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Pourquoi ne parlent-ils pas, ou si peu ?




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Pourquoi ne parlent-ils pas, ou si peu ?

Alors que le Maroc se prépare aux élections et que les électeurs se tâtent encore pour voter, ou pas, les principaux concernés restent anormalement silencieux…Et pourtant, traditionnellement, logiquement, universellement, dans les démocraties avérées et autoproclamées, les chefs de partis rivalisent d’imagination pour parcourir les plateaux télé, les studios radio et les organes de presse écrite ou électronique. Chez nous, rien de tel… tout est téléphoné.
 

Revenons sur ces derniers mois et explorons les grands événements survenus au Maroc, sur le plan interne ou extérieur. En diplomatie, le royaume a repris ses relations avec Israël, et les USA – au-delà de leur reconnaissance de la marocanité du Sahara – s’installent sur notre sol ; avec les Allemands, c’est le désamour pour un temps, et avec les Français et les Espagnols, ce n’est plus le fol amour depuis longtemps. Sans compter notre politique africaine, hachurée depuis quelques temps, avec cette réunion en mars du Conseil Paix et Sécurité qui fait tache…
 

Sur le plan interne, nous avons eu le quotient électoral et la couverture sociale, le projet de dépénalisation de la culture du kif, l’explosion en vol de Mustapha Bakkoury, la brusque réapparition de Hamid Chabat et d’Ilyas el Omary, les questions de libertés individuelles ou de liberté tout court, Figuig, les ateliers clandestins et/ou informels si mortifères…
 

Tout cela a été fortement commenté, discuté, disputé sur les réseaux sociaux et dans les médias, mais les chefs des partis politiques restent anormalement taiseux, ne disant rien très souvent, mais parfois n’importe quoi. Ils préfèrent changer les lois électorales pour sécuriser l’avenir sans pour autant se donner la peine d’argumenter ou d’expliquer, laissant cela à leurs troupes. C’est tellement plus confortable et prudent… Revue de détail de quelques partis…
 

1/ Au PJD, M. Saâdeddine Elotmani doit concilier les intérêts nationaux avec les principes de son parti. Alors il élude, il tergiverse, il contourne, il procrastine, mais globalement reste le chef du PJD, certes contesté mais toujours en place, malgré le lent et progressif retour d’Abdelilah Benkirane. Hormis Twitter, il ne s’adresse jamais directement aux Marocains.
 

2/ Le PAM jauge ses chances de continuer d’exister, patauge entre les clans qu’il aime à appeler courants, et Abdellatif Ouahbi, malgré son initiative tunisienne de faire entendre raison à l’ombrageux chef d’Ennahda, ne dit jamais rien qui soit au niveau du second parti du Maroc, selon les résultats électoraux. Ex-fan de M. Benkirane, il tente de faire comme lui, de copier son bagout, mais il ne réussit pas à sortir du chapitre rigolo, voire clownesque.
 

3/ L’Istiqlal est aussi taiseux, bien que ses idées soient plutôt avant-gardistes, réclamant une loi de finance rectificative quand il le faut, demandant à revisiter l’histoire du Rif à la fin des années 50, pourfendant la CGEM au besoin, annonçant des prémices (ou fragments) de programme, mais Nizar Baraka prend soin de ne pas trop s’exposer. Il est vrai qu’il est si proche de la chefferie du gouvernement…
 

4/ Le RNI est, fut et restera un parti d’appoint qui joue à se faire peur en brandissant ses petits poings face à tous. Les Bleus ratissent large sans piper mot, s’ingérant ici, faisant de la récupération là… Aziz Akhannouch ne s’exprime jamais, tout en affichant son assurance de conquérir la pole position aux élections, ce qui serait dangereux, à en croire les réseaux sociaux, les médias, les discussions de salon, et même certains décideurs... Dans ce parti, personne ne parle, à l’exception d’un ou deux dirigeants qui confirment la règle.
 

5/ L’USFP se meurt mais remue encore. Driss Lachgar essaie de sauver ce qui peut encore l’être, développant un très aigu sens de la famille politique et de la famille tout court.
 

6/ Le PPS veut encore y croire mais, à la différence des autres partis, a un chef qui, lui, a au moins le courage de s’exprimer, au risque de se voir sévèrement recadrer, voire virer. Mais il parle.
 

Comment, face à une classe politique qui refuse de prendre le risque de débattre, les électeurs pourront-ils prendre le temps de voter ? Comment voter au demeurant pour des gens qui ne vous font même pas la politesse de vous « calculer » comme disent les jeunes d’aujourd’hui, réduits à deviner ce que serait leur devenir ?
 

Notre personnel politique devrait comprendre peut-être, un jour prochain, qu’il ne s’agit pas de soliloquer en solo sur la démocratie et la constitution pour en convaincre les populations. Les chefs de partis devraient aussi penser à répondre à la question : « Comment mobiliser des électeurs auxquels on ne s’adresse pas ? ».
 

Le proverbe marrakchi ne dit-il pas : « للي احتاج الكراب فالصيف يصاحبو فاللشتوى » ?
 

Par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com



Vendredi 9 Avril 2021