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Quand la maternité rencontre les rhumatismes : ce que la science permet désormais


Par Dr Anwar CHERKAOUI, avec la contribution du Pr Abdellah El MAGHRAOUI, Président de la Société Marocaine de Rhumatologie.

Pendant des années, la grossesse a été perçue comme un terrain risqué pour les femmes souffrant de maladies rhumatismales.

Beaucoup redoutaient que leurs douleurs, leurs traitements ou l’évolution de leur maladie ne compromettent la santé du bébé ou la leur.

Cette inquiétude, largement partagée, a longtemps pesé sur les projets de maternité.

Mais les avancées de la médecine viennent changer la donne.

Grâce à un suivi personnalisé et à une meilleure connaissance des effets des médicaments, la grossesse est désormais non seulement possible, mais aussi plus sûre que jamais pour les patientes bien accompagnées.

Lors du dernier congrès ACR 2025 à Chicago, une actualisation majeure des recommandations internationales a apporté une vision plus claire sur l’usage des traitements antirhumatismaux pendant la grossesse et l’allaitement.



Une mise à jour attendue, que le Pr Abdellah El Maghraoui, président SMR, nous aide à décrypter.

Quand la maternité rencontre les rhumatismes : ce que la science permet désormais
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, comme l’ibuprofène, conservent leur place en début de grossesse. Ils restent efficaces et sans danger jusqu’au sixième mois. 

Au-delà, ils deviennent à proscrire en raison de risques pour le fœtus. En revanche, aucune contre-indication n’existe pour l’allaitement.

Les biothérapies anti-TNF, souvent indispensables pour contrôler les maladies inflammatoires, bénéficient aujourd’hui d’un recul rassurant.  Elles peuvent être utilisées en toute sécurité, avec une mention spéciale pour le certolizumab, capable d’accompagner la grossesse du premier au dernier mois. 

Pour les autres molécules, un arrêt au deuxième trimestre reste la règle de prudence.

Le rituximab, lui, demeure une option de dernier recours.

Puissant, il ne sera maintenu que si la maladie l’exige vraiment. 

Son passage très faible dans le lait maternel ouvre toutefois la possibilité de l’utiliser en période d’allaitement, de manière exceptionnelle.

La liste des médicaments compatibles avec la grossesse et l’allaitement s’élargit et apporte un soulagement aux patientes. 

Colchicine, hydroxychloroquine, azathioprine, tacrolimus ou encore ciclosporine : des traitements éprouvés, désormais adoubés par les experts. 

Ils constituent un arsenal sûr pour contrôler la maladie sans compromettre la maternité. À l’inverse, certains médicaments restent strictement interdits avant toute conception.

Méthotrexate, mycophénolate, cyclophosphamide : des molécules efficaces, mais dangereuses pour le fœtus. La précaution impose de les arrêter bien en amont de toute grossesse envisagée. 

Le méthotrexate, seul, peut exceptionnellement être utilisé pendant l’allaitement si aucune alternative thérapeutique n’existe. Au final, le message est limpide : la grossesse n’est plus un rêve inaccessible pour les femmes vivant avec des rhumatismes. 

Grâce aux progrès scientifiques et à un encadrement médical précis, elles peuvent envisager une maternité sereine, en toute sécurité, en maintenant un dialogue constant avec leur rhumatologue.

Ce qui était autrefois un parcours semé d’incertitudes devient aujourd’hui une réalité maîtrisée. Une transformation discrète, mais essentielle, pour des milliers de femmes au Maroc et ailleurs.

Les rhumatismes peuvent atteindre la femme en âge de procréer

Un rappel : Contrairement à une idée largement répandue, les maladies rhumatismales ne sont pas réservées aux personnes âgées : nombre d’entre elles touchent des adultes jeunes, parfois même des adolescentes, en pleine période de vie reproductive.

Polyarthrite rhumatoïde, lupus, spondyloarthrite, rhumatisme psoriasique ou maladies auto-inflammatoires peuvent s’installer durablement dès 20 ou 30 ans, bouleversant la vie personnelle et les projets de maternité. 

Ces pathologies, souvent chroniques et évolutives, exigent un suivi régulier, mais elles n’empêchent en rien une grossesse bien menée lorsque la maladie est stabilisée et que les traitements sont adaptés.

Mercredi 19 Novembre 2025



Rédigé par La rédaction le Mercredi 19 Novembre 2025