons encore moins d’excuses à ne pas décoller économiquement, maintenant que géopolitiquement, c’est « fait ». Et c’est encore plus dangereux d’en rester à ce niveau de PIB, donc de richesse, donc d’influence et surtout de capacité de défense, car quand on veut sortir du rang, il y a fort intérêt à en être capable. Et donc fort. Et riche. Et nous ne le sommes pas !
 

Observons les PIB des autres pays, moins peuplés que le Maroc, moins dotés en ressources naturelles, moins bien situés géographiquement, moins stables sur leurs fondements historique et institutionnel… Hongrie (10 millions d’habitants et 150 milliards $ de PIB), Israël (9,5 millions d’habitants et 371 milliards $), Roumanie (21 millions d’habitants et 250 milliards $), Autriche (9 millions d’habitants, 430 milliards $), Portugal (10 millions d’habitants, 420 milliards $), …  
 

Quelle est la raison pour laquelle eux réussissent et nous, pataugeons ? Encore et toujours, la corruption galopante, les rentes économiques envahissantes, les inégalités flagrantes, l’éducation mourante, l’impunité criante… et tous ces problèmes ne peuvent et ne sauraient être réglés que par une justice véritablement efficace, dure et juste à la fois, ferme et équitable en même temps. Une justice qui demande des comptes, mais qui en rend aussi !
 

Il est grand temps, presque trop tard, pour sortir des effets d’annonce et s’engager dans de véritables coups de semonce. Embastiller des lampistes qui ont commis un quelconque délit de corruption sans inquiéter les gros poissons ne nous mènera à rien d’autre que rester à nous voir vautrés dans notre médiocrité. Multiplier les déclarations d’intention sans véritable intention d’en découdre avec les fous de la route, les violents contre les femmes, les responsables inconséquents, les rentiers à l’argent facile, cela ne sert à rien, et nous fait perdre encore plus de temps.
 

La politique est mise en sourdine pour cinq ans, et c’est peut-être tant mieux ainsi car on a vu ses résultats durant un demi-siècle, mais il est impératif que la technocratie qui l’a remplacée puisse faire le travail. La compétence est là, mais, il faut de l’imagination, il faut l’audace, il faut l’humilité d’écouter et de faire participer, il faut le courage de reconnaître ses erreurs et d’apprendre d’elles…
 

Oh, il y a bien un peu de copains dans ce gouvernement, mais son ossature régalienne (intérieur, affaires étrangères, Administration de la défense, …) et technocrate (Entreprise, Convergence et Evaluation des politiques publiques, transitions diverses, énergétique, digitale…) devraient prendre le pas pour réaliser un Grand Bond en avant.
 

Ce qui est inquiétant est le manque d’ambition du gouvernement ou sa trop grande prudence… Prévoir une moyenne de 4% de croissance par an ne saurait ni doper notre PIB ni absorber les millions de personnes en jachère sur le marché de l’emploi. Et pourtant, le Maroc n’a pas le choix, il s’est trop engagé dans ses ambitions pour se permettre le luxe d’échouer dans ses réalisations. Il nous faut notre Grand Bond en avant, sous peine de revenir en arrière et surtout pour enjamber le Grand Fossé devant nous.
 

En attendant, meilleurs vœux pour 2022 !
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com



Jeudi 30 Décembre 2021