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Pour nous les femmes, pour elles et pour celles qui viendront après nous...


Rédigé par le Mercredi 8 Mars 2023

Le 25 octobre 2022 marque le décès d'Aïcha Ech-Chenna, une figure emblématique de la lutte pour les droits des femmes au Maroc. Son engagement en faveur des mères célibataires et des enfants nés hors mariage a été une source d'inspiration pour de nombreuses personnes. Elle a contribué, avec d'autres femmes, à remporter des victoires importantes dans cette lutte. Nous avons maintenant la responsabilité de continuer leur combat en leur hommage.



Pour nous les femmes, pour elles et pour celles qui viendront après nous...
À l'occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, nous, les militant-e-s féministes marocain-e-s lançons un appel pressant au Gouvernement, au Parlement et à la population pour prendre des mesures radicales. Il s'agit d'une question de survie pour les femmes, et nous insistons sur l'importance de faire progresser nos lois pour mettre fin aux violences, notamment juridiques, qui leur sont infligées.

2004-2023 : un grave constat d'échec dans la protection des femmes

Pour nous les femmes, pour elles et pour celles qui viendront après nous...
Au cours des 19 dernières années, de nombreuses affaires ont révélé l'échec de notre société à garantir la sécurité des femmes.

Certaines femmes ont été soumises à des peines d'emprisonnement injustifiées, ce qui leur a retiré le contrôle de leur propre corps.

Nous pouvons prendre l'exemple de celles qui ont été condamnées pour des relations sexuelles en dehors du mariage ou pour avoir avorté.

La privation de liberté fondamentale peut avoir des conséquences mortelles, comme cela a été le cas pour Meriem qui a été violée à l'âge de 14 ans et est décédée des suites d'un avortement clandestin. Les cas de féminicides, qu'ils soient conjugaux, intra-familiaux ou liés à des avortements clandestins, sont malheureusement fréquents et sont souvent relégués au rang de faits divers.

Enfin, il convient de rappeler les affaires de violences sexuelles qui ont choqué les consciences, telles que l'enlèvement, le viol et la torture de Khadija par douze hommes, ainsi que les agressions sexuelles subies par une femme de Casablanca dans un bus par un groupe de garçons, et par une femme de Tanger en plein rue par un homme qui était filmé par un autre individu.

Dernièrement, un chanteur très apprécié des Marocains a été reconnu coupable de viol aggravé et condamné à six ans de prison. Ce procès et ce verdict ont mis en lumière une culture du viol profondément enracinée dans les mentalités, puisque Saad Lamiarred a reçu plus de soutien que l'ensemble des femmes victimes de violences sexuelles évoquées précédemment.

Le constat amer dressé dépeint une société caractérisée par la violence patriarcale, qui tend à blâmer les femmes tout en protégeant les auteurs de violences à leur encontre. L'inégalité des sexes persiste aussi bien dans la réalité que dans les droits. Nous ne pouvons plus tolérer d'être constamment reléguées au second plan du calendrier parlementaire, comme en témoigne l'absence d'adoption de la proposition de loi sur l'Interruption Médicale de Grossesse (IMG), discutée en 2016, 2018 et 2022.

La famille marocaine de 2023 n'est plus celle de 2004

Pour nous les femmes, pour elles et pour celles qui viendront après nous...
Après un lapse de temps de dix-neuf ans depuis la dernière réforme de la Moudawana, les façons d'aimer, de se lier, de fonder et de gérer une famille ont changé. Les mariages sont moins fréquents, tandis que les divorces et les familles monoparentales sont en hausse. Par ailleurs, il y a plus de femmes occupant des postes de responsabilité et davantage d'entreprises dirigées par des femmes. Face à cette évolution de la société, il est légitime de se demander pourquoi nos lois ne suivent pas le même mouvement ?

Celles-ci continuent d'être pensées comme si le Maroc n'avait nullement adopté une nouvelle Constitution en 2011, dont l'article 19 garantit l'égalité entre les femmes et les hommes, et la protection de l'enfance. Comme si notre pays n'avait conclu de conventions internationales pour l'elimination fes discriminations à l'encontre des femmes et pour la protections des droits des enfants.

Notre souhait est de voir un renouveau dans le Code de la Famille, qui soit empreint d'un esprit d'égalité absolue et réelle entre les genres. Nous demandons une réforme de la Moudawana pour qu'elle interdise et sanctionne le mariage des enfants, et qu'elle place l'intérêt supérieur de l'enfant au cœur de la législation et des décisions judiciaires.

Il faudrait adopter des lois qui abolissent les formes obsolètes de divorce et qui valorisent le travail accompli par les femmes au sein de leur foyer. Il est également important d'établir l'autorité parentale conjointe (tutelle, garde et responsabilité conjointe) et de permettre aux femmes de témoigner en tant que citoyennes à part entière. Il est crucial de garantir l'égalité des droits en matière de succession, de reconnaître le mariage d'une femme marocaine avec un non-musulman non-converti et enfin, d'interdire la polygamie tout en instaurant un droit successoral équitable.

Salma LABTAR




Salma Labtar
Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Mercredi 8 Mars 2023