Vengeance et purge
La procureure générale de New York, Letitia James, s'exprimant le 16 février 2024 après la condamnation de Donald Trump et ses fils Donald Jr et Eric dans une vaste affaire de corruption. REUTERS - David Dee Delgado
Donald Trump obtient des poursuites judiciaires contre la procureure générale qui l’avait condamné dans une affaire de fraude financièreLe président américain avait assumé vouloir se venger de la procureure démocrate de l’Etat de New York, Letitia James, deuxième figure publique à faire l’objet en quelques jours d’une inculpation qu’il avait directement réclamée.
S’il est une promesse que Donald Trump entend tenir pour ce second mandat, c’est bien celle d’utiliser le pouvoir judiciaire afin de se venger de ses adversaires. Après James Comey, l’ancien directeur du FBI, le 25 septembre,
Letitia James est la deuxième figure publique à faire l’objet, en quelques jours, d’une inculpation en justice directement réclamée par le président des Etats-Unis, jeudi 9 octobre. La procureure générale de l’Etat de New York est poursuivie pour fraude bancaire et fausse déclaration dans un dossier d’emprunt immobilier.
Letitia James avait obtenu, en février 2024, la condamnation civile de Donald Trump à payer notamment la somme record de 450 millions de dollars (en comptant les intérêts, près de 389 millions d’euros), dans une affaire de fraude financière et de surévaluation de son patrimoine.
L’amende avait, par la suite, été jugée excessive et a été annulée par une cour d’appel, qui a, cependant, maintenu la condamnation. Depuis lors, Donald Trump, qui l’accuse régulièrement de corruption, avait juré de la faire payer s’il revenait au pouvoir.
C’est devenu pour le président des Etats-Unis une affaire si personnelle qu’un procureur de Virginie, chargé des investigations, en a fait les frais. Erik Siebert, républicain et nommé au début du mandat de Donald Trump, avait indiqué que son bureau, après une enquête de plusieurs mois, n’avait pas réuni suffisamment de preuves solides contre Letitia James.
Cette magistrate, considérée comme à l’origine d’une condamnation en justice du président américain, a été inculpée ce jeudi en Virginie pour falsification de documents concernant des demandes de prêts immobiliers.
La procureur générale de l'État de New York, Letitia James, membre du Parti démocrate et opposante déclarée de Donald Trump, a été inculpée par un grand jury fédéral en Virginie, ont annoncé jeudi plusieurs médias américains, après que le président américain a réclamé des poursuites à son encontre.
Les faits qui visent la magistrate, élue du Parti démocrate, concernent une maison de Norfolk (Virginie) qu’elle possède, dont elle aurait déclaré faussement qu’elle était sa résidence principale dans des documents de prêt hypothécaire, ce qui lui aurait permis d’obtenir des conditions plus favorables.
Représailles politiques
Cette dernière a aussitôt dénoncé des «représailles politiques». «Nous combattrons vigoureusement ces accusations sans fondement» et «je continuerai à faire mon travail», a-t-elle aussi écrit.
Cette inculpation survient après celle de l’ex directeur du FBI James Comey, lui aussi un adversaire personnel de Donald Trump.«C’est une vengeance». De son côté, le chef des démocrates au Sénat américain, Chuck Schumer, a condamné l’inculpation jeudi de Letitia James et estimé que cela s’apparentait à de la «tyrannie» de la part de Donald Trump.
«Voici à quoi ressemble la tyrannie. Le président Trump utilise le ministère de la Justice comme son bras armé personnel, ciblant la procureure générale Letitia James pour le “crime” de l’avoir poursuivi pour fraude - et d’avoir gagné», a cinglé le sénateur new-yorkais dans un communiqué de soutien à la magistrate, elle-même membre du Parti démocrate, et qui avait mené les poursuites contre Donald Trump.
«Ce n’est pas de la justice. C’est une vengeance», a ajouté Chuck Schumer .Une magistrate «corrompue» et «raciste» selon Trump
Depuis plusieurs semaines, Donald Trump met la pression sur son ministère de la Justice pour obtenir des poursuites contre certains de ses adversaires politiques. Et Letitia James en est une de premier plan : elle est à l’origine des poursuites pour fraudes lancées contre lui et ses deux fils, Donald et Eric Jr.
Ils ont tous trois été reconnus coupables d’avoir fait enfler de manière colossale durant les années 2010 la valeur des actifs de la Trump Organization - leurs gratte-ciel, hôtels de luxe ou golfs dans le monde entier - afin de bénéficier de prêts plus favorables de banques et de meilleures conditions d’assurance.Au terme d’un procès ultra-médiatisé qui s’était tenu en 2024, Donald Trump avait été condamné à une amende pharaonique de 464 millions de dollars.
En août dernier, une cour d’appel de l’État de New York avait annulé cette amende en invoquant un montant «excessif qui viole le huitième amendement de la Constitution des États-Unis», qui interdit les condamnations disproportionnées.
Le président a souvent déclaré que Letitia James devrait être poursuivie et qualifié cette magistrate afro-américaine de «corrompue» et «raciste».
«Liste» de cibles
Fin septembre, le procureur fédéral de Virginie Erik Siebert avait démissionné après avoir refusé d’engager des poursuites contre Letitia James.
Donald Trump a alors nommé une de ses proches, Lindsey Halligan, pour le remplacer, évoquant le besoin d’un «procureur dur» pour seconder sa ministre de la Justice.
Donald Trump se défend d’avoir une «liste» de cibles. Reste qu’il avait identifié une série de personnalités, élus, anciens conseillers ou magistrats, coupables, selon lui, de toutes sortes de malversations, mais surtout de s’être opposés à lui.
Le président américain avait ainsi menacé le milliardaire philanthrope George Soros. Il avait appelé publiquement à poursuivre le sénateur démocrate Adam Schiff, comme il l’a fait pour Letitia James.
Une autre bête noire de Donald Trump, son ancien conseiller à la Sécurité nationale John Bolton, a lui vu son domicile perquisitionné par le FBI. Le président américain s’en est aussi pris à Barack Obama, accusé de «trahison». Mais toute tentative de le traîner en justice pourrait se heurter à un principe d’immunité présidentielle récemment posé par la Cour suprême, à la demande de Donald Trump lui-même.
Avec L'AFP