Il était une fois… l’utérus en kit
Je ne sais pas vous, mais j’ai souvent rêvé d’un réveil matin qui ferait le café tout seul. Les ingénieurs de Kaiwa Technology, eux, se sont carrément attaqués à la grossesse. Lors de la World Robot Conference de 2025, ces inventeurs chinois ont présenté un humanoïde un peu inquiétant, ventre en plexiglas, capable – selon eux – de porter un bébé de A à Z.
Moins de treize mille neuf cents dollars pour une grossesse sans nausées ni vergetures : on pourrait croire à un épisode de Black Mirror ou à un gadget marketing. Mais non, le fondateur Zhang Qifeng y croit dur comme fer : son robot, nourri au liquide amniotique synthétique et au cordon ombilical artificiel, pourrait rendre service aux couples infertiles et lutter contre la crise démographique en Chine [1].
Dans son discours, Zhang promet de reproduire « l’intégralité du processus de gestation et d’accouchement » [1]. De quoi interloquer les biologistes qui rappellent que la grossesse n’est pas qu’une question de nutriments. Une mère ne se contente pas de donner des vitamines : elle transmet des hormones, des anticorps, des odeurs, des sensations. Bienvenue dans un débat improbable où s’entrechoquent procréation assistée, robotique et philosophie.
D’un cauchemar de science-fiction à la réalité chinoise
Quand on évoque l’ectogenèse – le fait de faire grandir un être humain hors du ventre de sa mère –, on pense tout de suite à des séries dystopiques. Souvenez-vous des fœtus alignés en batterie dans des films de science-fiction. La réalité est plus nuancée. En 2017, des chercheurs américains ont réussi à garder en vie des agneaux prématurés pendant quatre semaines dans des « biobags », sortes de poches amniotiques artificielles [2].
Le but n’était pas de remplacer la gestation naturelle, mais d’aider des bébés qui, hors utérus, seraient condamnés. Personne n’a encore mené un embryon humain du jour 1 au neuvième mois dans une machine, et la loi interdit de maintenir un embryon en laboratoire au-delà de quatorze jours [3].
Zhang, lui, promet de contourner ces limites grâce à un robot qui surveillerait chaque battement de cœur et déclencherait un accouchement en fin de cycle. Le projet arrive à point nommé dans un pays en panne de bébés.
La Chine vieillit et ses citoyens font moins d’enfants : le taux de fertilité y a chuté, et l’infertilité touche près de dix-huit pour cent des couples [4]. Un utérus artificiel serait-il la solution ? Sûrement pas pour les couples modestes : le prix équivaut à plusieurs années de salaire. Et puis, on ne peut pas acheter l’amour d’une mère dans un centre commercial.
Avantage ou menace ? Entre espoir et méfiance
Là où certains voient un salut, d’autres redoutent une déshumanisation. Dans une société marocaine attachée aux valeurs familiales et à la spiritualité, l’annonce d’un robot gestateur ne laisse personne indifférent.
Au détour d’un café à Casablanca, j’ai entendu une femme murmurer : « Bientôt, ce sont les robots qui élèveront nos enfants ! » Mais Amina, trente-quatre ans, qui a multiplié les tentatives de FIV sans succès, se surprend à rêver.
« Si cette machine peut m’aider à devenir mère, pourquoi pas ? » Reconnaissons que la perspective peut être libératrice. Combien de carrières interrompues pour une grossesse ? Combien de risques médicaux pour des femmes fragiles ? Mais la liberté a un prix : celui de l’égalité des chances.
Dans un pays où l’infertilité est de plus en plus fréquente et où la médecine reproductive reste chère, l’utérus artificiel pourrait creuser les écarts. Nous verrons apparaître une élite qui se « paie » sa maternité high-tech et des femmes qui continueront à porter leurs enfants avec courage et fierté.
Moins de treize mille neuf cents dollars pour une grossesse sans nausées ni vergetures : on pourrait croire à un épisode de Black Mirror ou à un gadget marketing. Mais non, le fondateur Zhang Qifeng y croit dur comme fer : son robot, nourri au liquide amniotique synthétique et au cordon ombilical artificiel, pourrait rendre service aux couples infertiles et lutter contre la crise démographique en Chine [1].
Dans son discours, Zhang promet de reproduire « l’intégralité du processus de gestation et d’accouchement » [1]. De quoi interloquer les biologistes qui rappellent que la grossesse n’est pas qu’une question de nutriments. Une mère ne se contente pas de donner des vitamines : elle transmet des hormones, des anticorps, des odeurs, des sensations. Bienvenue dans un débat improbable où s’entrechoquent procréation assistée, robotique et philosophie.
D’un cauchemar de science-fiction à la réalité chinoise
Quand on évoque l’ectogenèse – le fait de faire grandir un être humain hors du ventre de sa mère –, on pense tout de suite à des séries dystopiques. Souvenez-vous des fœtus alignés en batterie dans des films de science-fiction. La réalité est plus nuancée. En 2017, des chercheurs américains ont réussi à garder en vie des agneaux prématurés pendant quatre semaines dans des « biobags », sortes de poches amniotiques artificielles [2].
Le but n’était pas de remplacer la gestation naturelle, mais d’aider des bébés qui, hors utérus, seraient condamnés. Personne n’a encore mené un embryon humain du jour 1 au neuvième mois dans une machine, et la loi interdit de maintenir un embryon en laboratoire au-delà de quatorze jours [3].
Zhang, lui, promet de contourner ces limites grâce à un robot qui surveillerait chaque battement de cœur et déclencherait un accouchement en fin de cycle. Le projet arrive à point nommé dans un pays en panne de bébés.
La Chine vieillit et ses citoyens font moins d’enfants : le taux de fertilité y a chuté, et l’infertilité touche près de dix-huit pour cent des couples [4]. Un utérus artificiel serait-il la solution ? Sûrement pas pour les couples modestes : le prix équivaut à plusieurs années de salaire. Et puis, on ne peut pas acheter l’amour d’une mère dans un centre commercial.
Avantage ou menace ? Entre espoir et méfiance
Là où certains voient un salut, d’autres redoutent une déshumanisation. Dans une société marocaine attachée aux valeurs familiales et à la spiritualité, l’annonce d’un robot gestateur ne laisse personne indifférent.
Au détour d’un café à Casablanca, j’ai entendu une femme murmurer : « Bientôt, ce sont les robots qui élèveront nos enfants ! » Mais Amina, trente-quatre ans, qui a multiplié les tentatives de FIV sans succès, se surprend à rêver.
« Si cette machine peut m’aider à devenir mère, pourquoi pas ? » Reconnaissons que la perspective peut être libératrice. Combien de carrières interrompues pour une grossesse ? Combien de risques médicaux pour des femmes fragiles ? Mais la liberté a un prix : celui de l’égalité des chances.
Dans un pays où l’infertilité est de plus en plus fréquente et où la médecine reproductive reste chère, l’utérus artificiel pourrait creuser les écarts. Nous verrons apparaître une élite qui se « paie » sa maternité high-tech et des femmes qui continueront à porter leurs enfants avec courage et fierté.
Et au Maroc, on en pense quoi ?
Ici, la procréation est un sujet sensible, mêlant tradition, religion et modernité. La loi autorise la FIV mais interdit la gestation pour autrui.
L’arrivée d’un robot gestateur poserait un casse-tête juridique. Qui serait la mère légale ? La machine ? L’ovule appartient à la femme, le sperme à l’homme. L’embryon est-il « né » d’une machine ?
En attendant, la législation reste muette. Les juristes rappellent l’importance d’encadrer ces technologies pour éviter les dérives eugénistes ou commerciales. Une autre dimension nous interpelle : celle du lien maternel. Au Maroc, porter et mettre au monde un enfant est un rituel sacré, célébré par les familles et ancré dans un Islam tolérant qui rappelle que la maternité est un don de Dieu.
Peut-on confier ce miracle à des circuits imprimés ? Certains religieux pourraient y voir un sacrilège ; d’autres rappellent que la science est aussi une bénédiction lorsqu’elle soulage la souffrance. « Dieu ne soumet pas une âme à une épreuve qu’elle ne peut pas supporter », dit le Coran.
Une femme incapable de mener une grossesse à terme pourrait-elle y recourir ? Le débat est ouvert.
L’arrivée d’un robot gestateur poserait un casse-tête juridique. Qui serait la mère légale ? La machine ? L’ovule appartient à la femme, le sperme à l’homme. L’embryon est-il « né » d’une machine ?
En attendant, la législation reste muette. Les juristes rappellent l’importance d’encadrer ces technologies pour éviter les dérives eugénistes ou commerciales. Une autre dimension nous interpelle : celle du lien maternel. Au Maroc, porter et mettre au monde un enfant est un rituel sacré, célébré par les familles et ancré dans un Islam tolérant qui rappelle que la maternité est un don de Dieu.
Peut-on confier ce miracle à des circuits imprimés ? Certains religieux pourraient y voir un sacrilège ; d’autres rappellent que la science est aussi une bénédiction lorsqu’elle soulage la souffrance. « Dieu ne soumet pas une âme à une épreuve qu’elle ne peut pas supporter », dit le Coran.
Une femme incapable de mener une grossesse à terme pourrait-elle y recourir ? Le débat est ouvert.
Les ombres au tableau : une technologie pas si maîtrisée Il faut également regarder la réalité en face : la technologie n’est pas prête.
Les chercheurs en biologie reproductive le savent : on ignore encore comment répliquer l’interaction immunitaire entre mère et fœtus.
Le microbiote maternel joue un rôle dans la formation du système immunitaire du bébé. Comment l’imiter ? À ce jour, aucune expérimentation n’a dépassé quatorze jours de gestation en laboratoire [3].
Ceux qui affirment le contraire flirtent avec la désinformation. Les rumeurs les plus folles circulent sur Internet. Une vidéo virale a ainsi montré des « fermes d’ectogénèse » où des milliers de bébés murmurent dans des capsules. Cette publicité sensationnaliste était en réalité une pure fiction, comme l’ont rappelé des agences de presse : aucun gouvernement, pas même la Chine, n’a construit une telle usine.
Il est bon de rappeler que l’innovation de Kaiwa Technology reste pour l’instant un prototype. Entre peur et fascination : que retenir ? Alors, doit-on jeter le robot avec l’eau du bain ? Non. Il faut l’examiner comme un symptôme de notre époque. D’une part, il témoigne de l’incroyable créativité humaine : des ingénieurs tentent d’offrir une alternative aux couples qui ne peuvent pas avoir d’enfant, et cela pourrait réduire le recours aux mères porteuses ou au marché noir de l’adoption.
D’autre part, il révèle notre impatience à contrôler la nature et à éviter toute douleur. Au lieu d’améliorer les conditions d’accouchement, certains préfèrent s’en passer.
Est-ce vraiment le progrès ? Je n’ai pas de réponse tranchée, seulement des questions. Peut-on externaliser la grossesse sans externaliser l’amour ? Les femmes marocaines seront-elles prêtes à faire confiance à une machine ? Les hommes comprendront-ils ce que signifie perdre l’expérience d’une compagne enceinte ? Finalement, la maternité n’est pas qu’une fonction biologique : elle forge des identités, des relations, des cultures.
Les chercheurs en biologie reproductive le savent : on ignore encore comment répliquer l’interaction immunitaire entre mère et fœtus.
Le microbiote maternel joue un rôle dans la formation du système immunitaire du bébé. Comment l’imiter ? À ce jour, aucune expérimentation n’a dépassé quatorze jours de gestation en laboratoire [3].
Ceux qui affirment le contraire flirtent avec la désinformation. Les rumeurs les plus folles circulent sur Internet. Une vidéo virale a ainsi montré des « fermes d’ectogénèse » où des milliers de bébés murmurent dans des capsules. Cette publicité sensationnaliste était en réalité une pure fiction, comme l’ont rappelé des agences de presse : aucun gouvernement, pas même la Chine, n’a construit une telle usine.
Il est bon de rappeler que l’innovation de Kaiwa Technology reste pour l’instant un prototype. Entre peur et fascination : que retenir ? Alors, doit-on jeter le robot avec l’eau du bain ? Non. Il faut l’examiner comme un symptôme de notre époque. D’une part, il témoigne de l’incroyable créativité humaine : des ingénieurs tentent d’offrir une alternative aux couples qui ne peuvent pas avoir d’enfant, et cela pourrait réduire le recours aux mères porteuses ou au marché noir de l’adoption.
D’autre part, il révèle notre impatience à contrôler la nature et à éviter toute douleur. Au lieu d’améliorer les conditions d’accouchement, certains préfèrent s’en passer.
Est-ce vraiment le progrès ? Je n’ai pas de réponse tranchée, seulement des questions. Peut-on externaliser la grossesse sans externaliser l’amour ? Les femmes marocaines seront-elles prêtes à faire confiance à une machine ? Les hommes comprendront-ils ce que signifie perdre l’expérience d’une compagne enceinte ? Finalement, la maternité n’est pas qu’une fonction biologique : elle forge des identités, des relations, des cultures.
Un débat nécessaire pour un avenir partagé
Alors que la Chine continue de surprendre par son audace technologique, le Maroc et le monde arabe doivent s’approprier ce débat.
Dans un pays qui valorise la diversité, la solidarité et l’équité, il est essentiel de réfléchir à l’usage de ces innovations. Ne laissons pas la question se confier aux seuls ingénieurs ou aux spéculateurs.
Mobilisons médecins, philosophes, religieux et citoyens. Osons penser un futur où la science sert l’humanité sans la déshumaniser.
Et souvenons-nous que, quels que soient les robots, l’essentiel se trouve peut-être dans les bras d’une mère, qu’ils soient de chair ou de silicone… et à très bientôt si vous le voulez bien !
Dans un pays qui valorise la diversité, la solidarité et l’équité, il est essentiel de réfléchir à l’usage de ces innovations. Ne laissons pas la question se confier aux seuls ingénieurs ou aux spéculateurs.
Mobilisons médecins, philosophes, religieux et citoyens. Osons penser un futur où la science sert l’humanité sans la déshumaniser.
Et souvenons-nous que, quels que soient les robots, l’essentiel se trouve peut-être dans les bras d’une mère, qu’ils soient de chair ou de silicone… et à très bientôt si vous le voulez bien !
Sources :
1. Présentation de Kaiwa Technology lors de la World Robot Conference [1].
2. Expérience des biobags à Philadelphie [2].
3. Règle des quatorze jours sur l’embryon [3].
4. Statistiques sur l’infertilité en Chine [4].
1. Présentation de Kaiwa Technology lors de la World Robot Conference [1].
2. Expérience des biobags à Philadelphie [2].
3. Règle des quatorze jours sur l’embryon [3].
4. Statistiques sur l’infertilité en Chine [4].