En effet, les avancées enregistrées ces dernières années sont spectaculaires.
Près de 88 % des Marocains bénéficient aujourd’hui d’une couverture sociale, un exploit inédit sur le continent. Le désenclavement rural, les réseaux routiers modernisés, et l’électrification quasi universelle – 99,9 % du territoire – témoignent d’un effort colossal.
L’indice de développement humain s’est amélioré, les infrastructures se multiplient, et les politiques sociales ont commencé à combler des retards historiques.
Mais ces succès, aussi tangibles soient-ils, ne suffisent pas à masquer les fractures d’un développement à deux vitesses. Entre métropoles dynamiques et territoires périphériques fragiles, le fossé demeure. Les politiques publiques, souvent sectorielles et peu coordonnées, peinent à produire une cohérence territoriale.
Le Maroc moderne, connecté, industrialisé, coexiste encore avec un Maroc rural en attente d’opportunités, de services publics efficaces et d’un accès équitable aux richesses nationales.
C’est dans ce contexte que Nizar Baraka plaide pour une refondation de l’ingénierie territoriale.
Huit axes structurants émergent de sa vision, qui se veut à la fois réaliste et volontariste. Il s’agit d’abord de repenser la gouvernance locale : revoir le découpage administratif, donner plus de poids au niveau communal, renforcer la déconcentration et ancrer la responsabilité dans la transparence. Ce n’est qu’en rapprochant la décision du citoyen que la démocratie territoriale prendra tout son sens.
Ensuite, l’enjeu est de faire du monde rural un moteur de croissance, et non un fardeau budgétaire. Cela passe par des programmes intégrés, où la digitalisation, les industries locales, le tourisme vert, et les coopératives deviennent les leviers d’un développement endogène. Le Maroc de demain ne peut plus reposer uniquement sur les grandes villes côtières : il doit s’inventer dans ses montagnes, ses oasis et ses plaines oubliées.
Autre pilier : l’emploi. Baraka le qualifie à juste titre de “moteur de la dignité et de la citoyenneté”. Créer des emplois décents, c’est offrir à chaque Marocain la possibilité de contribuer au progrès collectif. Cela suppose une politique d’emploi décentralisée, adaptée aux réalités locales et adossée à une gouvernance exigeante.
Le leader istiqlalien insiste également sur la protection sociale, non pas comme un filet d’assistance, mais comme un levier d’émancipation. Le soutien direct doit sortir les familles de la pauvreté, pas les enfermer dans la dépendance.
Plus largement, c’est un Maroc multipolaire et interconnecté qui se dessine : un pays fondé sur des pôles régionaux forts, reliés par une vision commune et soutenus par la transition énergétique, numérique et industrielle.
Mais cette ambition ne pourra se concrétiser sans un socle de valeurs civiques renouvelé.
En filigrane, cet appel est aussi un plaidoyer pour la convergence et la clarté. Le Maroc a besoin d’un projet de société lisible, d’une vision partagée entre l’État, les élus et les citoyens, où les projets à long terme s’accompagnent d’actions immédiates capables de changer le quotidien des Marocains.
Le Maroc à une seule vitesse n’est pas un slogan : c’est une exigence nationale. Une exigence de justice, de cohérence et de proximité. Car le vrai défi n’est plus seulement de croître, mais de progresser ensemble.
Par Said Temsamani
